Actualités

Au coin du zinc
______________

Rencontre

Jean-Marie Gourio, l'anthropologiste des bistrots

Le premier recueil de Brèves de Comptoir remonte à 1988. De page en page, cette succession de réflexions, commentaires, paroles, attrapés au vol, reçus de plein fouet au coin du zinc, amusent ou dérangent. Une certitude, l'auteur, Jean-Marie Gourio, a toujours aimé les bistrots. Avec Brèves de Comptoir, il s'est fait le porte-parole, l'ami, le confident de la rue, comme des hommes et des femmes qui se retrouvent par hasard ou pour toujours dans les bistrots.


Interviewer Jean-Marie Gourio relève d'un étrange défi. Le faire parler du bistrot, en quelques lignes, alors qu'il y a passé de 6 à 7 heures par jour, des années durant, et souvent jusqu'à une heure avancée de la nuit ? Difficile. Incomplet. Si loin de l'amitié et de la chaleur qu'il témoigne à cet univers. D'où la décision de reproduire, sans emballage, sans papier cadeau, sans ruban superflu, ces quelques réponses et constats, qu'il a bien voulu nous faire. Merci Monsieur Gourio, et au prochain bouquin.

C'est un lieu pour rencontrer des gens, on y va aussi quand on veut être un peu peinard. On peut y rêvasser, on peut regarder les autres, être au milieu des autres sans forcément discuter.

J'ai vraiment découvert le bistrot au lycée, entre un baby et un diabolo fraise. Le bistrot, pour un jeune, c'est là qu'il vient terminer ses devoirs, c'est l'annexe de la salle d'étude.

C'est aussi ce qu'on recherche ensuite : ce sont des souvenirs, des odeurs (de fioul, de bière, d'eau de Cologne). J'ai serré la main de quelqu'un récemment dans un bar. A ce moment-là, une odeur est remontée et ce souvenir m'a immédiatement rassuré.

A Dijon, à Marseille, en Bretagne. Partout où je vais, grâce aux bistrots, il y a un endroit où s'arrêter.

Quand j'ai fait le premier bouquin (de Brèves de Comptoir), j'aimais déjà les bistrots.

Je n'ai pas de portable, je rentre dans les bistrots pour passer un coup de fil. Des fois, il faut aller allumer la salle du fond pour téléphoner.

Je remonte Mesnil Montant, il y a un grand tabac et une église. Le quartier est très populaire. Il y a bien cinq ou six types d'établissements. Tous les cinquante mètres, il y a un café qui raconte une population.

Je n'aime pas les gens qui ont trop bu. J'aime les gens qui sont aimables. Le sourire d'un patron, du serveur, du client, c'est vraiment chouette. Vous savez, un petit sourire, ça peut changer la journée des gens.

J'attends d'un bistrot une réelle convivialité. J'attends d'un patron qu'il sache remettre une tournée ; pas tout le temps, mais une fois en passant, pour le plaisir, pour faire plaisir.

Bien sûr, il y en a qui picolent trop. Mais je connais pas mal de patrons de bistrot qui leur piquent les clés de leur bagnole...

Dans les grandes brasseries, j'aime manger le plat du jour. Mais j'ai une grande faiblesse pour les cafés où je peux m'installer au comptoir.

J'aime bien les cafés où les clientèles se mélangent.

Il n'y a qu'au café où des gens qui se connaissent depuis cinq minutes ont parfois, soudain, l'impression de se connaître depuis longtemps.

Le café est en fait une espèce de couloir entre chez soi et la ville.

S'installer au comptoir et regarder l'activité d'un bistrot, c'est vraiment extraordinaire. Ça ressemble à un balai. Regarder un serveur s'activer, le patron aller et venir, tirer un café, cela me fait penser à des charpentiers qui construisent, assemblent, créent. C'est à la fois rigolo et fascinant tous ces gestes de travail.

Le café, c'est de l'attention que les gens se portent.

A la campagne, je vois des patrons de bistrots qui engueulent les chômeurs qui passent trop de temps dans leur établissement. C'est touchant et bien. J'ai déjà vu des patronnes aller s'asseoir à une table et se mettre à râler après le jeune qui est là à traîner, mal habillé. J'en connais une qui est allée chercher un pull propre et l'a obligé à l'enfiler. Elle l'a un peu secoué et ça lui a fait du bien au gamin.

Au bistrot, il y a beaucoup de petits bonheurs qui se racontent et de petits malheurs qui s'y réparent.

Propos recueillis par Sylvie Soubes

Les Nouvelles Brèves de Comptoir

Les Brèves de Comptoir ont été jouées pour la première fois à la télévision par Jean Carmet, dans la série réalisée par Jean-Michel Ribes : Palace. C'est le même Jean-Michel Ribes qui allait les mettre en scène en 1994 au théâtre Tristan Bernard à Paris.
Le succès fut rapide et la pièce partit en tournée dans toute la France. L'an dernier, Les Nouvelles Brèves de Comptoir ont fait leur apparition sur les planches du théâtre Fontaine à Paris. Un nouveau succès pour Jean-Marie Gourio et Jean-Michel Ribes.

 

Vous ne connaissez pas encore Brèves de Comptoir * ?

* Scandaleux...

Un aperçu du tome III, compilation des brèves de comptoir des années 1996, 1997, 1998. Un régal ! Aux éditions Robert Laffont, 698 pages. 159 F en librairie.

"Une sorte de schizophrénie répandue, c'est la mousse sur la bière, c'est de la bière mais c'est surtout de la mousse, c'est pas de la bière en fait, c'est pas de la vraie mousse, c'est curieux, sans être religieux, comme une secte..."
"John Wayne est immortel, c'est con qu'il soit mort."
"Pour moi, la langouste, c'est du Alien mayonnaise."
"La mondialisation, il ne faudrait pas non plus que ce soit qu'en France."
"Dans les restaurants qui servent des insectes, les cafards qui courent sur les murs, en fait, c'est rien que des taches de sauce."
"Je conduis que pour aller boire des coups, alors m'enlever le permis pour ça, c'est pas logique non plus..."
"je bois sporadique à cause du docteur."
"L'Anglais en primaire, c'est bien parce que le cerveau n'est pas encore formé."
"Y a bien un mec qui a fait les peintures chez Picasso, c'est obligé."
"La seule plante qui a le sens des responsabilités, c'est la vigne."
"Je n'aime pas la foule, j'ai toujours peur de mourir écrasé ou pire de marcher sur le pied de quelqu'un."
"Les psychanalystes, c'est des malades souvent."
"Une cuite par jour, ça finit par s'accumuler."
"Le vrai crottin de Chavignol est salé à la main. - Et il faut que la main soit de Chavignol."
"Vous trouvez pas que j'ai vieilli ? - Si. - C'est pas ça que je vous demande !"

Quels bistrots fréquente-t-on ?

      En semaine (%)     Le week-end (%)
  Parisiens Provinciaux Parisiens Provinciaux
Café de quartier   31     20   22     13
Bar de nuit   20     12   22     13
Le café avec petite brasserie   34     23   34     19
Le restaurant/grande brasserie 44     36   43     40
La restauration rapide   14     16   8     14
La discothèque   17     12   17     16

Quand fréquente-t-on un établissement ?

  En semaine (%) Le week-end (%)
Au petit-déjeuner   10   5
Dans la matinée   39   30
A l'heure du déjeuner   43   36
Dans l'après-midi   36   28
En fin d'après-midi   38   25
Pour le dîner   30   35
Après le dîner   22   29

Sources Sofres/France Boissons


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2649 Spécial Café 20 Janvier 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration