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Restauration

Après le rapport de l'IFRAP

Le CNAC justifie ses activités

"Notre argent part en fumets". C'est sous ce titre que l'IFRAP (Institut Français pour la Recherche sur les Administrations Publiques) a publié un rapport sur le mode de financement et de fonctionnement du Conseil National des Arts Culinaires. Ce rapport reproche au CNAC de coûter 7 à 10 millions aux contribuables "pour faire la promotion des produits du terroir, pour l'éducation du goût alors que tout se passerait sans dommage si le CNAC n'existait pas." Alors, utile ou pas utile le CNAC ? Alain Weill, nouveau président de cette association, s'explique.

Propos recueillis par Bernadette Gutel


Alain Weil, président du CNAC.

"Le CNAC, explique Alain Weill, qui succède à Alain Senderens en tant que président, est une association loi 1901 dotée d'un conseil d'administration et qui travaille en commissions. C'est une association qui fonctionne activement. Ce n'est pas une machine administrative, ce n'est pas une couverture "bidon". A part quelques salariés, les membres de cette association sont des bénévoles : P.-dg de grosses entreprises et hauts fonctionnaires. Ils se sont donnés des objectifs précis pour préserver la gastronomie française qui fait notre fierté : dresser l'inventaire de notre patrimoine culinaire, répertorier les 100 Sites remarquables du goût, les plus beaux potagers, les plus belles fermes de France, développer l'éducation du goût...".

L'Inventaire du patrimoine culinaire : copié par L'UE

"En France, souligne Alain Weill, qui fut conservateur de musées, les monuments historiques sont parfaitement inventoriés. Et, alors que nous pensons détenir la vérité gastronomique, nous n'avions jusqu'alors rien fait à propos de nos richesses culinaires. Nous avons jugé important de dresser région par région l'inventaire de notre patrimoine culinaire. Nous avons d'abord établi sur des bases historique, géographique, culturelle, gastronomique et économique, une définition précise du produit du terroir (produit traditionnel, d'au moins 50 ans d'existence, possédant une attache régionale et toujours présent). Nous avons ensuite recherché des experts notamment au sein de l'INRA et du CNRS. Ainsi cinq experts de base ont travaillé avec les directions régionales de l'Agriculture et des Comités régionaux. L'inventaire d'une région demande un à deux ans de travail. Le financement de ce lourd projet provient des régions et des ministères de l'Agriculture et de la Culture. Un inventaire revient à environ 400.000 F, édition comprise. Ces informations précieuses sont éditées d'une façon très simple, sans photos. On reproche à cette collection d'être trop austère. Mais tous les inventaires sont ainsi présentés. Si nous avions voulu l'illustrer, il aurait fallu mettre une photo de chaque produit inventorié pour que chacun soit traité à égalité. Ce qui aurait été trop coûteux. Aujourd'hui, nous avons édité 17 ouvrages sur 23. Les derniers paraîtront en l'an 2000 comme prévu. Ce sont les régions qui sont les premiers commanditaires. La décision est prise par le Conseil régional dont le président est un politique. Les opérations de lancement sont décidées et financées par les régions et non par le CNAC. L'importance et le coût des frais promotionnels dépendent donc du président du Conseil régional. Les Inventaires du patrimoine culinaire de la France sont des ouvrages très appréciés par les professionnels : acheteurs GMS, boutiques, restaurateurs, producteurs... mais aussi par les amateurs. Plus de 60.000 exemplaires ont déjà été vendus. Nous avons donné envie aux autres pays de l'UE de lancer un inventaire européen. Cet inventaire est réalisé et en cours d'édition chez Albin Michel".

Les 100 Sites remarquables du goût : très visités

C'est le CNAC qui a proposé à Jacques Toubon, alors ministre de la Culture, de lancer l'inventaire des Sites remarquables du goût. Cette initiative a permis à certains de ces sites de développer leur fréquentation touristique de 20 à 30%, de relancer des activités traditionnelles comme par exemple, l'exploitation des marais salants de Guérande. "Nous avons, explique Alain Weill, mis au moins six mois pour définir ce qu'était un Site remarquable du goût et pour bâtir une méthodologie. Un Site remarquable du goût est un site parfaitement ancré sur un produit, un goût comme le Roquefort ou le Sel de Guérande, la Chartreuse... C'est aussi un site joli, visitable et ouvert au public. Aujourd'hui, tous ces sites se sont regroupés dans une association. Les sites les plus connus et les mieux organisés comme la Chartreuse ou le Roquefort donnent des idées et des conseils aux sites moins connus et moins bien organisés. Bruxelles finance leur développement et leur communication grâce à des subventions. Ils ne reçoivent rien de la part du CNAC".

L'Education du goût : pour le bonheur des enfants

Il ne faut pas confondre la Semaine du goût, un rendez-vous annuel entièrement financé par le CEDUS et le programme d'Eveil au goût lancé dans les écoles élémentaires en 1990/91 par le CNAC à la demande des ministères de l'Education nationale et de la Culture. Avec le soutien du CIDIL, du FIOM et des collectivités locales, le CNAC a déjà formé plus de 100 instituteurs (25 à 30 par an). Fin 1998, 2.738 classes auront été réalisées et plus de 76.700 enfants auront bénéficié de cet éveil au goût selon une méthode mise au point par Jacques Puisais. "Le seul moyen de préserver le goût est de l'enseigner, commente Alain Weill. Il faut apprendre aux enfants à découvrir tous les aliments et toutes les saveurs. Soulignons aussi que durant les classes d'Eveil au goût les enfants enrichissent leurs connaissances en histoire, géographie, sciences. Ils apprennent beaucoup de vocabulaire, ils développent leur esprit critique. Ils apprennent aussi à respecter les différences. Ce qui nous manque le plus pour étendre ce programme, c'est bien sûr de l'argent !"

