Congrès de la FAGIHT
Beaucoup de sérieux, beaucoup d'inquiétude et beaucoup d'interrogations : ce congrès mettait particulièrement en évidence le professionnalisme des hôteliers, restaurateurs et cafetiers présents. Des entreprises saisonnières, indépendantes, qui subissent de plein fouet la concurrence de la Suisse voisine où - l'hôtellerie bénéficie fiscalement d'avantages lui permettant d'assurer en toute sérénité la pérennité des entreprises - et qui, en même temps, cherchent à répondre le plus possible à une exigence de la clientèle de plus en plus importante : remise en cause permanente des méthodes de travail, investissements, recrutement en étant les corollaires. Autant de difficultés de gestion renforcées par l'inquiétude que suscite la loi Aubry dans l'hôtellerie-restauration. Des inquiétudes exprimées très clairement au cours des tables rondes qui se sont déroulées le mercredi matin autour de 3 thèmes : la réduction du temps de travail, la TVA sur la restauration et la saisonnalité.
Irréalisme
L'occasion pour Jacques Jond de dénoncer l'irréalisme des pouvoirs publics sur les
dossiers évoqués, "irréalisme de croire que la réduction du temps de travail
peut s'imposer indifféremment dans toute la France, dans toutes les professions, dans
toutes les entreprises. Irréalisme de croire, comme l'ont affirmé M. Strauss-Kahn et M.
Sauter, que le taux de TVA en restauration est supporté essentiellement par une
clientèle privilégiée, irréalisme de croire que la saisonnalité peut s'annualiser au
profit des salaires et au détriment des chefs d'entreprise". Très fortement
dénoncé aussi, le mécanisme de concertation des pouvoirs publics avec le monde
économique : alors que 97 % des entreprises françaises représentent moins de 50
salariés dont 84 % moins de 10, le dialogue permanent et les références en matière
d'organisation, d'adaptabilité ne sont établis que par rapport aux très grandes
entreprises qui ne représentent pas plus de 3 %. Comment compenser la réduction du temps
de travail dans les CHR sans accroître les charges quand la plupart des hôtels, cafés,
restaurants ont moins de 20 salariés ? Comment supporter le coût ? Comment réduire le
service aux clients à l'heure où ceux-ci sont de plus en plus exigeants, où la
concurrence est de plus en plus forte et où le client n'a plus les moyens de payer un
service de plus en plus taxé ? Interrogations, inquiétudes, échanges, colères
quelquefois, les débats furent riches de réflexions et de bon sens. L'enjeu était
clairement affiché : en l'absence d'une réelle réduction des charges sociales pour
couvrir le coût de la réduction du temps de travail de 43 à 39 heures, les entreprises
seraient amenées, pour les plus solides, à réduire leur service, leurs horaires
d'ouverture, afin de préserver leur rentabilité. Une évolution qui ne pourrait, à
terme, qu'amener ce secteur aujourd'hui encore très pourvoyeur d'emplois, à ne plus
recruter, voire licencier. Un enjeu que ne semble pas vraiment mesurer actuellement le
gouvernement qui préfère ignorer le risque de disparition, à terme, des entreprises les
plus petites.
Le point de non-retour
"La méthode impérative et arbitraire est intolérable, a prévenu Jacques
Jond. Nous continuerons à négocier avant toute mise en application autoritaire."
Une loi qui sera votée dans quelques jours et qui bien sûr s'appliquera aux hôtels,
cafés et restaurants, d'où l'importance d'aboutir avant le 1er janvier 2000 à un accord
avec les syndicats salariés, pour l'adaptation de ce nouveau texte à la réalité des
entreprises du secteur sur la base de la convention collective, et à la mise en place
d'un calendrier permettant aux entreprises de s'adapter dans le temps à ces nouvelles
contraintes. En l'absence d'un accord, le texte s'appliquerait dans son intégralité. Une
préoccupation exprimée très clairement dans le cadre d'UNIHR avec la Confédération
(présente au congrès avec une partie de son bureau) et le SNLRH (représenté aussi à
Chamonix par des membres du bureau) : d'ici la mi-décembre 5 réunions de travail de
commissions mixtes paritaires sont prévues, en accord avec l'ensemble des syndicats de
salariés pour aboutir à un accord. Confusion de l'ensemble des syndicats patronaux
devant l'attitude de la FNIH qui, absente à la dernière réunion, semble ne pas vouloir
participer à la négociation "du fait des intérêts divergents des chaînes et
des hôteliers indépendants", précise Jacques Jond qui conclut : "Des
négociations qui ne pourront déboucher sur un accord que si nous obtenons une réduction
des charges sociales en parallèle. Dans le cas contraire, nous opposerons une résistance
permanente à l'application de textes irréalistes et suicidaires."
La table ronde sur la TVA en restauration permit de faire le point sur l'ensemble des
opérations menées ces dernières années, sur les positions des politiques dont le
dogmatisme a été dénoncé.
