Assemblée générale du SNRLH, mercredi 17 novembre 99
"Coûts salariaux sans cesse aggravés et dirigisme de l'Etat sont des facteurs de faiblesse de notre industrie hôtelière nationale." Les intervenants (notamment le président Pierre Gauthier et Jacques Mathivat président de la Commission sociale du SNRLH) ont pu mettre ces points en avant dans leurs discours. "Bien que la France soit la première de la classe en matière touristique dans le monde, elle est malheureusement aussi parmi la première en matière de prélèvements obligatoires fiscaux et sociaux. Secteur de service à la recherche de main-d'uvre, le domaine des CHR est l'un des plus importants en termes d'emploi potentiel."
La loi Aubry, inadaptée à notre secteur
"Tout à la fois irréaliste, illogique et dangereuse pour la profession, la loi
Aubry est", selon les mots mêmes de Jacques Mathivat, "d'une complexité
juridique encore jamais égalée. Elle semble de plus vouloir confondre l'ensemble des
entreprises françaises dans un même moule, sans jamais prendre en compte les
particularismes propres à chaque secteur". Comme le président Gauthier l'a
lui-même reconnu, "dans notre profession, le temps est différent de celui des
autres". Cette caractéristique, reconnue depuis des décennies par les pouvoirs
publics, est aujourd'hui remise en cause. En effet, en l'absence de changements de
dernière minute dans la loi actuellement débattue au Parlement, les entreprises des CHR
de plus de 20 salariés devront, au 1er janvier 2000, ramener le temps de travail à 35
heures.
Les intervenants se sont d'ailleurs indignés du fait que la loi Aubry intervienne si peu
de temps après la signature de la convention collective nationale. "Elle remet
ainsi en cause les avancées substantielles réalisées en matière de dialogue social qui
faisaient suite à plusieurs années de négociations." Jacques Mathivat, pour sa
part, ne décolère pas : "La profession a déjà, il y a presque deux ans
maintenant, fait l'effort non négligeable de réduire de deux heures la durée du travail
pour la ramener à 43 heures, et l'on voudrait aujourd'hui, si l'on se base sur les
textes, la réduire encore de 8 heures ! Je préférerais que la loi nous fasse passer
dans un premier temps à 41 heures, ce qui représenterait, en prenant en compte les deux
heures apportées par la convention collective, quatre heures de réduction du temps de
travail comme pour les autres entreprises." Cette solution de compromis n'a
toutefois pas été retenue par le ministère du Travail. Si la seconde loi Aubry poursuit
sur la lancée de la première, il y a donc de grandes chances pour que de nombreuses
dispositions de la convention collective des CHR soient dans quelques mois obsolètes.
Les 39 heures : futur proche ou miroir aux alouettes ?
Suite à de nombreux contacts avec le ministère, le syndicat assure pourtant avoir obtenu
l'assurance verbale du cabinet de Martine Aubry et de la direction du Travail qu'un
décret serait voté avant la fin de l'année pour que les 35 heures se métamorphosent en
39 pour les CHR. Soyons malgré tout prudents et ne vendons pas la peau de l'ours avant de
l'avoir tué : en effet, il n'y a pas si longtemps, un ministre de l'Intérieur avait
l'habitude de dire que "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent".
Jacques Mathivat a également pu rappeler que le SNRLH fut à l'initiative de la
négociation d'un accord de branche entre les syndicats professionnels et les partenaires
sociaux. Cet accord permettrait aux entreprises d'obtenir pour la réduction du temps de
travail un échéancier plus favorable que celui prévu par la loi. Il leur serait ainsi
accordé un délai supplémentaire pour s'organiser.
Un accord de branche au point mort
Un tel accord de branche permettrait également aux entreprises du secteur de pouvoir
bénéficier de la baisse des charges sociales. Sans cet accord, cette baisse
n'interviendrait que si les entreprises signaient un accord d'entreprise (avec la
nécessité par conséquent de négocier avec un délégué syndical). La marge de
manuvre des organisations professionnelles est toutefois réduite dans la
négociation car la loi a d'ores et déjà prévu de régler de nombreux points. "Les
représentants des salariés revendiquent pour leur part la réduction du temps de travail
pour l'ensemble du secteur des CHR : ce qui veut dire que les entreprises à 43 heures
devraient passer à 39 heures, et celles qui sont déjà à 39 heures à 35 heures afin
que les salariés des grands groupes bénéficient également de la réduction du temps de
travail." Pour le SNRLH, "une loi ne doit pas devenir un élément de
distorsion entre les entreprises indépendantes et les établissements de chaînes. C'est
ainsi que nous avons proposé à nos partenaires sociaux un échéancier supérieur à la
loi en contrepartie d'une réduction du temps de travail pour tous les salariés des CHR."
