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A la loupe
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Gabino Sotelino

Une vocation détournée

Incroyable destinée que celle de Gabino Sotelino choisi pour entrer dans les ordres. A l'âge de 9 ans, il étudiait à Madrid au séminaire San Francisco El Grande et ce n'est que parce qu'il était trop rebelle que 3 ans plus tard il en sortit pour entrer dans un hôtel.

A Chicago, le monde de la restauration connaît celui que l'on appelle Gaby. L'homme est chaleureux, dynamique, entreprenant et bon vivant. A la tête depuis 20 ans d'un restaurant gastronomique de renommée, Gabino Sotelino est aussi un des moteurs du groupe Lettuce Ent. puisqu'il en est le vice-président. Après Chicago, la création de la très parisienne brasserie Mon Ami Gaby connaît un succès très remarqué à Las Vegas.
L'homme est tout en rondeur, chaleureux comme l'accent qu'il a quand il parle français, comme quand il parle anglais ! D'un père galicien et d'une mère basque, Gabino à en lui cette culture de la gourmandise : c'est elle qui l'a justement conduit à devenir cuisinier. Après avoir été mis à la porte du séminaire pour son indiscipline, il se retrouve à 14 ans maître de son destin et c'est au Ritz de Madrid qu'il occupe un poste de coursier. Se liant vite d'amitié avec le chef et n'arrêtant pas de tourner autour des cuisines, il n'a de cesse de lui demander de lui donner sa chance aux fourneaux. Il obtiendra gain de cause. Il se souvient : "J'y ai passé les années les plus dures de ma vie." Qu'à cela ne tienne. A l'époque, l'Espagne n'est pas un pays reconnu pour sa douceur de vivre et Gabino n'est pas le seul en 1954 à vivre des apprentissages difficiles. Il continuera son chemin, déterminé à avancer.

France, Suisse et Espagne
En 1959, c'est comme commis de cuisine au Plaza Athénée qu'on le retrouve, avant qu'il ne s'aventure à Majorque, aux Canaries, à Madrid, en Suisse, puis au Knoons Hotel à Saint-Moritz. Au fil du temps, Gabino va continuer à faire des saisons entre la France, la Suisse et l'Espagne, et à apprendre son métier de cuisinier jusqu'au jour où il rejoint Hilton International. A partir de là, Gabino va découvrir un autre monde et sera en charge, pendant plusieurs années, de l'ouverture de nouveaux hôtels : Hong-kong, Le Caire, Istanbul, Alexandrie, Londres, Montréal. Chaque fois, il repart de zéro, remet des équipes en place, découvre de nouvelles cultures, de nouveaux produits et, entre deux ouvertures, revient à New York où Conrad Hilton, encore très actif, réunit ses missionnaires pour mieux leur inculquer l'art et la manière d'être de vrais "Hiltoniens". De cette époque, Gabino garde des souvenirs forts mais aussi un grand sens de l'organisation, une réelle faculté à constituer, à dynamiser des équipes et une formidable capacité d'adaptation. Quand, au bout de plusieurs années, il quitte la compagnie, il se marie, est bientôt père et c'est à Washington qu'il s'installe. Il y restera 8 ans. Gabino se sent alors prêt à voler de ses propres ailes. Il veut s'installer et s'en va chercher une affaire à reprendre. C'est parce qu'on lui avait fait une proposition sur Chicago qu'en 1979 Gabino quittera Washington.

