L'Huîtrière de Lille
Pour son centenaire, le restaurant le plus symbolique de Lille, L'Huîtrière de Jean Proÿe, propose un livre intitulé Cent ans, cent recettes, aux Editions du Quesne, à Marcq-en-Baroeul (59). Les textes sont de Jean Proÿe lui-même et de Michel Marcq, les photos de Sam Bellet.
Le livre n'est pas donné, à 240 F plus 40 F de participation aux frais d'envoi
en France, et il est à espérer que l'éditeur nordiste trouvera les relais nécessaires
pour diffuser correctement son ouvrage. Il en vaut la peine. A travers l'histoire de cette
famille et de ce haut lieu des produits de la mer et de la gastronomie en plein cur
du vieux Lille, on en apprend beaucoup sur un métier, une ville et une région. Dans cet
ouvrage de 128 pages en format 24 x 32 cm, illustré de photos en noir et blanc prises au
long du siècle, de vignettes réalisées à partir du décor de L'Huîtrière (notamment
des mosaïques signées Mathurin Méheut) et des 161 photos en couleurs de Sam Bellet, on
apprend d'abord en vingt pages comment on construit une affaire familiale de qualité. Et
on peut ensuite comprendre qu'il existe une gastronomie nordiste originale, marquée par
l'union du terroir flamand et de la mer. Une gastronomie qui se poursuit de l'autre côté
de la frontière. Pierre Bailleul a fondé le commerce de poissons à cette enseigne en
1906. Trois ans plus tard, surpris par le succès, il commente : "J'en arriverai
donc peut-être à mon idée : les meilleures huîtres et aussi les meilleurs escargots.
Ceci n'est peut-être pas étranger à l'augmentation de mon débit." Les achats
furent et restent aujourd'hui au cur de l'affaire. Il se taille une réputation
redoutable et met par exemple les choses au point avec ses concurrents : ses fournisseurs
livrent le meilleur chez lui et nulle part ailleurs dans la ville. Il est le patron sur ce
marché. Il oriente les Nordistes d'abord vers les zélandaises, puis leur apprend la
belon. De même il introduit la moule de bouchot dans le Nord. Pierre Bailleul ouvre le
restaurant en 1928 au 3 rue des Chats Bossus, avec le concours de l'architecte Gaston
Trannoy. Un petit chef-d'uvre qui marque le paysage encore aujourd'hui avec son
bow-window, son porche, et à l'intérieur comme à l'extérieur, ses mosaïques de
Desvres. Avec une cave, une vraie, fait assez rare dans le Nord à ce niveau de qualité.
Et une cuisine de maître. Une puis deux étoiles en 1932 et 33 à la veille de la crise.
Des étoiles regagnées après la guerre sous la houlette de Charles Proÿe, gendre du
fondateur, une sur deux perdue voici 37 ans pour des raisons mal identifiées... Jean, EH
de Paris, et son épouse Geneviève tiennent la barre depuis 1972, après la disparition
accidentelle de Charles et de son épouse. Depuis l'affaire se développe et a traversé
les crises avec une vraie maîtrise de l'adaptation économique. Leur fils Antoine est à
la tête de l'Ecume des mers, une brasserie de poisson, tandis que la rue des Chats Bossus
abrite à présent une importante activité séminaires. On trouvera dans le livre, outre
les détails de l'histoire de la famille, des recettes d'autrefois, les classiques, un
chapitre spécial huîtres et aussi une partie des succès d'aujourd'hui. Certaines sont
accessibles à de non professionnels, d'autres intéresseront les cuisiniers de métier.
A. Simoneau asimoneau@lhotellerie-restauration. fr
Editions du Quesne
Clos du Quesne
15 allée de Serres
59700 Marcq-en-Baroeul
Tél. : 03 20 55 43 41
Fax : 03 20 55 23 10.
L'HÔTELLERIE n° 2592 Hebdo 17 Décembre 1998