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A la loupe

Un nouvel office du tourisme à Grenoble

Mais pas de politique touristique

Trente ans après la tenue des Jeux Olympiques, Grenoble voit sa vocation touristique s'étioler. Longtemps les municipalités successives se sont épuisées en débats stériles avec "le plus vieux syndicat d'initiative de France", dépassé dans sa forme associative : un système verrouillé dans lequel la ville, principal bailleur de fonds, ne pouvait faire entendre sa voix. Elu en 1995 en pleine tourmente politico-judiciaire, Michel Destot a succédé à Alain Carignon et a mis trois ans pour "municipaliser" l'Office de Tourisme devenu le 1er janvier dernier un EPIC, Etablissement Public d'Intérêt Commercial.

Un renouveau ? On peut l'espérer. Depuis quinze ans, incidents, fâcheries, grèves, changement de personnel.

Le comité de direction mis en place par Alain Pilaud, président et conseiller municipal, comprend cinq élus (et cinq suppléants) et dix représentants de la société civile (et dix suppléants) : des acteurs professionnels dont les métiers ont trait directement ou indirectement au tourisme : la FNAIM et le SNAV, le président de la commission Tourisme de la CCI, celui de la Chambre des Métiers, de la Régie du Téléphérique de la Bastille, le directeur du lycée hôtelier et même le club de la Presse. La Chambre d'industrie hôtelière a pris soin, pour calmer les esprits, de désigner deux hôteliers indépendants du centre-ville.

Nouveau directeur : Dominique Roffet

Que fera l'ancienne association ? Sera-t-elle dissoute ou se transformera-t-elle en structure de réflexion et de suggestions ? On ne sait. Pour l'heure, il s'agit de clore les comptes et, comme pour toutes les associations régies par la loi de 1901, les services préfectoraux les attendent... depuis sept mois.

Un directeur, doté d'une solide expérience professionnelle a été recruté : Dominique Roffet, lequel dispose de dix employés et d'une directrice adjointe, Catherine d'Etienne. D'entrée, avec son équipe, il s'est attelé à développer le tourisme urbain (histoire, patrimoine, musées, circuits et séjours), tout ce qui relève de la montagne sous toutes ses formes (un bureau Info-Montagne, géré par la GTA, la Grande Traversée des Alpes, a été mis en place) et, enfin, le tourisme vert. Evidemment, il faut maintenant réintégrer l'office dans le classement de la FNOTSI (Fédération Nationale des Offices de Tourisme et Syndicats d'Initiative), donc récupérer les quatre étoiles qui avaient sauté faute de la présence d'un directeur qualifié et d'un document d'appel sans publicité depuis des décennies : ce dernier vient de paraître en quatre langues, tiré à 150.000 exemplaires. D'autres documents plus ciblés ont vu le jour, avec possibilité de louer des vélos, tandis que continuent de fonctionner les visites guidées, les réservations hôtelières pour les individuels, la billetterie de certains spectacles, etc.

Il n'en demeure pas moins que Grenoble et son OT ne sont pratiquement plus référencés dans les répertoires et les guides spécialisés, sauf sous l'enseigne d'Atria et du World Trade Center de la CCI : il en sera ainsi tant que le "Bureau des Conventions" n'aura pas été créé en accord avec les professionnels. Pour l'instant, il focalise plutôt un faisceau de divergences...

Bureau des Conventions en panne

Il est vrai que sur ce point, nous avons recueilli des avis bien différents, d'abord parce que la municipalité "plurielle" n'a pas trouvé un consensus pour définir une politique touristique et, surtout, de tourisme d'affaires. Les deux élus plus spécialement chargés de cette question, Alain Pilaud et Jacques Jayet, sont loin d'être sur la même longueur d'onde. Bref, il y a les tenants du tout public et ceux pour qui la coopération avec les professionnels est une des conditions sine qua non. Ceux pour qui le tourisme d'affaires doit se débrouiller tout seul et ceux qui savent qu'un congressiste entraîne des retombées induites et déduites profitables autant à l'économie locale qu'à l'animation du cœur des cités (1.800 F en moyenne par congressiste).

Tout cela ne peut se faire sans promotion et commercialisation. Or, si un EPIC permet, entre autres, un montage intercommunal, il est trop lourd lorsqu'il s'agit d'engager des actions de notoriété, des contrats de vente et de publicité. Les professionnels et pas seulement les hôteliers, estiment que seul un "Bureau des Conventions" peut permettre de travailler dans ce domaine, si l'investissement est à la hauteur des ambitions de la communauté : or la part de la ville est passée de 2,2 à 3,2 MF, soit trois fois moins que... l'Alpe d'Huez voisine. Les hôteliers, pour leur part, ont établi il y a cinq ans une charte de prestations qui a abouti à un "Club grenoblois des Hôteliers de congrès" : cela n'est pas allé plus loin car la ville, ancienne et nouvelle municipalités confondues, n'a pas tenu ses engagements, notamment en ce qui concerne l'actuel Palais des congrès délabré qui n'est même plus aux normes de sécurité (50 MF de travaux à réaliser). Et de retrouver un faisceau de divergences...

Les grands congrès associés à Alpexpo ?

