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Santa Giulia, affaire douteuse ?

Dossier politique ? Gouffre financier ? Faux répondent aujourd'hui les dirigeants du groupe touristique de Santa Giulia situé dans l'extrême sud de la Corse. Ce dossier est régulièrement présenté comme une « affaire douteuse », financée par la caisse de développement de la Corse. Les quatre dirigeants du groupe jusqu'alors silencieux contre- attaquent aujourd'hui... en justice.

150 salariés saisonniers, 30 emplois à l'année, 1 300 lits de bon niveau, un aménagement dans le respect du site et des paysages et 30 000 touristes reçus chaque saison. Le complexe touristique de Santa Giulia est l'une des plus importantes entreprises touristiques de l'île. Pour la micro-région de l'extrême sud, il s'agit d'un vecteur de développement primordial. Mais ce complexe, composé de cinq sociétés différentes, est surtout une structure qui exploite un site exceptionnel, une structure reconnue par les professionnels du tourisme européen et les tour- opérateurs internationaux. « En 10 ans d'exploitation et quelque trois cent mille touristes accueillis, nous n'avons jamais eu un seul litige, c'est dire la régularité et la qualité de nos prestations », se félicite André Gour, l'un des gérants.

Après le Club Med
La naissance même du site est sujette à controverse. La première exploitation de cette baie de sable blanc a en effet été assurée par Gilbert Trigano qui avait ouvert l'un des premiers villages du Club Med dans les années 60. Vingt-cinq ans plus tard, les installations rudimentaires ne correspondent plus à l'exigence des clients du Club Med, le groupe refusant d'investir en Corse pour une remise à niveau. D'autant moins que le contexte politique dans l'île est tendu. Dès 1986, Jean-Paul Pandolfi propriétaire d'une partie des terrains, Tony Albertini, Charles Colonna d'Istria et André Gour, architectes, vont entreprendre la réhabilitation du site abandonné par le Club Med « dans un état de vétusté et de pollution avancées ». Ils développent un projet touristique misant sur sa réhabilitation écologique et sur des installations intégrées au paysage. En 1986 et 1987, la résidence Castell'Verde voit le jour, financée par un pool bancaire (Crédit Agricole, BNP, Société Générale, Crédit Lyonnais). Compte tenu de l'intérêt du projet, la caisse de développement de la Corse (SDR locale) souhaitant à cette époque participer au développement touristique de l'île, décide de s'investir dans ce projet et reprend le dossier sous forme d'un crédit-bail immobilier. La CADEC est alors associée dans cette opération pour un cinquième.
En 1988, devant le succès de la réalisation, le site de Castell'Verde est étendu, et l'hôtel Moby Dick (trois étoiles) est construit. La CADEC impose alors sa filiale, la Corsabail comme seul partenaire financier. En 1989 et 1990, le complexe est complété par deux nouvelles réalisations, l'hôtel pavillonnaire Costa Nera
(3 étoiles) et l'hôtel pavillonnaire Castell'Mare (2 étoiles).

100 millions de francs
C'est donc un total de 100 MF qui ont été investis par les cinq sociétés dont 70 MF financés sous forme de crédit-bail par la CADEC qui s'est associée au groupe à hauteur de 20 %. Restructuration, consolidation, négociations. « Les murs ne nous appartiennent pas. Nous sommes néanmoins caution des emprunts de Corsabail CADEC. Nous n'avons donc qu'un seul intérêt, qui est de faire fonctionner au mieux les structures pour régler les loyers et payer tout ce que l'on doit !, précise André Gour... Nous avons toujours, de l'origine à aujourd'hui, et sans aucune défaillance, honoré l'ensemble de nos engagements sociaux, fiscaux et financiers. Notre grande faute est de ne plus accepter de régler les loyers de Corsabail/Cadec sur l'ensemble immobilier dont les taux d'intérêt avoisinent les 13 % au moment où les opérations du même type que les nôtres sont financées à un taux avoisinant les 5 %. Les conditions que l'on nous impose ne sont plus supportables. Le paradoxe est que CADEC/Corsabail a accepté la restructuration de nos crédits-baux mais continue de nous faire des appels de loyers à des taux de 13 % d'intérêts ! Nous sommes donc effectivement en impayés de loyers depuis quatre ans dans l'attente de la régularisation des accords financiers de notre associé. Mais nous avons réglé à ce jour plus de 50 MF de loyers à la CADEC/Corsabail et nous continuons de régler nos loyers sur une base arbitraire de 6 % de taux d'intérêt ! ».
« Il est certain que si je n'avais que des clients comme ceux de Santa Giulia, je serais un homme heureux », confirme François Dominici, directeur général de la CADEC chargé notamment du recouvrement des créances depuis 14 mois. De son côté, Noël Pantalacci, le président de la Caisse, répète à l'envie que ce dossier est certainement le plus « intéressant » pour la CADEC. « Nous avons investi 70 MF, mais les gérants ont entretenu une structure de grande qualité et si demain nous devions récupérer notre bien, sa valeur aurait plus que doublé.»

Information judiciaire à la CADEC
A ce jour, la négociation est toujours en cours. Malgré tout, régulièrement, ce dossier est présenté au plan national comme l'un des plus lourds et des plus douteux de la CADEC qui fait actuellement l'objet d'une information judiciaire pour abus de biens sociaux et recel d'abus de biens sociaux...
Les rapports de police diffusés dans la presse de même que le rapport parlementaire Glavany sur l'utilisation des fonds publics en Corse en font l'un des dossiers phare de l'opération de rétablissement de l'état de droit dans l'île. « Les propos du rapport Glavany sur notre groupe sont déconcertants. Or, parce qu'il émane d'une commission parlementaire, il est inattaquable et ne permet aucun droit de réponse. Ces propos sont d'autant plus déconcertants que la commission était parfaitement informée de la réalité du dossier et du fait que nous n'avons jamais perçu un franc d'argent public ! », s'étonne André Gour. « Notre seul espoir, précise Jean-Paul Pandolfi, est que les procédures et enquêtes publiques en cours aillent au bout et finissent par nous rendre justice. C'est dans ce but, afin que nul doute ne subsiste que nous avons assigné la CADEC/Corsabail, notre partenaire financier, et associé au tribunal de commerce d'Ajaccio. » En attendant, comme chaque année la structure a fermé pour l'hiver. Ses dirigeants préparent la prochaine saison estivale.
L. Peretti


Le complexe touristique de Santa Giulia est l'une des plus importantes entreprises touristiques de l'île.


L'HÔTELLERIE n° 2587 Hebdo 12 Novembre 1998

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