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Lyon

L'Entrecôte est déjà sur le gril !

Le restaurant L'Entrecôte vient d'ouvrir ses portes à Lyon et Henri Gineste de Saurs, qui a lancé la formule en 1962, a déjà des soucis. L'imbroglio juridique qui l'oppose depuis 1991 à Alain Chartier, créateur de la Maison de l'Entrecôte à Lyon en 1977, a tourné à son désavantage. Les restaurants de son rival ont retrouvé leur nom d'origine...

Comme le disait jadis Coluche : avant il y avait le choix, maintenant il y aura l'embarras. Et les Lyonnais amateurs de viande auront même l'embarras du choix. Depuis 1977, ils connaissaient la Maison de l'Entrecôte créée par Alain Chartier et rebaptisée Maison de l'... en 1997 à la suite d'un procès en appellation perdu.
Alors qu'en lieu et place de la défunte brasserie Guillaume Tell, ils viennent de découvrir le restaurant L'Entrecôte, la Maison de l'Entrecôte a repris son nom !
Cette affaire de justice un brin compliquée dissimule un double débat : sur la propriété d'un nom générique et la stratégie de développement d'une affaire commerciale. En ouvrant en 1959 à Paris son Relais de Venise sur le modèle d'un restaurant genevois, Paul Gineste de Saurs avait eu du flair. Trois ans plus tard à Toulouse, le restaurant L'Entrecôte est le frère jumeau de son aîné parisien. La formule est au point : un produit unique (faux-filet de 170 grammes) accompagné d'une sauce à la composition jalousement gardée secrète et de pommes allumettes. A l'aube de l'an 2000, elle n'a pas changé : plat à 84 F, desserts à 30 F, côtes du rhône ou bordeaux à 35 et 55 F selon qu'il s'agit d'une demi-bouteille ou d'une bouteille. Le décor noir, jaune et écossais est le même pour chacun des établissements (Bordeaux ouvert en 1965, Nantes en 1978 et Montpellier dix ans plus tard) d'une centaine de places avec une ouverture 7/7. Le CA global s'élève à 70 MF avec des résultats positifs pour chacun des établissements de Toulouse (600 couverts/jour), Bordeaux (600), Nantes (450) et Montpellier (250). A Lyon où l'Entrecôte est dirigée par Evelyne Darquey. 30 personnes ont été recrutées.
Pas davantage que ses filles Valérie Lagarde (p.-d.g.) et Corinne de Roaldès (d.g.), Henri Gineste de Saurs ne caresse de rêve de grandeur pour l'affaire 100 % familiale basée à Toulouse. "Je préfère rester petit et... bon", dit cet homme qui a fait sien l'adage "pour vivre heureux, vivons caché".
L'arrivée à Lyon était programmée de longue date, mais elle était bloquée par le procès opposant depuis 1991 Henri Gineste de Saurs, revendiquant la propriété de l'appellation L'Entrecôte et Alain Chartier, créateur en 1977 à Lyon de La Maison de... l'Entrecôte. Après avoir gagné devant le tribunal de grande instance de Lyon en 1994, Alain Chartier, battu en appel trois ans plus tard, avait dû se résoudre à baptiser provisoirement ses établissements La Maison de l'..., laissant ainsi la voie libre à son "rival"...

Rendre à César...
L'arrêt de la Cour de cassation du 29 juin dernier, lui donnant finalement raison (1), il s'est empressé de rendre à ses restaurants leur nom d'origine. "J'ai le sentiment que justice m'est rendue... mais pas complètement. Cela fait plus de vingt ans que nous sommes ici et le procès qui m'a été fait cachait une stratégie d'implantation sur Lyon", dit-il (2). Le Lyonnais veut aller plus loin que le verdict favorable de la Cour de cassation. Il évoque le préjudice financier subi pendant deux ans et l'estime à 400 000 francs (3). "J'ai dû changer la vaisselle et refaire la communication, sans compter les frais de justice. Nous avions dû bloquer un projet de développement. Nous allons réattaquer à l'extérieur de Lyon ou... ailleurs", lâche-t-il sibyllin. Henri Gineste de Saurs avait fait un procès à son adversaire lorsque celui-ci avait évoqué un "possible développement en Rhône-Alpes et dans le Sud". Il rêvait alors de Lyon, sans l'avouer encore. Les données sont maintenant sensiblement modifiées : parmi ses rivaux pour conquérir la clientèle lyonnaise, L'Entrecôte devra désormais compter avec la... Maison de l'Entrecôte. Vous avez dit compliqué ?
J.-F. Mesplède