Approche dogmatique et politique
Mise en garde fut faite vis-à-vis de ceux qui seraient tentés de demander un taux moyen
en relevant celui de l'hébergement. "En attendant, a prévenu Jacques Jond,
nous maintiendrons la pression, multiplierons démarches et manifestations puisque ce
langage semble ébranler davantage ceux qui nous gouvernent que les démonstrations
argumentées et réalistes. C'est le taux minoré que nous réclamons pour la
restauration. Opposons-nous à l'attitude dogmatique et politique de nos dirigeants sur ce
dossier."
Faisant référence à plusieurs rapports, là encore l'irréalisme en matière de
réorganisation de la saisonnalité fut très fortement dénoncé : "Des
technocrates qui s'imaginent que les saisons peuvent s'allonger mais qui ne feront jamais
que la baignade soit attirante en février et que la montagne sans neige, dans le
brouillard ou sous la pluie en novembre, puisse attirer les gens pour organiser des
séminaires !" La saison est une réalité incontournable et conditionne
l'organisation du secteur des CHR. Le rapport Le Pors fut au centre des débats. Un
rapport en faveur de l'amélioration de la situation sociale et professionnelle des
travailleurs saisonniers du tourisme, élaboré en dehors de la réalité économique des
entreprises saisonnières. Des propositions dès lors très peu réalistes, soumises au
ministre du Tourisme, propositions qui dans certains cas d'ailleurs sont en parfaite
contradiction avec les éléments négociés qui apparaissent dans la convention
collective. Afin de mieux prendre en compte la spécificité du rythme saisonnier, la
FAGIHT a réitéré des demandes :
- adapter la fiscalité annuelle à la saisonnalité,
- adapter la durée des prêts et leurs taux à la saisonnalité.
La négation des entreprises
Jacques Jond a tenu à illustrer l'urgence de ces mesures en quelques chiffres : en 20
ans, la France a perdu la moitié de son parc hôtelier saisonnier mais de 1996 à 1999,
24 000 chambres disparaissaient, soit 4 % du parc hôtelier ; en 1996 on comptait en effet
20 212 unités alors qu'au 01.01.99 il n'en restait que 18 800. Des dispositions qui
touchent principalement le secteur des entreprises indépendantes. C'est avec un appel à
la résistance qu'il a conclu ce congrès : "A défaut de réformes urgentes, je
vous invite à la résistance face à toutes les pressions qui conduisent nos professions,
d'abord au déclin puis, pour beaucoup d'entre elles, à la disparition. Je vous invite à
ne pas vous tromper d'adversaire, à redevenir davantage des militants et à faire
comprendre à tous que le syndicalisme, avec toutes ces imperfections, demeure le meilleur
rempart et l'avocat permanent de leur cause."
PLN
"Ce n'est qu'en obtenant une réduction des charges sociales que nous
pourrons mettre en place une réduction du temps de travail", déclare Jacques
Jond.
Une salle inquiète, impliquée et attentive aux tables rondes.
Si peu de considération...Occupée par d'autres centres d'intérêt, Michelle Demessine n'était pas à Chamonix, le directeur du Tourisme, lui aussi justement indisponible ce jour-là, s'était fait représenter. On appréciera la considération de l'administration et des politiques qui savent mieux se gausser de l'excellence des résultats de l'économie touristique dont ils ne peuvent pourtant pas revendiquer la paternité qu'ils ne savent consacrer aux professionnels un peu de leur temps, leur manifester quelque considération. Arrivé pour déjeuner (à l'Alpina à Chamonix), un fonctionnaire délégué par le ministère avait un discours à lire. Pressé par le temps, il intervint entre la poire et le fromage pour décrypter le texte officiel où il était censé faire le point des mesures en faveur des hôteliers-restaurateurs. Discours qu'il découvrait, de toute évidence, des dossiers qu'il ignorait et pour lesquels il savait marquer une réelle distance. Les professionnels présents ne se trompaient pas en reprenant le cours de leurs conversations tellement plus professionnelles que les propos "officiels". Rien de nouveau sur les points évoqués (dont certains remontent à des mesures prises en 1995...) si ce n'est la promesse (enfin) de la signature du décret fixant le montant de la réduction des cotisations patronales sur la valeur forfaitaire de l'avantage en nature. Pour 1998, le montant forfaitaire avait été fixé au quart des cotisations, soit 1,28 F par repas, un nouveau décret, promis rétroactif au 01.07.99, devrait être publié amenant la réduction à 2,56 F. Une mesure décidée en 1997, rappelons-le, et qui devait arriver, sur 4 ans, à supprimer 100 % de cette cotisation... En retardant la signature tous les ans, ce n'est plus sur 4 ans que la mesure sera appliquée mais sur 6 dans le meilleur des cas... |
L'HÔTELLERIE n° 2635 Hebdo 14 Octobre 1999