Rencontre avec Richard Mellman
Il ne s'installera pas tout de suite puisqu'il prend la direction des cuisines d'un restaurant alors très renommé à Chicago, Le Perroquet. Mais il affinera son projet avec d'autant plus de passion qu'il fera la connaissance de Richard Mellman, encore lui ! Richard Mellman, créateur du groupe Lettuce, qui compte aujourd'hui plus de 70 restaurants différents sur Chicago, est alors un entrepreneur exclusivement intéressé par la restauration américaine de type hamburger. Gabino Sotelino et Richard Mellman apprennent à se connaître, à s'apprécier et Mellman propose alors de s'associer à Gabino pour créer un restaurant. "Il ne connaissait rien à l'Europe et à la gastronomie, se souvient Gabino. C'était impossible de prendre le risque d'une association dans ces conditions. Nous n'aurions jamais pu nous entendre !" Qu'à cela ne tienne, Gabino va entraîner Mellman dans un périple gastronomique en Europe dont il reviendra marqué à jamais. Fini le développement du hamburger. C'est dans des concepts de restaurants haut de gamme, autour de la gastronomie, qu'il veut investir. C'est ainsi qu'en 1980 Gabino Sotelino, avec Richard Mellman comme partenaire, ouvre L'Ambria qui connaît d'emblée un succès immédiat. En 1981, Gabino ouvrira à côté un grand café, devenu après rénovation Mon Ami Gaby, un restaurant d'inspiration brasserie parisienne avec des plats et des vins typiquement et exclusivement français. En 1985, c'est un bar à tapas, Café Barbarida, qu'il crée, toujours à Chicago.

Créer de nouveaux concepts
En 1999 à Las Vegas, dans le Paris-Las Vegas, c'est une brasserie Mon Ami Gaby qu'il ouvre, à la dimension de la ville des jeux puisqu'il y emploie 450 personnes ! Et ça n'est certainement pas fini. A 59 ans, Gabino a encore de nombreux projets : "Depuis que je suis là, plus de 2 000 personnes ont travaillé avec moi", explique-t-il. De quoi en récupérer quelques-unes pour les lancer et pour former des équipes. Il s'appuie sur la structure du groupe : "Nous avons un personnel très compétent au niveau achats, contrôles, marketing, architecture, technique", explique-t-il. Autant d'atouts pour créer de nouveaux concepts. Les produits sont de très belle qualité, "en plus grande quantité qu'en Europe et moins chers". Le foie gras vient de Californie mais surtout de l'Etat de New York, les fruits et légumes proviennent ou de Californie ou de d'Illinois en fonction des saisons. Les clients américains ont appris à apprécier : "Ils ont tellement voyagé en France ces dernières années, en choisissant toujours les meilleures maisons que, quand ils viennent ici, c'est une réelle exigence !" Seul bémol à l'extase d'être restaurateur à Chicago : le personnel.

Un recrutement difficile
"Il n'y a plus personne sur le marché. Quand on veut recruter, on pique quelqu'un à un autre restaurateur en le payant plus cher. On n'a pas d'autre solution", regrette Gabino mais son optimisme n'en est pas pour autant ébranlé. "Aux Etats-Unis, c'est beaucoup plus facile de réussir quand on est travailleur, quand on a envie de faire quelque chose de sa vie. En Europe, ceux qui ont le pouvoir et en particulier le pouvoir financier restent entre eux. C'est un club très fermé tandis qu'ici, ceux qui ont de l'argent vous font confiance si votre projet est bon et vous partagez le succès avec eux. Ici, on donne sa chance à ceux qui veulent oser." Revenir en Europe ? "Dans ma maison à Marbella oui, avec mes amis, ma famille, pour faire la fête, pour oublier l'Amérique mais pour y revenir travailler. L'Europe, c'est la douceur de vivre mais l'Amérique, c'est le business. Il est trop tard maintenant pour revenir autrement qu'en vacances !" Gabino est heureux ici ; à L'Ambria, ouvert exclusivement au dîner (17 h 30 ­ 23 h), il sert une moyenne de 180 couverts au prix moyen de 80 $ alors que celui de Mon Ami Gaby est de 35 $.
P. Le Naour

L'Ambria
2300 N. Lincoln Park Street
Chicago ­ Illinois 60614
Tél : 00 1 773 472 5959


Gabino Sotelino a accueilli dans ses cuisines Jean-Paul Lanyou, de l'hôtel Ile Rousse à Bandol, les 3 et 4 avril derniers.


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L'HÔTELLERIE n° 2660 Hebdo 6 Avril 2000

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