Des projets pour l'an 2000

"Après le succès rencontré par les "100 Sites remarquables du goût", et "Les plus beaux potagers de France", nous allons, confie Alain Weill, lancer en 1999 l'opération "Les plus belles fermes de France". Opération qui rencontrera à coup sûr beaucoup de succès parce qu'elle correspond aux attentes des consommateurs d'aujourd'hui : le retour au vrai, à l'authentique, à la tradition, à la nature. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que le CNAC a été et est toujours l'initiateur de grandes opérations relatives au goût et aux terroirs. Dans un premier temps, le CNAC lance ces opérations grâce au financement des ministères. Dans un deuxième temps, comme ces opérations rencontrent beaucoup de succès, le CNAC assure ensuite leur bon déroulement mais... avec l'argent du mécénat. Nos comptes sont vérifiés par Bercy".

IFRAP :
42 rue des Jeûneurs
75002 Paris
Tél. : 01.42.33.29.15.
Fax : 01.40.26.47.19.

Pourquoi les pouvoirs publics subventionnent le CNAC ?

L'IFRAP reproche aux ministères qui subventionnent le CNAC d'ignorer l'utilisation que fait cette association des subventions. En fait, Max Barbier, chargé de mission auprès de la sous-direction Recherche, Innovation et Réglementation à la DGAL (ministère de l'Agriculture) et David Coméo, Conseiller technique au ministère de la Culture, siègent tous les deux au conseil d'administration
du CNAC. "Je suis le CNAC depuis 1991, explique Max Barbier. La DGAL subventionne le CNAC depuis cette date au titre de la Promotion de la qualité des produits alimentaires. Si les actions entreprises par le CNAC avaient été jugées inutiles par la DGAL, la subvention annuelle de l'ordre de 750.000 F n'aurait pas été renouvelée". "Pour le ministère de la Culture, commente David Caméo, l'art culinaire fait partie intégrante du patrimoine national en termes de savoir-faire et de source de création. C'est aussi un vecteur économique créateur d'emplois. Le ministère de la Culture subventionne donc le CNAC (1,3 MF) pour soutenir ses actions d'information, de communication et de promotion du savoir-faire en gastronomie, pour ses actions d'apprentissage à la découverte de la sensorialité, pour l'inventaire du patrimoine culinaire. Nous allons d'ailleurs renforcer notre collaboration avec le CNAC surtout pour le programme d'éducation du goût".

 

Utile ou pas utile ?

Certains pensent que faire l'inventaire de notre patrimoine culinaire, c'est de l'argent dépensé pour rien. D'autres, au contraire, le trouvent bien utile et pour différentes raisons.

* Un meilleur dialogue avec l'Europe du Nord
"Envieux de notre inventaire du patrimoine culinaire, explique Max Barbier de la DGAL*, les représentants des autres pays membres de l'UE ont décidé de créer un GIE européen - Euro-Terroir - chargé de recenser le patrimoine culinaire des autres membres de l'UE. En dressant l'inventaire de leur propre patrimoine, selon la méthodologie et la définition du produit du terroir mises au point par le CNAC, certains pays de l'Europe du Nord ont pris conscience que chez eux, on fabriquait aussi des fromages au lait cru et une multitude de spécialités alimentaires locales ou régionales... tout comme en France ! Grâce à Euro-Terroir, les gouvernements au moment des négociations à Bruxelles sur les produits alimentaires, se rendent compte désormais qu'il leur faut prendre en considération leur réalité nationale et réagir autrement".

* Une relance de produits oubliés
Certains présidents de Conseil régional ont bien compris comment exploiter l'inventaire du patrimoine culinaire de leur région. "En Poitou-Charentes, explique Catherine Goavec, conseil en stratégie de valorisation et de communication pour les produits agricoles et culinaires, l'inventaire de notre patrimoine culinaire a été l'élément déclencheur pour essayer de mettre en place une politique de valorisation de certains produits. Avec notre aide et celle de l'institut de la Qualité créé par M. Jean-Pierre Raffarin, les chambres du Commerce et de l'Agriculture, le Conseil régional, les syndicats et les producteurs ont travaillé en commun et en synergie pour valoriser 5 produits - le Broyé du Poitou, le Grillon charentais, la Reinette Clochard, la Jonchée, le Chevreau de Boucherie et le Safran - selon différentes stratégies. Notre but était d'apporter des méthodologie opérationnelles pour la valorisation économique de ces produits et pour sauver ce patrimoine culturel. L'idée est que l'on peut vendre un produit traditionnel en l'adaptant si nécessaire tout en le gardant traditionnel. Ainsi, le Broyé du Poitou a été adapté (nouveau format) en collaboration avec Casino. Il est référencé par Casino dans la région PACA et par Promodès dans la gamme Reflets de France".


L'HÔTELLERIE n° 2576 Hebdo 27 Août 1998

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