(1) En janvier 1997, la cour d'appel de Lyon avait reconnu que l'Entrecôte était une "marque protégeable". Mais la restauratrice... lyonnaise qui l'avait vendue à M. de Saurs en 1971 n'en était plus propriétaire. Le nom appartenait à une SARL liquidée peu de temps avant la transaction.
(2) Nous n'avons pu recueillir aucune réaction d'Henri Gineste de Saurs qui n'a pas répondu aux messages laissés au siège de sa société.
(3) Pour les deux restaurants de Lyon et celui de Grenoble avec un ticket moyen à 109 F (TTC), le CA était en 1998 de 20 MF (HT). Alain Chartier, majoritaire dans le capital, emploie 80 salariés.


Alain Chartier n'a guère attendu : dès qu'il a eu connaissance du succès de son pourvoi en cassation, il a redonné son nom d'origine à ses restaurants.

L'Entrecôte et les autres...

Lyon ville carnivore ? Au constat que les restaurants de viande marchent plutôt bien dans la presqu'île, on serait tenté de le penser.
Ainsi, à proximité de L'Entrecôte, Hippopotamus, ouvert depuis un peu plus d'un an en lieu et place du défunt Savoy, tourne-t-il à 550 couverts/jour avec un ticket moyen à 123 F. "Un tel succès nous surprend mais nous avions peut-être sous-estimé la qualité de l'emplacement et la notoriété de notre marque en province", admet Pierre Cassagne qui misait lors de l'ouverture sur 390 couverts pour un établissement de 150 places, où 7,50 MF avaient été investis dans les travaux.
De taille plus modeste (75/80 places), deux autres restaurants proches obtiennent eux aussi de bons résultats.
Rue Palais-Grillet, au Bistrot du Boucher qu'il a repris en 1994, Guy Garioud propose un "tout compris" de l'apéritif au café à 145 F. Dans ce petit établissement où la découpe de viande se fait devant le client, la formule plaît puisque 30 000 couverts ont été servis en 1998, générant un CA de 4,50 MF...
Rue des Marronniers et après un léger coup d'arrêt lors de la crise de la "vache folle", le Bouchon des Carnivores a connu une belle embellie avec plus de 43 000 couverts servis en 1998, avec un TM à 140 francs TTC. "Avec un bon concept et en restant à l'écoute du client ça marche", dit Jean-Pierre Gillin qui "tient le marché" dans la rue avec deux autres établissements : Chabert, un bouchon lyonnais et La Cabane du Pêcheur, un restaurant de poissons...
Si les chiffres sont intéressants, on reste cependant loin de ceux annoncés par Jean-Baptiste Killijian, pionnier en la matière avec son Carnegie Hall du quartier de Gerland, dupliqué en périphérie lyonnaise, tout près des abattoirs de Corbas.
Avec 1 MF d'investissement, cet ancien boucher a ouvert en 1990 une première unité de 350 places (ouverture 6/7, TM 130 F) où il a servi 156 000 couverts en 1998 réalisant un CA de 20,50 MF. Et à Corbas où il est installé depuis 1996 avec une salle dont la capacité va être portée de 280 à 350 places (ouverture 5/7 de 6 à 18 heures, TM 115 F), il annonce 77 000 couverts en 1998 avec un chiffre d'affaires de 8,50 MF !


Avec 550 couverts/jour, Hippopotamus, lui aussi rue de la République, est le rival le plus sérieux sur Lyon.


L'HÔTELLERIE n° 2623 Hebdo 22 Juillet 1999

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