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3 étoiles à Paris

Le pizzaïolo qui a bien tourné

Guy Martin obtient cette année la troisième étoile. Le p.-d.g. et chef du Grand Vefour a débuté dans son métier près d'un four à pizzas, à Annecy, et il n'a jamais fait le moindre apprentissage dans une grande brigade. Parcours hors du commun d'un chef particulièrement doué.

A 18 ans, Guy Martin rêvait d'une carrière au long cours, musicien ou médecin à l'étranger dans une organisation humanitaire. Une simple assiette en a décidé autrement ! "La cuisine est venue à moi. J'ai suivi des copains qui avaient choisi ce métier."
Le déclic s'est produit en 1980 chez Yann, à Annecy, où il a découvert dans ladite assiette dressée par Yves Lefebvre que la cuisine était autre chose que ce que connaissait jusqu'alors celui qui fut pizzaïolo pour payer ses études.
"Il a démarré avec moi. Je me suis efforcé de lui transmettre mon amour du métier et de lui apprendre quelques recettes", témoigne Yves Lefebvre - établi à L'Ancolie de Cruseilles (74) - qui se souvient de ce "passionné, amoureux du travail" qui passa un an auprès de lui.
La suite tient du conte de fée, avec quelques rencontres décisives -Traversac et Taittinger notamment - le menant à deux étoiles au Château de Divonne (1990) et à cette troisième étoile au Grand Vefour, ressentie aujourd'hui comme un "immense bien-être intérieur". Ce couronnement est aussi la preuve que l'on peut partir de la base et arriver au sommet sans jamais avoir fréquenté les grands maîtres. C'est presque de cela dont Guy Martin est le plus fier. "J'y vois un encouragement pour des jeunes qui sont courageux et aiment leur métier", dit-il. Autodidacte proclamé, sans la moindre filiation dans le métier, il a choisi cette voie par amour, "parce que c'est un moyen de m'exprimer et que j'ai envie de donner".
A l'heure d'opter pour le Grand Vefour, c'est moins la réputation du lieu hanté par le fantôme de Raymond Oliver que la difficulté de vivre à Paris qui aurait pu le faire hésiter.
Tombant sous le charme d'un restaurant de légende, il a pourtant foncé et remis à plus tard les quotidiennes promenades en montagne. Aujourd'hui, il avoue s'être adapté à la capitale et ne pas être en manque de ces randonnées qu'il prise tant.
"J'ai trouvé un juste équilibre entre mon restaurant et ma vie privée. Même si je me plais à Paris, je fais en sorte d'aller régulièrement à la montagne, aux Arcs pour Noël par exemple. J'y passerai aussi le week-end de Pâques. Sinon, je voyage dans ma tête en me promenant dans les jardins des Tuileries. J'ai parfois besoin de rêver en solitaire, j'essaye de jouer de la guitare, je visite les musées. C'est le bonheur, avec une année tournée vers la joie et la sérénité."
J.-F. M.

Le Grand Vefour : trois siècles d'histoire

Si l'histoire récente du restaurant de la rue du Beaujolais est marquée par la personnalité de Raymond Oliver, l'aventure de cette belle maison débute en 1782 quand un certain Aubertot, limonadier de son état, obtient location et patente du Café de Chartres. Le lieu est très vite à la mode : c'est là que fermentent les idées qui mèneront la France à la Révolution ; là que l'on croisera Murat, le duc de Berry, Brillat-Savarin et Berchoux.
En 1820, Jean Vefour, ancien chef de cuisine de Louis-Philippe d'Orléans futur roi de France, se porte acquéreur de l'établissement auquel il donne son nom. Et pour surpasser Véry, son illustre voisin et rival, il transforme cet ancien bistrot en un établissement somptueux qui s'étend sur trois niveaux. La cuisine est à la hauteur et Grimod de la Reynière vante la Fricassée de poulet à la marengo. En trois ans, fortune faite, Vefour se retire pour vivre de ses rentes.
Le lieu reste réputé et très bien fréquenté par la bourgeoisie parisienne : Victor Hugo sera un habitué et la Belle Otero y fera sa première sortie publique à Paris. Le Grand Vefour ferme pourtant ses portes en 1905, et même si les pouvoirs publics décident de classer la façade en 1920, le lieu est laissé à l'abandon.
C'est ainsi que Louis Vaudable le trouvera en 1947. Il le restaurera totalement avant de jeter l'éponge, la clientèle de son Maxim's - temporairement fermé après la guerre - ne venant pas au Palais Royal.
En octobre 1948, avec la réouverture sous la houlette de Raymond Oliver, débute une nouvelle et glorieuse aventure. Il mise sur une cuisine classique et ne néglige surtout pas les ressources de son Sud-Ouest natal. Jean Cocteau et Colette, ses voisins, deviennent les habitués d'un restaurant qui récolte trois étoiles au Michelin en 1953.
Sa promotion parallèlement assurée par son émission télévisée Art et magie de la cuisine, Raymond Oliver restera au sommet jusqu'en mars 1983 où Michelin choisit de lui enlever sa troisième étoile. Déçu, fatigué, victime d'un exalté qui lance une bombe dans la salle quelques jours avant Noël, Oliver décide de quitter les lieux où il vient de passer trente-six ans.
Jean Taittinger rachète l'affaire et quelques années plus tard installe Guy Martin dans la place. On connaît la suite...

 

Le Savoyard de Paris

Né le 3 février 1957 à Bourg Saint-Maurice, Guy Martin revendique son indépendance : c'est en candidat libre qu'il a passé son baccalauréat et c'est en union libre avec son amie Pascale qu'il a eu trois enfants, et bientôt un quatrième.
Pas de fil à la patte donc pour ce montagnard qui n'aime rien moins que rêver des sommets enneigés et de ses courses futures.
Après avoir débuté dans une pizzeria et poursuivi sa trajectoire au Carlina à La Clusaz (1981), il a vécu la vie de châteaux à Coudrée (1982), Esclimont (1983) et Divonne-les-Bains (1983), avant d'arriver au Grand Vefour en 1991, à 34 ans.


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L'HÔTELLERIE n° 2655 Hebdo 2 Mars 2000

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