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Le chemin de croix du recrutement

En 1999, plus de 36 000 offres d'emploi dans le secteur de l'hôtellerie-restauration n'ont pas trouvé de candidats. Les professionnels rament pour trouver du personnel et la solution miracle n'est pas à l'ordre du jour.

Nadine Lemoine

Environ 36 000 offres d'emploi pour lesquelles les patrons ne trouvent de candidats adéquats, il y a de quoi s'inquiéter. Bien sûr, ce constat de l'ANPE n'est pas un scoop. Tous les professionnels savent à quel point aujourd'hui il est difficile de trouver du personnel. Mais le plus inquiétant, c'est que l'on ne voit pas poindre de revirements à l'horizon ni de remèdes à ce problème qui mine de plus en plus les professionnels.
"Le sujet qui anime la profession, c'est la pénurie de main-d'œuvre, la difficulté de trouver du personnel, qualifié ou peu qualifié, mais qui travaille, qui reste et qui s'installe dans cette profession", reconnaît Emilio Alvarez, directeur de l'ANPE spécialisée en hôtellerie-restauration, implantée rue de Belleville à Paris. Il se souvient des années noires (la Guerre du Golfe, le terrorisme et le tourisme en chute libre avec les Américains qui boudaient la France). Avec la crise, les affaires marchaient moins bien et les professionnels trouvaient sans problème du personnel. A partir de 1997-1998, la reprise de l'activité a entraîné une forte demande en personnel. "On notait une augmentation des offres d'emploi, mais on ne savait pas si c'était structurel ou conjoncturel, rappelle Emilio Alvarez. Sur le marché de l'emploi, le chômage diminuait et la baisse dans ce secteur était encore plus forte que dans d'autres de quelques points déjà."

La rançon du plein emploi
"Dans le métier, on trouve facilement du travail aujourd'hui. On quitte une place et on en trouve une autre le jour même. Alors les employés n'hésitent plus à claquer la porte...", explique clairement un salarié qui préfère conserver l'anonymat. C'est le plein emploi et les salariés le savent bien. Les offres pullulent et ils ne leur restent plus qu'à faire jouer la concurrence en quelque sorte. "Quand on passe une annonce, la première question au téléphone, c'est coupure ou journée continue ? Aujourd'hui, les gens recherchent des postes en journée continue. Si vous répondez "coupure", ils vous disent tout de suite non merci", s'exclame la patronne d'un petit restaurant en banlieue parisienne. "Les gens ne veulent plus travailler le week-end et surtout pas le samedi soir", renchérit un collègue. Les salariés comparent les offres et font leur sélection sans états d'âme. "Quels sont les horaires et est-ce que vous fermez le week-end, ce sont les deux premières questions que les jeunes nous posent lors de l'entretien d'embauche. On voit tout de suite ce qui les motive...", nous confie un restaurateur normand.
Au sein de l'ANPE, la tendance est confirmée. "1999, ça a été pour les salariés la possibilité de retrouver des choix, de trouver un employeur près de chez soi, par exemple, concède Emilio Alvarez. La loi du marché est impitoyable. Au début des années 90, elle l'a été pour les salariés. Elle l'est désormais pour les employeurs qui ne trouvent plus de personnel."

Rémunérations
"Pour garder les gens dans le métier, il faudrait les payer, admet un restaurateur installé dans les Alpes. Or, qui va commencer par doubler la masse salariale et qui peut se le permettre ? En plus, avec les 35 heures, il faudrait embaucher deux brigades pour assurer le service. Je ne vois vraiment pas comment je pourrais supporter un tel coût." Aujourd'hui, c'est bien la question des salaires qui se pose. Les salariés ne souhaitent pas tous une réduction du temps de travail, loin de là et certains le font même savoir ouvertement. Ceci dit, la discussion salariale est quant à elle bien au centre des revendications. "Les bons professionnels ne sont pas payés à leur juste prix si on considère les heures qu'ils font et le peu de temps qu'ils ont pour leur vie de famille, déclare avec force un professionnel. D'ailleurs, en général, ce ne sont pas ceux-là qui se plaignent !" Personne n'est dupe : ceux qui peuvent offrir des salaires au-dessus du marché n'ont pas de mal à trouver du personnel. A l'ANPE hôtellerie-restauration, où les murs sont tapissés d'offres d'emploi, on voit rapidement quelles sont les offres qui retiennent l'attention des chercheurs d'emploi...

