Port-Vendres
Toléré depuis plus d'un siècle sur le domaine public maritime, le café Chez Raoul, à l'angle des quais Pierre Forgas et François Joly, à Port-Vendres (66) devrait fermer ses portes le 31 décembre prochain.
Un coup dur pour les habitués de cet établissement, véritable institution
pour beaucoup d'anciens ayant grandi et vieilli autour de ce comptoir chargé
d'histoire(s), mais aussi, on s'en doute, pour la famille Torreilles qui gère
l'établissement depuis des générations et qui n'entend pas rester les deux pieds dans
le même sabot. Au contraire, René Torreilles (qui a succédé à son père Raoul) et
André Bertrand, les propriétaires sans titres de Chez Raoul (qui emploie 6 personnes à
l'année) se sont mobilisés pour éviter le pire. Une famille bien implantée dans le
port de la Côte Vermeille et bien déterminée à se battre. "Un café créé il
y a 100 ans ! Pratiquement tenu de bout en bout par notre famille et baptisé Chez Raoul,
le prénom de notre père, quand celui-ci l'a repris après la guerre", explique
René Torreilles. Depuis sa disparition, en 1964, ses quatre enfants ont repris l'affaire.
Mais la tradition familiale est fortement menacée après l'ordre d'expulsion de la
préfecture fin octobre et intimant l'ordre aux propriétaires "d'évacuer les
lieux avant le 31 décembre". Peut-on concevoir de voir rayer de la carte, sur
simple décision administrative, un établissement commercial important pour l'activité
et l'animation de Port-Vendres, et faisant partie intégrante de son patrimoine ? Et ce,
sans aucune compensation pour les gérants. Car si le café a une valeur sentimentale
inestimable, les consorts Torreilles-Duran l'estiment à plus de 1,50 MF. Un véritable
pactole pour un commerce qui a le désavantage d'être planté sur le domaine public
maritime et qui, de ce fait, a une existence juridique pour le moins fragile et délicate.
"La famille Torreilles bénéficiait d'une autorisation temporaire d'occupation
des lieux. La préfecture des Pyrénées-Orientales a décidé de ne pas la renouveler
compte tenu du fait que le gérant n'a pas respecté certaines règles...",
explique un responsable de la subdivision maritime des Pyrénées-Orientales, en rappelant
que "le domaine public maritime ne peut être concédé qu'à titre précaire et
révocable", et que "c'est une décision personnelle prise contre Henri
Torreilles".
Pour Henri Torreilles, c'est là un faux problème. "Il y a un vague problème de
terrasse qui peut être aisément résolu mais derrière tout ça, il y a surtout un
conflit absurde de personnes." En attendant, Chez Raoul on s'est fortement
mobilisé. Forts de l'appui du maire, les gérants ont fait circuler des pétitions qui
ont réuni plus de 300 signatures en 48 heures. Tout est fait pour que l'incroyable
échéance soit repoussée et qu'une nouvelle faveur soit obtenue. D'autant qu'aux
affaires maritimes, on n'aurait pas prévu, semble-t-il, d'autre affectation pour ce
terrain.
A. Desplas
L'HÔTELLERIE n° 2594 Hebdo 31 Décembre 1998