Réunion
Ils étaient tous là, mardi 13 octobre à Saint-Denis à l'hôtel Mercure
Créolia : représentants des hôteliers, restaurateurs, bars, brasseries, discothèques,
boulangers/pâtissiers, bouchers, traiteurs, du tourisme, du patronat, du développement
industriel, de l'alimentation de détail, des Chambres de commerce et des métiers, de la
qualité... Tous unis en un "collectif de contestation" pour dénoncer
pêle-mêle l'application fantaisiste de la loi Perben à la Réunion, le rapport Migaud
sur l'avenir de la loi Pons, la fermeture fréquente des grandes voies de circulation de
l'île, la condamnation d'un hôtelier pour nuisances nocturnes et les fermetures
administratives d'établissements. Des éléments qui ont en commun de mettre en péril
l'industrie touristique de l'île tout entière et qui ont fait l'objet d'une motion
déposée chez le préfet de la Réunion et transmise au Chef de l'Etat et au Premier
ministre.
"Nous avons créé ce collectif de contestation parce que depuis deux ans nous
relevons un certain nombre d'irrégularités et que nous ne trouvons pas de
solutions", explique Pasqual Porcel, président de la Chambre syndicale de
l'industrie hôtelière de la Réunion (CSIH) affiliée à la FNIH.
Première pomme de discorde : alors qu'aux Antilles et en Guyane les entreprises en
redressement judiciaire bénéficient pendant la période d'observation des exonérations
prévues par la loi Perben - exonération des cotisations patronales de Sécurité sociale
pendant 5 ans -, il n'en est pas de même à la Réunion.
"Les services contentieux de la CGSS de la Réunion privilégient la liquidation
des entreprises en difficulté même si ces dernières démontrent leur capacité à
poursuivre leur activité et à maintenir leurs emplois", commente Pasqual
Porcel.
Une entreprise du Tampon qui bénéficiait de la loi Perben, s'en est vue ainsi subitement
privée pour 1 franc manquant au paiement d'un trimestre de cotisations : elle aurait dû
demander un recours gracieux pour la somme due. Après sommations par huissier,
l'entreprise a pu négocier un étalement de ce qui était réclamé, déduction faite des
pénalités soit un solde de 48 000 F sur un an... pour un franc impayé !
Las des démarches judiciaires entamées depuis quatre ans pour tenter de réhabiliter un
certain nombre de dossiers, le collectif demande la reconduction de la loi Perben - qui a
permis de créer près de 4 000 emplois sur l'île - avec une application identique dans
l'ensemble des DOM :
"Si la loi Perben était supprimée, 50 % de nos entreprises disparaîtraient et
ce serait le retour du travail au noir", clame également Norbert Tacoun,
président du Syndicat des boulangers/pâtissiers, représentant également le Comité
local d'action qualité et la Confédération générale de l'alimentation de détail.
Le collectif demande aussi que le service contentieux de la CGSSR "cesse de
harceler sans discernement les entreprises et qu'elle use de sa faculté de négociation
dans l'intérêt de la sauvegarde de l'emploi."
Propos tronqués
Concernant l'avenir de la loi Pons dans les DOM, exprimé par le député Migaud dans son
rapport après sa venue sur l'île en janvier dernier, le collectif dénonce un "faux
document, inepte et injuste" :
"La CSIH a clairement dit et écrit que la défiscalisation doit être maintenue
si l'on souhaite jouer la carte du développement, poursuit Pasqual Porcel. De
cette loi sont nées 80 % des chambres classées de l'île - soit un millier - à une
époque où le tourisme était loin d'être une priorité. Or Monsieur Migaud a écrit que
la loi Pons à la Réunion porte atteinte aux structures traditionnelles, qu'elle
entraîne une baisse de l'effectif employé dans les hôtels, une baisse de qualité des
prestations hôtelières, que les professionnels rencontrés n'ont montré aucune
prévention à l'encontre des mesures adoptées dans le cadre de la loi de Finances pour
1998, ou encore que l'île n'a pas une vocation de tourisme balnéaire..."
Le collectif demande une rectification du rapport Migaud prenant en compte "l'avis
très favorable et unanime des professionnels quant au maintien de la loi de
défiscalisation et que l'on reconnaisse à la Réunion son droit à valoriser toutes ses
potentialités y compris le développement du tourisme balnéaire."
Le collectif dénonce également le manque de concertation avec les services de l'Etat
concernant la fermeture par la DDE de la route dite "Cap La Houssaye" qui relie
l'Ouest au Sud de l'île pour travaux de purges sur la falaise depuis 5 mois - certains
week-ends et en semaine de 21 heures à 5 heures. Résultats : le mécontentement des
touristes longuement malmenés sur des itinéraires de délestage et une chute d'activité
de 15 % pour les hôtels, de 20 à 30 % pour les restaurants et de 50 % pour les
night-clubs. Le collectif, outre "une consultation préalable à la fermeture des
voies de circulation", demande "l'application d'un dégrèvement des
taxes foncières, professionnelles et de séjour au prorata de toute la durée des
fermetures."
Dernier dossier abordé : la récente condamnation d'un hôtelier de Saint-Gilles à 3
mois de prison avec sursis et 20 000 F d'amende pour "nuisances nocturnes" par
le tribunal correctionnel de Saint-Denis (cf. encadré).
"Le ministère public requiert la prison contre un professionnel alors que
parallèlement l'Etat débloque des subventions pour animer les hôtels et restaurants de
l'île, poursuit Pasqual Porcel. On ne peut pas prêcher à la fois blanc et noir !
Nous craignons également que cette affaire s'enflamme comme une traînée de poudre :
tous les riverains des hôtels, restaurants... vont demander 20 000 F." Outre
"l'instauration d'un débat sur le rapport nuisances sonores/développement
touristique" le collectif demande "une sérieuse réflexion avant les décisions
de fermetures administratives d'établissements - discothèques par exemple - et
réparation en cas de fermeture abusive."
A suivre...
S. Jullien-Para
Composition du collectif de contestation* La Chambre syndicale de l'industrie hôtelière de la
Réunion (CSIHR) et ses 4 branches (le Club de la grande hôtellerie, le Club de la
restauration, le Club de l'hôtellerie indépendante et familiale, le Club des
bars/brasseries et discothèques) Renseignements : CSIHR |
Un hôtelier condamné pour nuisances nocturnes"C'est l'incompréhension". Guillaume
Cherfils, directeur général du Blue Beach 3*(Coralia, 56 chambres, 16 000 nuitées par
an) à Saint-Gilles, n'en revient toujours pas. Il vient d'être condamné par le tribunal
correctionnel de Saint-Denis à 3 mois de prison avec sursis et 20 000 F d'amende pour
"nuisances nocturnes" sur plainte d'une voisine. |
L'HÔTELLERIE n° 2586 Hebdo 05 Novembre 1998