Fidéliser le personnel
Les salaires et les horaires sont les deux premières revendications. L'ambiance, le respect, les encouragements, les petits gestes qui entretiennent les bons rapports, tout ce qui peut améliorer les conditions globales de travail doit attirer l'attention des employeurs. A l'instar de Marc Rohfritsch (voir encadré), gageons qu'un bon compromis, c'est ce que doivent rechercher les professionnels. Un effort de part et d'autre et l'on voit bon nombre d'employés s'attacher à une maison sans pour autant battre des records de salaires.
"Il faut former des jeunes. En sélectionnant dès le départ les bons éléments et en investissant dans la formation, c'est souvent comme ça qu'on a de très bons professionnels", conseille un patron des Hautes-Alpes. Cela prend certes beaucoup de temps, mais l'usage lui a appris que c'était un bon calcul à long terme.
C'est à une salariée aujourd'hui en poste en région parisienne que nous laisserons le mot de la fin : "Le problème, c'est que les employeurs n'embauchent que des jeunes. Il suffit de regarder les annonces pour voir les âges demandés. Moi, je n'ai aucune chance si on me demande ma date de naissance. En revanche, si j'obtiens un entretien, je peux réussir à convaincre le patron que mon expérience est un atout."

Marc Rohfritsch
Gérant de la Maison des Têtes à Colmar :

"C'est le plein emploi dans le secteur et les gens répondent à 36 annonces à la fois tout en cherchant un poste pour tout de suite. Chez nous, les gars restent deux à trois ans en cuisine. En fait, c'est en salle que nous recherchons le plus souvent du personnel puisque les personnes restent en moyenne entre 6 et 7 mois.
Pour augmenter les salaires, il faudrait augmenter les prix, or les clients ne sont pas d'accord. Alors chez nous, on a décidé de fermer le dimanche soir jusqu'au lundi soir, pour permettre au personnel de passer un peu de temps en famille. Notre fermeture annuelle est en février, mais on leur donne aussi une semaine l'été. Il faut trouver des compromis."

Jean-Pierre Leclerc
Directeur d'exploitation de la Maison de l'Amérique à Paris :

"Nous recherchons ponctuellement du personnel et l'on s'aperçoit qu'au fil des années, cela devient de plus en plus difficile, aussi bien en salle qu'en cuisine. Beaucoup de professionnels quittent le métier. Sur ma promotion (CAP/BEP Ferrandi 82), on est peu nombreux à être restés dans le secteur ou alors, certains ont repris l'affaire familiale. Quant aux jeunes, s'ils ne sont pas passionnés et motivés, autant par l'école, les parents que les professionnels, ils baissent souvent les bras. Surtout lorsqu'ils voient des copains dans l'administration..."

ANPE

Métiers

Offres d'emploi enregistrées

Offres d'emploi satisfaites

Offres d'emploi non pourvues en 1999

Hôtellerie
Employé d'étage   30 590   27 743 2 847
Employé du hall   668   627 41
Réceptionniste   9 540   8 457 1 083
Gouvernante   853   720 133
Concierge   51   43 8
Chef de réception   736   546 190
Directeur d'hébergement   1 044   901 143
 
Restauration
Aide de cuisine   38 026   35 208 2 818
Cuisinier   79 411   68 556 10 855
Employé polyvalent restauration   53 023   47 691 5 332
Serveur   88 011   77 096 10 915
Sommelier   352   250 102
Chef de cuisine   3 870   3 227 643
Maître d'hôtel   1 563   1 410 153
Responsable restauration collectivité   1 129   930 199
Directeur de restaurant   2 143   1 860 283
Employé de café, bar-brasserie   14 237   13 154 1 083
Total   325 247   288 419 36 828

Source : ANPE


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