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L'Evénement

Inquiétude des professionnels

Attaques en série sur la Côte d'Azur

Les bandits suivent les touristes et quand les touristes sont encore plus nombreux que les années précédentes, les délinquants affluent en masse et prennent tous les risques. En quelques jours, la Côte d'Azur a connu une série d'événements tragiques qui pose le problème de la sécurité des établissements de luxe.

En premier : l'attaque de Jean-Claude Scordel, directeur du Mas d'Artigny. Alors qu'il circulait en voiture, deux individus à moto l'ont grièvement blessé par balle. Bien que sa vie ne soit pas en danger, il a dû être amputé d'un pied. Les premiers éléments de l'enquête semblent montrer que le directeur du prestigieux palace de Saint-Paul-de-Vence se rendait à la banque pour déposer la recette. La police judiciaire a lancé un appel général à témoins. En attendant, des témoignages de sympathie ne cessent d'affluer au Mas d'Artigny. Jean-Paul Scordel, âgé de 59 ans, dirige en effet cet établissement depuis 1973. Il est très apprécié par ses clients, son personnel et compte de nombreux amis dans la profession.

Deuxième affaire : l'attaque en règle du Restaurant de la Ferme de Mougins, dirigé par Henri Sauvanet. Un commando de malfaiteurs a agressé les clients. Armés et cagoulés, ils ont très rapidement fait main basse sur l'argent et les bijoux d'une quinzaine de clients, puis se sont enfuis en utilisant une voiture volée. Le montant global du butin est en cours d'estimation.

Troisième affaire : le vol de 2,5 MF de bijoux dans la chambre d'un palace d'Eze au détriment d'un homme d'affaires britannique en vacances sur la Côte d'Azur.

Quatrième affaire : le vol d'un sac par deux voleurs en scooter contenant 100.000 dollars dans une Ferrari immatriculée en Allemagne et circulant à Antibes.

Cinquième affaire : 2 MF arrachés à un antiquaire italien circulant à Juan-Les-Pins.

Cinq affaires de trop en quelques jours, mais reprises largement par la presse locale et nationale, avec en filigrane, une double polémique douteuse.

La Côte d'Azur : cas d'espèces

Première interrogation : n'y aurait-il pas trop de clients riches sur la Côte d'Azur et de plus disposant de sommes en espèces importantes ? Et bien oui et même si cela froisse quelques esprits chagrins, la réponse est évidente : il y a un grand nombre de palaces et de restaurants prestigieux sur la Côte d'Azur et s'ils sont ouverts et font vivre de nombreux employés et leur famille avec des retombées économiques directes, indirectes et induites importantes, c'est justement parce qu'il y a des clients fortunés qui y descendent, qui en plus repartent satisfaits et reviennent l'année suivante. Quant à savoir pourquoi certains touristes se déplacent avec beaucoup d'espèces, il apparaît évident d'affirmer que ce n'est pas aux hôteliers et restaurateurs de se poser ce genre de questions. Le client règle sa note un point c'est tout. Pour le reste, qui se préoccupe du sort des professionnels victimes de filouteries, de chèques sans provision ou de factures impayées ?

Les bandits ne sont pas tous manchots

Deuxième interrogation : la sécurité des touristes ?

Certains observateurs ont vite réagi en estimant que les hôtels-restaurants devraient mieux protéger leurs clients. Le directeur de Cabinet du préfet des Alpes-Maritimes a même affirmé dans un quotidien que "les établissements qui se sentent concernés peuvent engager des vigiles mais aussi renforcer des mesures de sécurité passives."
L'attaque tragique du directeur du Mas d'Artigny tout comme celles des deux voitures, ne sont pas liées directement aux établissements puisqu'elles se sont déroulées sur les routes. La responsabilité des pouvoirs publics, qui doivent assurer la sécurité des biens et des personnes, est ici évidente.
Dans le cas du commando ayant attaqué le restaurant de Mougins, il est difficile de montrer du doigt le restaurateur qui de plus avait engagé un voiturier avec mission de surveiller l'entrée du restaurant. Que peut faire un restaurateur contre un commando de plusieurs hommes cagoulés et puissamment armés ?
Le cas du vol dans la chambre du palace d'Eze est aussi révélateur du comportement des clients. Les clients sont en effet invitées à déposer les bijoux de valeur au coffre de l'hôtel. Que peut faire de plus un hôtelier ? Question d'autant plus intéressante que dans cette affaire, le client a reconnu s'être abstenu volontairement d'utiliser le coffre électrique à sa disposition parce que sa religion lui interdisait de toucher un appareil électrique ce soir-là.
En conclusion, il faut éviter de polémiquer ou de généraliser. Les établissements prestigieux de la Côte d'Azur ont depuis longtemps pris les mesures nécessaires pour assurer la meilleure sécurité pour leurs clients. Mais nul n'est à l'abri d'une attaque. Les banques, les sociétés de convoyage de fonds, etc., ont investi lourdement en matière de protection, pourtant ils subissent régulièrement des attaques qui trop souvent réussissent.

Bandits-policiers : 5-0 à la mi-temps

Par contre, il faut se poser la question principale. Les établissements prestigieux de la Côte d'Azur bénéficient d'un chiffre d'affaires élevé notamment pendant la période estivale ou celles des grandes manifestations. Une très grande partie de ce chiffre d'affaires est reversé sous forme d'impôts ou autres taxes à l'Etat et aux collectivités territoriales.
L'Etat, premier bénéficiaire de ces activités, prend-il vraiment les mesures qui s'imposent pour assurer la sécurité des biens et des personnes ?
Non ! Et la meilleure preuve se situe au niveau des effectifs. Y a-t-il plus de policiers quand, comme cette année, la Côte d'Azur accueille encore plus de touristes ? Absolument pas !
En attendant, par voie de circulaire, le président du Syndicat hôtelier de Nice-Côte d'Azur après avoir témoigné de son émotion à l'annonce de la grave blessure de Jean-Claude Scordel, a annoncé que "un certain nombre de décisions avaient été prises en concertation avec la préfecture dont les modalités pratiques ne peuvent pas être détaillées pour des raisons évidentes d'efficacité."

Jean-Paul Cordero ajoute "je ne peux que vous demander de faire dans votre établissement un point sur les mesures de sécurité passives, notamment avec l'ensemble de votre personnel." "Il faut aussi que vous pensiez à vous-même tout particulièrement. Les trajets hôtel-banque doivent être étudiés avec une attention certaine".

C. Roussel

L'Etat prend-il vraiment les mesures qui s'imposent pour assurer

la sécurité des biens et des personnes.


L'HÔTELLERIE n° 2576 Hebdo 27 Août 1998

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