"Or, le collège patronal n'offre malheureusement pas un front uni : certaines
organisations ont ainsi préféré faire la politique de la chaise vide lors des
commissions mixtes paritaires, attendant semble-t-il la parution du décret d'application
de la loi avec l'espoir de favoriser les intérêts de certaines catégories d'entreprises
qu'elles représentent au détriment de la majorité d'entre elles. Pour ces raisons, les
probabilités de parvenir à un accord de branche avant l'application de la loi Aubry sont
malheureusement minces. Il serait donc souhaitable qu'à cette époque charnière pour la
profession, les syndicats professionnels parviennent à parler d'une même voix sur les
grands dossiers", prévenait-on ce jour-là rue Médéric.
Toutefois, d'après Jacques Mathivat, il convient néanmoins pour les entreprises de 20
salariés ou moins, de parier sur la probabilité d'un accord et d'attendre la parution de
la loi. En l'absence d'accord de branche, les entreprises de plus de 20 salariés pourront
néanmoins, quant à elles, bénéficier de la période de transition d'un an pour
négocier sur les quelques points non réglés par la loi.
Afin de répondre plus précisément aux questions concrètes que se posent les
entreprises, le SNRLH a prévu d'organiser, le jeudi 25 novembre, à l'initiative de
Pierre Blanc, un forum sur la réduction du temps de travail au cours duquel le service
social du syndicat expliquera les textes de loi et répondra aux questions juridiques des
adhérents.
Baissez la TVA !
Le sujet de la TVA fut également placé au centre des débats. Les taux de TVA de vente
à consommer sur place comptent en effet parmi les plus lourds de l'Union européenne.
Pour tenter de lutter contre ces charges inacceptables pour les restaurateurs,
l'association Alerte s'est créée et se propose de sensibiliser les médias et l'opinion
publique à ce problème. Il y a, pour le SNRLH, peu de doutes que ce fort taux
d'imposition soit l'une des principales causes de la courte durée des séjours des
touristes en France. En effet, alors que nous sommes la première destination touristique
au monde, nous ne sommes que la troisième en termes de recettes par touriste. Notre pays
n'est en effet pour beaucoup de voyageurs qu'un itinéraire de transit vers des pays se
révélant plus accueillants car les prélèvements obligatoires y sont moins élevés.
"Le restaurateur espagnol, par exemple, supporte en effet 13,6 points de moins de
TVA que le restaurateur français, sa TVA étant à 7 % !"
Le syndicat exige donc un taux unique de TVA pour l'ensemble du secteur de la restauration
française. Il estime effectivement qu'il est nécessaire, pour que la concurrence soit
respectée, que le service ne soit plus pris en compte pour la fixation du taux. Il est en
effet profondément illogique que ce soient les entreprises de main-d'uvre (qui
supportent donc déjà le plus de charges de personnel) qui soient le plus taxé en cette
matière. Le syndicat a d'ailleurs rappelé que ce sont les pouvoirs publics français qui
ont volontairement fait barrage à une baisse des taux de TVA dans la restauration alors
que l'Union européenne y était pourtant favorable.
Les professionnels déçus
Enfin, le président du comité régional du tourisme d'Ile-de-France, Jean-Luc Michaud,
invité à l'assemblée générale du syndicat, n'a malheureusement pas répondu aux
attentes des adhérents du SNRLH. Il était venu expliquer aux professionnels qu'une
collaboration avec le CRT leur permettrait d'attirer une clientèle toujours plus
nombreuse, et leur offrirait ainsi un moyen de pallier les inconvénients des 35 heures :
les professionnels sont restés dubitatifs et relativement hermétiques à son discours.
Il ne fut en effet pas en mesure de répondre de façon concrète aux attentes des
adhérents qui souhaitaient de lui des réponses à leurs interrogations et à leurs
craintes. Ils n'ont eu droit de sa part qu'à des "recommandations" sur la
manière de faire fonctionner leur entreprise...
C. Pouant
L'HÔTELLERIE n° 2641 Hebdo 25 Novembre 1999