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Meublés

Les droits des occupants des hôtels meublés

Contrairement à ce qui se passe pour les hôtels de tourisme, les locataires des hôtels meublés dits "préfecture" bénéficient de droits extrêmement importants, d'ailleurs renforcés par la loi du 29 juillet 1998.

On peut distinguer deux catégories d'exploitation hôtelière :
l Les hôtels de tourisme (faisant l'objet d'un classement selon les normes de l'arrêté du 14 février 1986), qui vont de l'hôtel sans étoile au 4 étoiles luxe, reçoivent une clientèle de passage ou pour un bref séjour et offrent généralement à leur clientèle des services accessoires, notamment de restauration (petits-déjeuners etc...).
l Les hôtels meublés non classés tourisme, qualifiés aussi d'hôtels "préfecture" ou de "garnis", se caractérisent par une location au mois ; en réalité les chambres sont souvent occupées à demeure, pendant plusieurs mois voire plusieurs années par des personnes qui, ne disposant pas d'autre domicile effectif, y élisent domicile.
Le plus souvent, ces hôtels n'assurent aucun service ou prestation annexe.
Cette distinction est d'une importance capitale au regard des droits des occupants des hôtels meublés qui bénéficient d'une protection qui se rapproche de celle accordée aux locataires, et qui a bien entendu des incidences sur la marge de manœuvre de l'exploitant.
Le fondement de cette différence de traitement résulte des dispositions de la loi du 2 avril 1949 qui a été plusieurs fois modifiée mais dont les principes de base demeurent toujours d'actualité.
Très récemment, des dispositions contenues dans la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre l'exclusion, sont venues renforcer les droits des occupants des hôtels meublés.

La loi du 2 avril 1949 et ses modifications
Votée dans le prolongement de la loi du 1er septembre 1948 et dans le même contexte (crise du logement consécutif à la deuxième guerre mondiale), elle est de même inspiration.

Le droit au maintien dans les lieux de l'occupant
La loi du 1er septembre 1948, qui continue de régir les rapports entre bailleur et locataires de locaux d'immeubles anciens à usage d'habitation, pose comme principe le droit au maintien dans les lieux des occupants. De la même façon, l'article 1 de la loi du 2 avril 1949 prévoyait que les clients des hôtels, pensions de famille et logements, dont le bailleur exerce la profession de loueur en meublé, avaient droit au maintien dans les lieux jusqu'au 1er avril 1950, à condition de répondre aux conditions suivantes :
l avoir dans l'hôtel leur résidence principale ou être contraints par leur travail à y loger ;
l ne pas avoir d'autre logement correspondant à leurs besoins ;
l justifier d'un contrat au mois ou à la semaine et, soit habiter les lieux avec leur conjoint ou leur famille depuis 3 mois, soit, étant seuls, occuper les lieux depuis six mois au moins de façon régulière et continue.

L'article 3 de la même loi précisait quant à lui : "N'ont pas droit au maintien dans les lieux, les clients :
l qui résident dans les hôtels de tourisme homologués ;
l qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire d'expulsion ;
l qui occupent des locaux ayant fait l'objet d'une interdiction d'habiter ;
l qui occupent des locaux situés dans des immeubles expropriés ;
l qui peuvent recouvrer un autre local répondant à leurs besoins."

La loi du 2 avril 1949 a été modifiée par une ordonnance du 24 octobre 1958 qui a prolongé jusqu'au 1er avril 1961 le droit au maintien dans les lieux des clients, dans des conditions similaires à celles prévues par la loi de 1949, en prévoyant toutefois que ces dispositions ne s'appliquaient pas pour les immeubles construits ou achevés après 1948.
L'ordonnance précisait en outre que pour les hôtels de tourisme non homologués et qui faisaient entre temps l'objet d'une homologation comme hôtels classés tourisme, le droit au maintien dans les lieux des clients se prolongerait pendant un délai de six mois à compter de la décision d'homologation.
Le délai du droit au maintien dans les lieux n'ayant plus été prolongé depuis l'ordonnance ci-dessus, on doit considérer que ce droit au maintien dans les lieux est dorénavant caduc et ne s'applique plus aux occupants des hôtels meublés.

