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Editorial

Dommage

Enfin ! Au cinéma comme au théâtre, la cuisine connaît ses lettres de noblesse et s'affiche avec des acteurs connus et reconnus. Une quasi-consécration pour un métier qui pestait de voir honorer les pâtissiers, les boulangers, les médecins, les pêcheurs sans jamais que ne soit évoqué le dur labeur de ceux qui, de père en fils le plus souvent, consacrent leur vie aux fourneaux. Une fierté renforcée par la qualité des acteurs choisis pour incarner "le chef", Bernard Fresson au théâtre est un chef plus vrai que nature dans "Pâte feuilletée" quand il vous émince les carottes, vous prépare son pâton, vous dore le feuilletage ! Eddy Mitchell, dans "Cuisine américaine" paraît crédible lui aussi quand, du passe, il orchestre le service. Malheureusement, au-delà
de cette représentation sympathique et flatteuse parce qu'elle met en situation des acteurs de qualité, les images que nous renvoient les comédiens de ces fictions sont grinçantes... Observateurs en cuisine et en restaurant de longues heures pour s'imprégner de l'ambiance, pour reprendre le vocabulaire, pour imaginer les dialogues, les auteurs n'ont retenu de ces métiers que des caricatures... Une piètre image du cuisinier gueulard, grossier, pas toujours sobre, pas toujours raffiné, excessif le plus souvent, à la limite du caractériel !
Il a forcement des problèmes avec le fisc, avec son banquier, avec les femmes, avec son personnel pour lequel, s'il a quelque affection, il fait preuve de la plus grande dureté, n'hésitant pas à lui imposer des conditions de vie intolérables. Est-ce donc la seule chose que l'on puisse retenir d'un séjour en cuisine ? Est-ce donc si fort, si récurrent, qu'aujourd'hui encore seule cette image persiste ? Il existe pourtant des centaines de chefs responsables, chefs d'entreprises, gestionnaires, humains, sobres et au demeurant bons cuisiniers aussi. Jusqu'à quand continuera-t-on à entretenir des caricatures qui ne font que ternir l'image d'un métier et qui éloignent les jeunes de cette profession ? Pour que les choses changent, seuls les cuisiniers peuvent intervenir : qu'ils commencent, au sein de leur brigade, par s'écouter parler...
P.A.F.


L'HÔTELLERIE n° 2585 Hebdo 29 Octobre 1998

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