Les cuisiniers-restaurateurs
veulent aujourd'hui prendre seuls leur destin en main. Au-delà du cuisinier, l'artisan,
le créateur qui connaît chaque jour l'angoisse de la qualité de la prestation servie à
ses clients, de la réputation de sa maison, c'est aujourd'hui le chef d'entreprise qui
prend le pouvoir. C'est lui qui sait combien coûte le vin servi dans les meilleurs verres
en cristal, qui sait combien est difficile à tenir un coût matière quand les produits
de la mer flambent au premier coup de mer, qui sait le temps qu'il consacre à former les
membres de son équipe, à les motiver pour toujours chercher à atteindre la perfection
que le client qui paie cher une prestation attend de ce type de restauration. Longtemps
au-dessus du lot, ces restaurateurs se sont davantage souciés de leur image que de leur
gestion, les années de crise les ont fait redescendre sur terre, ils ont appris à
gérer, à anticiper et aujourd'hui, ils sont parfaitement conscients de l'importance de
la représentativité professionnelle. Peu nombreux à s'investir au sein des instances
syndicales patronales, auxquelles ils préféraient les associations de cuisiniers où ils
retrouvaient leurs pairs, ils comprennent aujourd'hui que la défense des intérêts du
secteur de la restauration est entre les mains de professionnels qui ne tiennent pas
forcément compte de leur spécificité, et pour cause. Peu nombreux, considérés souvent
comme des nantis, peu impliqués sur le plan syndical départemental, ils ont souvent
été rejetés par les autres restaurateurs qui les voyaient mal les accompagner pour
défendre des revendications qui semblaient éloignées de leur quotidien. Les syndicats
pensaient décrédibiliser leur message auprès des politiques quand, demandant des
baisses de charges, des baisses de TVA, ils se présentaient en compagnie des chefs
étoilés qui avaient fait la une des derniers magazines de décoration dans lesquels on
présentait les rénovations somptueuses de leur maison. Aussi petit à petit, le fossé
s'est-il creusé et c'est dommage.
Aujourd'hui, ils ressentent le besoin de se différencier pour mieux être identifiés
par les pouvoirs publics, pour mieux se reconnaître aussi entre eux. Parce que le secteur
de la restauration s'est considérablement diversifié, ils se sentent isolés dans leur
spécificité professionnelle, ils veulent pouvoir continuer à offrir de hauts niveaux de
prestations et ils ont raison. C'est de la performance, de leur image que la restauration
française dans son ensemble tire sa réputation internationale. Les rejeter ne pourrait
à terme qu'avoir des conséquences catastrophiques sur l'ensemble des entreprises. A
l'heure où la crise de vocation se fait de plus en plus forte pour les métiers de
cuisinier, de serveur, seule leur réputation fait encore rêver les jeunes qui s'engagent
dans ces métiers. Nier leur spécificité, c'est choisir de ne plus avoir de
professionnalisme dans ce secteur d'activité. Seuls les meilleurs peuvent être chefs de
file. Aussi est-il indispensable que chacun trouve sa place au sein de cette grande
famille qu'est la restauration avec le respect qui est dû à chacun.
PAF
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L'HÔTELLERIE n° 2660 Hebdo 6 Avril 2000