Le congé
Le client d'un hôtel de tourisme a en principe réservé sa chambre pour une ou plusieurs nuits et quitte celle-ci spontanément à la date prévue soit parce qu'il rentre tout simplement à son domicile après une période de vacances, soit parce qu'il vaque ailleurs à d'autres occupations professionnelles. Le client de l'hôtel meublé n'a le plus souvent pas d'autre domicile effectif que sa chambre où il réside de façon permanente. Si, pour une raison ou pour une autre, l'exploitant a besoin d'obtenir la libération de la chambre, il va devoir donner congé à son occupant.
Dans certaines hypothèses limites, la situation de l'occupant sera totalement assimilée à celle du titulaire d'un bail d'habitation. Ainsi, dans son arrêt du 26 juin 1996, la Cour de cassation relève : "Si les conventions avaient eu pour objet la mise à disposition de ses clients de locaux meublés, moyennant des sommes d'argent qualifiées de loyers, des prestations de services caractéristiques du contrat d'hôtellerie n'étaient pas assurées..., que certains des occupants de ces locaux justifiaient avoir acquis des éléments de literie et installé des lignes téléphoniques personnelles, que les lieux étaient équipés d'une cuisine collective, que la durée d'occupation en était d'une ou plusieurs années..., (qu'ainsi) la cour d'appel a pu en déduire que les parties étaient liées par des contrats de louage d'immeubles..." (sous entendu : et non par des contrats d'hôtellerie).
Dans cette affaire, le litige ne portait pas sur un problème de congé, mais compte tenu de la qualification de louage donnée par la cour, on doit en déduire que, dans une hypothèse similaire, un congé devrait être donné dans les mêmes formes et délais qu'un congé donné dans le cadre d'un bail d'habitation.
D'autres décisions, notamment de la cour d'appel de Paris, précisent qu'il y a lieu de mettre fin aux contrats consentis aux occupants des hôtels meublés "suivant les règles et usages prévus en matière d'hôtels meublés" (cour d'appel de Paris, 20 mai 1994).

Toutefois, si l'on se reporte à la loi du 2 avril 1949, on constate qu'aucune disposition de cette loi ne réglemente la forme ou le délai du congé. Dès lors, il convient de s'en rapporter aux dispositions de droit commun de l'article 1736 du Code civil, qui de son côté n'est pas beaucoup plus explicite, puisqu'il prévoit que "si le bail a été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux".
Dans une décision du 1er juillet 1997 rendue dans le prolongement de l'arrêt du 20 mai 1994 et dans la même affaire, un congé avec préavis de trois mois a été jugé suffisant (par précaution, le congé avait été notifié par acte d'huissier, en faisant référence à la loi du 2 avril 1949). Dans cette affaire, Le propriétaire de l'immeuble avait obtenu en 1992 la résiliation du bail et l'expulsion de son locataire qui exploitait un hôtel meublé "préfecture" où logeait un certain nombre de clients.
Plusieurs procédures ont ensuite opposé la plupart des occupants des chambres de l'hôtel au bailleur.
Le jugement définitif et exécutoire du 1er juillet 1997 a ordonné l'expulsion sous astreinte des occupants.
A ce jour, certains occupants des chambres sont toujours dans les lieux, la préfecture refusant le concours de la force publique pour procéder à l'exécution de cette décision. (cf. les développements ci-dessous).

