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Après la manifestation lycéenne du 15 octobre

Au canon de la Nation saccagé

Certains parlent de dérives, d'autres de bandes organisées. Le fait est qu'il ne faisait pas bon se trouver place de la Nation lors de la première manifestation lycéenne du 15 octobre. Plusieurs commerces ont été saccagés, à l'image du café Au canon de la Nation.

Le bilan est éloquent : plus aucune vitre debout, plus aucun miroir, la quasi-totalité des pieds de chaises sont tordus ou cassés, les banquettes éventrées. Le meuble PMU a été enfoncé ainsi que les jeux électroniques. Derrière le comptoir, les supports de doseurs ont été arrachés, la machine à café a rendu l'âme, la vaisselle, les verres, les tasses sont partis en éclats. Dans le tiroir de la desserte, il reste une petite poignée de fourchettes et de couteaux de table. Tout le reste a été emporté. Les couteaux à viande notamment. Cinq jours après la manifestation des lycéens à Paris, Monsieur Gangneux, gérant libre du café-brasserie Au canon de la Nation, a du mal à contenir son émotion. Depuis 10 ans qu'il tient cet établissement situé place de la Nation, il en a vu passer des manifestations. Dont celle contre le CIP. « Il y a déjà eu quelques vitres brisées, mais jusque-là rien de bien méchant. » Cette fois, c'est de violence gratuite dont il s'agit. « Nous avons fermé à 11 h 15, dès qu'il y a eu des glaces de brisées dehors. Vers midi, des jeunes se sont massés en pan coupé à l'angle du faubourg Saint-Antoine et de la place. Ca a été très vite. En cinq minutes, munis de battes de base-ball, ils ont détruit la façade. » Restait alors dans l'établissement plusieurs employés, la caissière, un client âgé, qui avait préféré rester à l'abri dans la brasserie au démarrage de la manifestation et Monsieur Gangneux.
« Nous nous sommes réfugiés dans la cuisine. Impossible de sortir. » Le petit groupe est resté ainsi cloîtré pendant plus d'une heure, impuissant devant la scène de saccage à laquelle il assistait par une fente de la porte. « C'étaient des jeunes et tous n'étaient pas cagoulés, remarque Monsieur Gangneux. La police a pu voir leur
visage
». A l'extérieur, les CRS attendaient impatiemment l'ordre d'intervenir. Des ordres qui ne sont jamais tombés.

Un avant-goût pendant la Techno Parade
« Dans les gravats, on a retrouvé des poignées de cabines téléphoniques. De grosses poignées, très lourdes... » Au canon de la Nation n'a pas été le seul établissement dans le collimateur des casseurs. Il y a eu la pharmacie et le coiffeur situés à proximité. La boutique de ce dernier a été incendiée. Presque classique malheureusement, le buraliste qui fait mur mitoyen avec la brasserie a subi quant à lui un vol organisé. La femme, les traits tirés, visiblement encore très choquée, raconte. « Nous nous étions réfugiés dans la réserve en sous-sol mais ils ont réussi à en défoncer l'accès. Je ne sais pas comment nous avons réussi à sortir indemnes. Ils ont tout emporté avec eux. »
« Vous savez, reprend Monsieur Gangneux, nous avons eu un avant-goût des problèmes avec la Techno Parade. Ca a été une catastrophe pour le quartier. J'ai dû fermer une première fois l'établissement entre 20 h et 21 h 30. On ne pouvait plus travailler correctement. Les jeunes arrivaient avec des bouteilles d'alcools et des packs de bières achetés en grande surface. Sans parler des buvettes sauvages installées un peu partout et qui vendaient du Coca en bouteille. Après, quand il y a eu des bagarres, ils ont utilisé ces bouteilles comme arme. »
Mardi 20 octobre, alors que nous imprimons ces lignes, les experts terminent leur travail. Monsieur Gangneux espère pouvoir rouvrir le 26. Dans le meilleur des cas. Vers 10 heures, les CRS massés sur la place de la Nation, et qui attendent une autre manifestation lycéenne - celle-ci ne doit toutefois pas passer par la place dont le trajet a été refusé aux manifestants - ont demandé que les voitures stationnées devant le café soient retirées. De nouvelles vagues de casseurs sont attendues. Mais cette fois, la préfecture de Paris l'a dit haut et fort par voie de presse, la police a ordre de répliquer.
S. Soubes


Un mur ravagé de l'établissement.


Monsieur Gangneux a du mal à cacher son émotion devant le saccage du café.


L'HÔTELLERIE n° 2584 Hebdo 22 Octobre 1998

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