Evidemment ce Palais des congrès, érigé il y a trente ans à la "Villeneuve" est très excentré, mais il est situé à proximité d'un ensemble assez dynamique, Alpexpo, un Palais des expositions relativement important. Grenoble est tombée de 9% de parts de marché à 0,9% en matière de congrès. Coincée entre Echirolles et Saint-Martin d'Hères, 2ème et 3ème villes du département (la ceinture rouge), Grenoble ne dispose plus de sites constructibles, à l'exception d'une caserne, des anciennes usines Bouchayer-Viallet et d'Europole, quartier d'affaires où s'édifie le nouveau Palais de Justice. Quant à l'ancien Musée de peinture et au Palais du Parlement, classés, leur structure ne se prête pas à des manifestations de masse.

Des partenaires réticents et hésitants

L'idée de la municipalité est donc de moderniser l'actuel Palais des congrès, actuellement un vrai repoussoir pour les organisateurs, et de l'associer étroitement avec l'actuel Palais des expositions. Une logique plaisante qui fait, du coup, monter le coût des travaux indispensables : 100 MF, 150 MF ?

Tant est si bien que "partenariat" et SEM (Société d'Economie Mixte) sont devenus les mots-clés des élus qui souhaitent associer à ces projets, la Communauté de communes, pâle reflet d'un vrai district urbain, mais aussi la CCI et le Conseil général.

Le département, à la veille des Jeux olympiques de 1968, a déjà été mis à contribution pour Alpexpo. Quant à la CCI, la ville lui a concédé l'organisation des congrès avec le palais en prime (mais pas à sa charge). La chambre consulaire a du coup trouvé un prestataire professionnel efficace : Atria, filiale du groupe Accor, qui obtient un beau taux d'occupation avec le World Trade Center et l'auditorium de l'Ecole supérieure de commerce : mais la jauge, tant pour les hôtels proches que pour ces locaux, ne peut dépasser 450 personnes.

Bernard Saugey, le président du Conseil général qui a succédé à Alain Carignon après l'intérim de Michel Hannoun, nous a déclaré que ses services juridiques et économiques étudiaient le montage de ces SEM : l'une pour le "Bureau des Conventions", l'autre pour l'ensemble Congrès-Alpexpo. Mais il doute de l'efficacité et de la souplesse de ces sociétés gourmandes en subventions et en frais fixes. Quant à la CCI que préside Roger Pellat-Finet, vice-président national de la CGPME, elle demeure fidèle à son dogme : pas de bureaucratisation avec de nouveaux fonctionnaires, mais des outils confiés à des professionnels dont c'est le métier avéré.

Une attitude autophobe agressive

Il est un autre danger, suscitant des inquiétudes dans de nombreux milieux : l'isolement de Grenoble, le retard pris dans ses liaisons routières et ferroviaires et sa politique autophobe déclarée et agressive. Que Grenoble ait entrepris un grand programme de travaux sur ses voix urbaines pour les rendre aux piétons et aux cyclistes : fort bien. Mais il n'est assorti d'aucun parking central ou de proximité. Par ailleurs, le chemin de fer du sillon alpin entre Genève et Valence n'est toujours pas électrifié et la ligne entre Moirans et Romans est à une voie... Quant à la liaison avec Turin, elle se fera par Chambéry. Alors que le barreau autoroutier Nord-Sud Ambérieu-Grenoble-Sisteron-Aix est décidé et programmé, aucune décision n'est prise pour les 20 km manquants entre le Col du Fau et la Saulce de l'A 51 Grenoble-Sisteron. Un blocage qui ressemble fort à celui du Conseil général de l'Isère qui a retardé pendant 25 ans l'A 49 Grenoble-Valence.

Ne me parlez pas de Grenoble !

Mais il y a pis : aucune continuité autoroutière dans la cuvette grenobloise dont la rocade Sud est déjà saturée plusieurs fois par jour. Lors de la mise en chantier de l'A51, l'Etat et sa direction des routes avaient pris à leur compte une Tangentielle Nord-Sud (TNS), essentiellement un tunnel sous le piémont du Vercors entre Sassenage, point d'arrivée des A 49 de Valence et A 48 de Lyon, et Varces, départ de l'A 51 vers Sisteron-Aix. De son côté, Grenoble s'était engagée à réaliser la Tangentielle Est-Ouest (TEO) également en partie sous la montagne entre l'arrivée des A 49 et A 48 et le départ de l'A 41 vers Chambéry. Les élus ont abandonné la première tangentielle que l'Etat lui offrait sur un plateau et la seconde est annoncée pour 2005, que les utilisateurs paieront finalement deux fois : par leurs impôts et un péage ! Déjà, Grenoble apparaît dans les propos de "Bison futé" : bouchons à a répétition, traversée difficile, etc. D'ici peu, Grenoble aura la fâcheuse réputation du tunnel de Fourvières, verrou qui n'a sauté qu'avec les contournements de Lyon. "Ne me parlez pas de Grenoble", disait jadis Fernand Reynaud. Pour le tourisme d'affaires, c'est à nouveau vrai.

C. Bannières

L'Office de Tourisme de Grenoble n'occupe qu'une partie du rez-de-chaussée de la Maison du Tourisme fédérant une trentaine d'associations et de services publics et parapublics, dont la Poste et la SNCF.

L'unique hôtel

4 étoiles de 51 chambres ferme au mois d'août et il n'existe même pas un Comité des Fêtes !


L'HÔTELLERIE n° 2576 Hebdo 27 Août 1998

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