Conséquences quant aux mesures d'expulsion
Le client d'un hôtel meublé a l'obligation, tout comme celui d'un hôtel de tourisme, de régler le prix de son hébergement. A défaut, l'exploitant peut bien entendu demander judiciairement tant le paiement de l'hébergement impayé que l'expulsion de l'occupant débiteur. Toutefois, l'occupant de l'hôtel meublé sera à cet égard encore une fois dans une situation plus protectrice. Ainsi, les dispositions des articles L 613-3 et L 613-5 du Code de la construction de l'habitation prévoient par référence à la loi de 1949 : "Nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés... il doit être sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du "1er novembre" de chaque année jusqu'au 15 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille."
Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque ceux-ci sont situés dans un immeuble ayant fait l'objet d'un arrêté de péril.
"Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux occupants de locaux meublés, non situés dans un hôtel de tourisme homologué, qui remplissent les conditions prévues à l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1008 du 24 octobre 1958, modifiant la loi n° 49-458 du 2 avril 1949 accordant le bénéfice du maintien dans les locaux à certains clients des hôtels."
Par ailleurs, les articles L 613-1 et 2 du même Code permettent au juge d'accorder à ces mêmes occupants, lorsque leur expulsion a été ordonnée, des délais compris entre trois mois et trois ans pour libérer les lieux si leur relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat
Lorsqu'une décision d'expulsion a été ordonnée, que l'occupant n'a pas demandé de délai et que l'on se situe en dehors de la période hivernale (1er novembre-15 mars), l'huissier qui procède à l'exécution de l'expulsion n'a pas le pouvoir d'effectuer l'expulsion effective en sortant l'occupant "manu militari". Ainsi, si l'occupant refuse de quitter de plein gré le local qu'il habite, l'huissier doit recourir à la force publique. Cette réquisition est effectuée auprès du préfet qui peut la refuser s'il estime qu'il y a un risque de trouble à l'ordre public (l'absence de réponse dans les deux mois de la réquisition équivaut à un refus).
En pratique, l'autorisation sera donnée s'il s'agit d'une personne isolée occupant une seule chambre d'un hôtel meublé. En revanche, le recours à la force publique ne sera pas mis en œuvre si plusieurs familles nombreuses occupent la majeure partie des chambres d'hôtel. Dans cette hypothèse, il sera possible d'exercer une action en responsabilité contre l'Etat devant le tribunal administratif et visant à obtenir le règlement par l'Etat des arriérés d'occupation dus par les occupants. Pour ceux qui, dans ce cas de figure, seraient tentés de se faire justice eux-mêmes rapidement, on rappellera que constitue un délit pénalement réprimé (art 226-4 du Code pénal) le fait de s'introduire dans le domicile d'autrui, sachant qu'une chambre d'hôtel est assimilée, selon la jurisprudence, à un domicile.

La Loi du 29 juillet 1998
La loi du 29 juillet 1998 relative aux exclusions contient notamment des mesures concernant la protection des occupants de certains meublés. Cette loi a ajouté trois articles au Code de la construction, qui prévoient :
Art. L 632-1 : "Toute personne qui loue un logement meublé à un bailleur louant habituellement plus de quatre logements meublés, que la location s'accompagne ou non de prestations secondaires, a droit à l'établissement d'un contrat écrit d'une durée d'un an dès lors que le logement loué constitue sa résidence principale. A l'expiration de ce contrat, le bail est tacitement reconduit pour un an sous réserve des dispositions suivantes.
Le bailleur qui souhaite, à l'expiration du contrat, en modifier les conditions doit informer le locataire avec un préavis de trois mois. Si le locataire accepte les nouvelles conditions, le contrat est renouvelé pour un an.
Le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit informer le locataire en respectant le même préavis et motiver son refus de renouvellement du bail.
Lorsque le bailleur est titulaire d'un bail commercial venant à expiration ou lorsque la cessation d'activité est prévue, le contrat peut être d'une durée inférieure à un an et doit mentionner les raisons et événements justificatifs.
Toutefois, si le bail commercial est renouvelé, ou si l'activité est poursuivie, la durée du contrat est portée à un an.
Le locataire peut résilier le contrat à tout moment sous réserve du respect d'un préavis d'un mois."
Compte tenu du fait qu'il s'agit de dispositions très récentes, il n'y a, bien entendu, pas encore de décisions de jurisprudence relatives à l'interprétation de cette loi.
Il paraît évident que celle-ci concerne entre autres les hôtels meublés non homologués tourisme et qu'elle contribue à accentuer la différence de traitement entre l'exploitant d'un hôtel de tourisme et celui d'un hôtel "préfecture".
E. Duroux, avocat à la cour


L'HÔTELLERIE n° 2620 Hebdo 1er Juillet 1999

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