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Vichy

Les restaurateurs indépendants ont relancé la gastronomie

Vichy se réveille en ville gastronomique. Tout en discrétion. Plusieurs tables proposent plats raffinés, produits frais et savamment travaillés. Fait notable : la plupart de ces restaurants sont de petite taille, entre 14 et 30 couverts. Et c'est un parti pris des chefs.

L'année 98 a été marquée par une vague de distinctions pour les chefs vichyssois. Pierre-Yves Lorgeoux, Les Célestins, a reçu la médaille d'or du Prestige de la gastronomie. Antoine Souillat, La Table d'Antoine, s'est vu décerner un bib gourmand par le guide Michelin, le seul de la ville thermale. Jacques Barbot, L'Alambic, a été reconnu par le Gault et Millau comme un des "Grands de demain". De plus, la ville cache un cuisinier doué. Georges Cloet, L'Envolée, a fait ses preuves à Paris, avec un macaron au Michelin, et en Afrique. Et il espère retrouver les feux des projecteurs. Enfin, Jacques Decoret, Meilleur ouvrier de France, a décidé de se lancer à Vichy. Il vient de chez Régis Marcon, deux étoiles au Michelin. L'aventure a débuté en septembre dernier. Et la liste n'est pas exhaustive. Jacques Decoret reconnaît avoir hésité entre plusieurs projets, tous dans le département de l'Allier. "Il y en avait un, en Montagne bourbonnaise, près de Lapalisse ma ville natale, à 30 km de Vichy. J'aurais bien aimé. C'était plus la campagne, plus dans l'esprit que j'ai connu chez Régis Marcon", raconte-t-il. Il s'agissait d'une auberge communale avec six chambres, selon le concept des Auberges de Pays initié par le conseil régional d'Auvergne. Mais la municipalité, partie prenante, n'a pas pu suivre. Les investissements étaient lourds, de l'ordre de 2,5 MF.

Sur un nuage

Martine et Jacques Decoret se sont donc tournés vers Vichy. Une affaire en liquidation judiciaire a permis un lancement avec une mise de fonds raisonnable. "Ce n'est pas évident de se mettre à son compte, explique Jacques Decoret. En travaillant dans des grandes maisons, on se retrouve un peu sur un nuage, éloigné de certaines réalités. Si on ne fait que six couverts un samedi midi, on se pose des questions. Dans les établissements renommés d'où nous venons, c'était complet tout le temps." Alors Jacques Decoret limite volontairement sa capacité d'accueil à une vingtaine de couverts. "Nous voulons absolument offrir une qualité maximum." La carte ne comporte que trois menus, de 145 à 280 F. "C'est aussi un choix, pour ne travailler qu'avec du frais et avoir une bonne rotation des produits." Son équipe se compose de trois salariés, dont deux venus de chez Régis Marcon, plus son épouse. Avec 600 000 F d'investissements, un décor soigné et une solide volonté, Martine et Jacques Decoret se donnent deux ou trois ans pour réussir. "Nous savons que les débuts vont être durs et les journées longues. Mais si cela ne décolle pas, nous n'avons pas abandonné l'idée de partir à l'étranger." Ils avaient refusé une proposition dans un palace de Hong-kong, préférant revenir dans leur région natale.

Débuts difficiles et vie familiale

A quelques centaines de mètres de là, Jacques Barbot parle avec un grand sourire de la distinction que lui a décernée le Gault et Millau. Le guide l'a classé parmi les "Grands de demain". Normand d'origine, il ne regrette pas d'avoir choisi la station thermale pour se lancer, en juillet 1989. "J'ai cherché une petite structure. Après des années de travail dans des grandes brigades, avec jusqu'à 16 cuisiniers. J'aspirais à une vie plus calme, plus familiale", se souvient-il. Mais les premières années ont été difficiles, à cause des emprunts à rembourser, un million de francs pour l'achat et les investissements en décoration et vaisselle, etc. Au total, L'Alambic propose quatorze couverts, contre dix-huit il y a peu de temps. "Nous avons supprimé une table pour gagner de l'espace pour les clients", sourit Jacques Barbot. "Mes anciens collègues n'en reviennent pas quand ils me rendent visite. Je peux promener mes enfants dans le parc voisin... et fermer l'établissement pour convenances personnelles, sans en abuser ! Des choses tout à fait impensables dans les grandes maisons." Contrepartie d'un tel choix : L'Alambic est souvent complet les week-ends, mais moins fréquemment en semaine. Et le patron n'a pas fait une seule publicité en dix ans. Ici aussi, comme chez Jacques Decoret, les plats et les menus (160 à 280 F) sont en nombre réduit. "C'est la condition indispensable pour proposer des produits frais que je vais chercher au marché, à 600 mètres d'ici, tous les matins."

"Ici à Vichy, nous sommes assez nombreux sur le créneau de la gastronomie", ajoute-t-il. Il regrette la fermeture du Pavillon Sévigné, le célèbre quatre étoiles. "Pour L'Alambic, c'est 250 couverts de moins par an."

Retrouver une étoile

A L'Envolée, Georges Cloet émet le même point de vue : "Cela nous a fait perdre deux tables par jour." Avec son épouse Rosita, ils se sont installés à Vichy il y a cinq ans. Auparavant, ils avaient régalé les Parisiens dans leur restaurant du 7e arrondissement, les Champs d'Ors, spécialisé dans les produits de la mer. "Au bout d'un an et demi, le Michelin nous avait décerné un macaron", se souvient Georges Cloet. C'était de 1974 à 1983. Après le départ de la capitale, "d'où nous sommes partis sur un coup de tête, à cause des pesanteurs administratives", le couple a travaillé à l'étranger avec plusieurs ouvertures d'hôtels et de restaurants en Afrique, au Cameroun, au Ghana, au Togo, et en Chine. Puis, de retour en France, ils ont racheté un établissement à Vichy en 1994. "L'Envolée propose une cuisine plus raffinée qu'à Paris, pourtant le Michelin ne semble plus s'intéresser à nous", s'étonne Georges Cloet. Et il regrette aussi qu'il soit plus facile de réussir à l'étranger que dans son propre pays, "où il y a trop de frais, de charges".

Place aux desserts

Comme le chef officie seul en cuisine, avec parfois une aide ponctuelle, l'établissement ne sert que 25 couverts sur une trentaine de possibles pour des menus qui oscillent de 130 à 245 F, avec un ticket moyen de l'ordre de 260 F. Enfin, Antoine Souillat est revenu dans sa ville natale, Vichy, en 1991. Il propose, avec une trentaine de couverts, une cuisine typée du terroir bourbonnais dans un cadre aux allures 1900. Il a reçu un bib gourmand dans l'édition 98 du Michelin. Il a fait des desserts sa spécialité "parce que trop souvent, c'est par là que pèche un excellent repas". Ce petit tour d'horizon montre que Vichy propose aujourd'hui un bel éventail de petites maisons gastronomiques et qui commencent à faire parler d'elles.

P. Boyer


L'ancien établissement en liquidation a été entièrement rénové.


Jacques Barbot vient d'être reconnu comme un des "Grands de demain".

L'équipe au complet autour de Jacques et Martine Decoret et leurs deux enfants Alexis
et Antoine : Dominique Nardecchia, Michèle Arols
et Olivier Drevet.



Rosita et Georges Cloet, originaire de Normandie et du Nord, ont choisi Vichy pour s'installer. Si les débuts ont été difficiles, "les affaires marchent mieux actuellement", reconnaissent-ils.


L'HÔTELLERIE n° 2626 Hebdo 12 août 1999

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