Le président de la CGPME, Lucien Rebuffel, n'a pas du
tout apprécié la manuvre d'Ernest-Antoine Seillière et il l'a fait savoir très
clairement. Non content d'avoir changé le nom de l'instance syndicale patronale qu'il
préside, E.-A. Seillière vient en effet d'évoquer dans la presse, sans en avoir
référé à son président, "l'éventuel rapprochement" du Medef et de la CGPME
! Une manière pour le moins cavalière de lancer une OPA sur l'instance que préside
Lucien Rebuffel. Bien entendu, le scénario est classique, on croit pouvoir séduire celui
que l'on absorbera en lui proposant, au sein de la nouvelle organisation, un siège sur le
plan national et, avec une certaine démagogie, on prend à partie les membres de
l'institution que l'on cherche à avaler en leur promettant à travers une fusion, un
renforcement de leur défense. Seront-ils tous aussi dupes que l'on croit ?
Rien n'est moins sûr ! "L'union fait la force" est un lieu commun qui ne
tient pas vraiment quand on y réfléchit
bien : une union hétéroclite ne fait pas la force elle crée la faiblesse. Tous ceux qui
se sont investis dans la défense d'un secteur savent qu'aucune organisation ne peut
prétendre représenter, d'une manière équivalente, tous les créneaux à la fois, ils
savent que le même homme, la même femme ne pourra jamais défendre avec la même
conviction, avec la même crédibilité le café de campagne, l'hôtel une étoile de 15
chambres, le restaurant gastronomique et le palace. Vouloir les réunir pour qu'une
revendication commune prenne corps, c'est prendre le risque de niveler par le bas leur
revendication après avoir déterminé le plus petit dénominateur commun. C'est choisir
de protéger l'institution qui les réunit au prix d'un attentisme destructeur pour tous
les secteurs qui doivent, à certains moments, faire entendre leur voix haut et fort pour
assurer leur pérennité, au risque d'ailleurs de déstabiliser quelque peu les autres
branches.
Ce que cherche avant tout celui qui propose la fusion, c'est le renforcement de SA
légitimité, contestée, justement, quand sur certains dossiers, les deux organisations
patronales sont en opposition. C'est pourtant parce que les problèmes de certains sont
différents de ceux des autres qu'il faut qu'ils soient défendus par les plus concernés,
les plus impliqués. Imaginer qu'une seule et unique organisation patronale assurerait une
meilleure représentativité est un leurre : les adhérents de base, face à une
institution trop grande, trop hermétique seraient perdus et méfiants, ne s'y
reconnaissant pas, ils n'y adhéreraient plus. Imposer l'unicité de la défense et de la
pensée n'est pas vraiment faire preuve d'esprit d'ouverture. C'est de leurs différences
que s'enrichissent les groupes. C'est dans le respect de ces différences que leurs
leaders doivent se faire entendre.
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2586 Hebdo 05 Novembre 1998