Bien sûr, il est toujours facile de sourire quand les entreprises américaines
affichent la photo du salarié du mois, demandent aux cadres de passer derrière le
comptoir pour vendre des cafés, des milk-shakes, amènent les dirigeants à se
transformer le temps d'une journée en équipier. Parce que le Français se veut
intellectuellement plus évolué, c'est toujours avec une certaine condescendance qu'il
observe le phénomène, n'hésitant pas à qualifier l'Américain de "grand
enfant".
Il a tort, il n'y a rien d'enfantin derrière ces comportements ; bien au contraire, ils
sont l'expression même d'une fantastique maturité. Ils projettent en effet les
entreprises dans une spirale de réussite, d'exigence et de plaisir, parce que tous
partagent la même passion avec le même intérêt : servir le client.
Certainement trop marqués par le fait que le mot travail vient du mot latin tripalium
qui signifiait torture, nous avons beaucoup de mal à imaginer en France qu'il puisse
être possible de lui associer le mot plaisir. On préfère le rapprocher de punition, de
devoir, d'obligation, de règlements, de mesure et c'est bien dommage. Comment dès lors,
dans les métiers de service, assurer une prestation de qualité quand, justement, l'on
part avec un tel handicap ? Comment faire plaisir à un client quand on n'a pas le droit
de se faire plaisir en le servant ? Comment donner confiance à son interlocuteur quand le
sourire n'est pas naturellement affiché sur le visage de celui qui reçoit le client ?
Quel sens peut-on donner à sa vie professionnelle si on ne peut l'aborder avec
enthousiasme, avec fierté ?
Si nos valeurs, nos traditions ne nous amènent pas naturellement à ce rapport avec le
travail, il est toujours
une personne dans chaque entreprise qui peut faire évoluer les mentalités : le chef
d'entreprise. C'est lui et lui seul qui peut amener les membres de son équipe à se
surpasser, à aller là où ils n'avaient jamais imaginé pouvoir aller un jour. Son
autorité ne sera justement reconnue que s'il sait porter cet intérêt aux autres, tant
à ses collaborateurs qu'à ses clients et invoquer une grande vision pour les mobiliser,
les motiver. Mais que l'on ne se trompe pas : la réduction des coûts, l'augmentation des
chiffres d'affaires n'ont jamais à elles seules constitué
une grande vision pour personne, elles ne sont que la conséquence, quasi naturelle, de la
motivation que l'on a su donner à son équipe, du plaisir qu'on lui fait prendre en
servant toujours mieux ses clients et en étant fier
du service rendu. Un programme plein de plaisirs... Avis aux amateurs.
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999