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Cidre bouché de Cornouaille

L'AOC récompense la qualité

Quand on parle de cidre, il faut d'abord faire la distinction entre le cidre industriel, pasteurisé, qui est une boisson plus facile à commercialiser car de plus longue conservation, et le cidre traditionnel, artisanal - le cidre bouché - un produit fin et délicat, pour lequel les producteurs de Quimper et de Fouesnant en Cornouaille, mobilisés au sein du CIDREF de Raymond Lozac'h puis de Jean-Claude Le Hénaff, viennent d'obtenir l'appellation d'origine contrôlée (AOC). Après des années d'efforts et de lutte.

Comme presque partout en Europe, c'est l'ancienne boisson des fermes, des tavernes et des foires. C'est une affaire de paysans parce que le cidre fut longtemps le seul breuvage des exploitations agricoles, avec l'eau du puits, mais aussi, et surtout, parce que la culture de la pomme à cidre était une source de revenu pour l'agriculteur, plutôt pauvre en Bretagne. Ceci dit, ce n'est pas une culture facile car elle suppose de la part du cidriculteur une parfaite connaissance des terres de ses vergers et des plants qu'il doit y faire prospérer. C'est également une culture très concurrentielle, car si les producteurs traditionnels travaillent comme des artisans qu'ils sont fiers d'être encore, les cidreries industrielles ne se gênent pas pour utiliser des moûts concentrés, fabriqués avec des pommes de culture intensive. Avec ce que cela suppose de traitements chimiques et, bien sûr, de moindres coûts de production.

Une tonne de pommes pour 650 litres
L'amateur, au palais délicat, prêt à payer un peu plus cher pour un breuvage de qualité, doit savoir que la mise sur le marché d'un cidre traditionnel impose une traçabilité qui commence à la parcelle du verger et au lot de pommes. En Bretagne sud, on distingue quatre grandes catégories de pommes à cidre : les amères, comme les C'huero Briz, C'Huero-ru, Marie Ménard, Sac'h biniou, Kermerrien ; les douces-amères, comme les Prat Yeod, Douce Moen, Stang Ru, Troyen Hir ; les douces, comme les Avalou bouteille, les Beleien, les Dous Coêstligné, Dous Bloc'hic, Dous Bihan, Bouce Braz ; les acidulées, dont la reine est la Quillevic. Comme pour les grands vins, les rendements à l'hectare sont limités et les traitements des vergers ramenés au strict minimum. Le cidre traditionnel est un produit écologique. Dans les vergers traditionnels, le rendement est de 20 tonnes à l'hectare (125 pommiers) alors que dans les vergers "modernes" ce rendement est poussé à une trentaine de tonnes pour un hectare planté en moyenne de 500 arbres. En traditionnel, le rendement final ne dépasse pas 650 litres pour une tonne de pommes, soit de l'ordre de 13 000 litres pour un hectare de verger traditionnel.

Méthode traditionnelle
En Cornouaille, il n'existe pas aujourd'hui de véritable cidrerie industrielle même si les cidriculteurs ont évidemment modernisé leurs installations. Il s'agissait pour eux de travailler avec des outils performants et de produire dans les meilleures conditions d'hygiène et de sécurité, mais la méthode d'élaboration est, dans tous les cas, traditionnelle. La première phase est la récolte, quand les pommes sont bien mûres, c'est-à-dire tombées sur le sol. Et avant qu'elles ne se gâtent, cela va sans dire. Le tri est encore pratiqué à la main, car c'est le plus efficace. Ensuite c'est le lavage à l'eau douce puis le broyage, juste avant le pressage sur pressoirs hydrauliques à claies ou à bandes en continu. Au pressage, une tonne de fruits donne 750 litres. Le jus (les techniciens disent le moût) réalise ensuite sa clarification et, au bout de quelques jours, la plus grande partie des impuretés s'est concentrée sous l'effet des pectines en une masse gélatineuse qu'on appelle le chapeau brun. Elle va flotter en haut du tonneau, tandis que les lies vont se déposer sur le fond de la barrique.
ll reste au milieu du tonneau, entre le chapeau brun et les lies du fond, un moût clarifié qui est soutiré. Ce jus clair fait alors une fermentation. C'est elle qui transforme les sucres en alcool sous l'action des levures. Elle dure de six à dix semaines, selon le temps. S'il fait chaud, cette fermentation peut aller trop vite et il faut alors refroidir les cuves. S'il fait un peu froid, la fermentation sera lente. Comme le cidre contient des dépôts, il est nécessaire de pratiquer un soutirage ou un filtrage avant la mise en bouteilles où il va réaliser sa prise de mousse, à savoir une fermentation complémentaire qui transforme les sucres résiduels en gaz carbonique. C'est l'affaire de six semaines.

Une bouche fruitée
Au bout de ce long processus, c'est le cidre bouché qui va pétiller dans le verre comme du champagne et dont le parfum de pomme est à nul autre pareil. Les dégustateurs du cidre AOC de Cornouaille disent que l'on doit retrouver en bouche les sensations perçues au nez. Le caractère et la persistance de l'impression laissée après la dégustation doivent être suffisamment longues et fruitées. Le cidre AOC de Cornouaille est limpide, de couleur doré-orangé, à la mousse généreuse et aux bulles fines. Au goût, il est souple, d'une structure charpentée et avec une fin de bouche plus fruitée que sucrée ou acidulée. Un nectar tout en fruit, d'un degré alcoolique raisonnable (5° ou 6°), et dont les tanins et polyphénols sont excellents pour la santé. C'est la Faculté qui l'affirme.
Bref, une boisson à faire des centenaires !
A. de Sigoyer


L'équipe de la SARL Séhédic : François Séhédic, Marie-Laure Daniélou, François Le Coz et Christian Daniélou.

La boisson de l'année

François Séhédic, 66 ans, de La Forêt-Fouesnant (Sud-Finistère), grand cidriculteur devant l'éternel, dont le père obtenait déjà un diplôme en 1913, n'a pas encore rejoint la confrérie de l'AOC de Cornouaille. "L'AOC ? Vous savez, le cidre, c'est la boisson de l'année. Il se déguste dans la foulée. C'est un produit frais et vivant. Il subit le temps, la météo. Si on veut le conserver, il faut passer par la pasteurisation. Mais c'est alors un autre produit. Pas le mien, pas le vrai cidre bouché." S'il est un peu nostalgique, François Séhédic ne met pas en cause la qualité des cidres de ses collègues du pays de Cornouaille. D'ailleurs la SARL Séhédic, dont la gérante est sa fille, Marie-Laure Daniélou, va se mettre aussi à l'AOC. "Sans doute l'an prochain, mais il ne sera pas de meilleure qualité que celui que j'ai fabriqué cette année. Vous allez simplement le payer 3 F ou 4 F de plus le litre", confie le cidriculteur avec un petit sourire qui résume bien tout ce qu'il pense de cette "communication AOC". De toute façon ses 300 000 bouteilles par an, il les vend (*) aux crêperies et aux amateurs du coin... Son pommeau aussi, (apéritif à base de cidre et d'eau-de-vie de cidre de plus en plus utilisé par les cuisiniers) et son jus de pomme qui, pour sa première participation au concours de Fouesnant, cet été, a remporté la médaille d'or.
(*) Prix de vente aux professionnels HT (à 20,6 % ou 5,5 % pour le jus de pomme) : le cidre : 9 F, le jus de pomme : 11 F, le pommeau Forestic : 42 F, la Fine de Bretagne (lambic) : 84 F.


L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999

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