«Il y a 40 ans, quand j'ai acheté cet établissement, explique cette maîtresse femme toujours très déterminée, il n'y avait plus que le nom sur le papier à lettres. Regardez ce que c'est au-jourd'hui ! Je suis têtue, c'est vrai, chrétienne d'origine bretonne, toute ma vie j'ai tout fait pour donner du travail aux autres. Aujourd'hui, j'ai 200 salariés». Son idée de transformer la Promenade en musée à ciel ouvert est de la même veine, mais en plus, Jeanne Augier a toujours été un soutien pour les artistes. Alors, son idée de musée, c'est avant tout pour créer une animation sur Nice pour que les gens ne se contentent pas de passer. «Nous avons tous les atouts : un aéroport merveilleux qui accueille 7 millions de passagers par an, malheureusement, ils ne restent pas chez nous, ils filent à Cannes ou s'envolent à Monte-Carlo et c'est normal qu'ils ne restent pas ici : nous n'avons rien !» Nice a des atouts que l'on essaye de lui mettre en avant, une manière de justifier la présence du Negresco sur la Promenade des Anglais : «Balivernes ! Je tiens une maison de luxe dans une ville de fauchés, voilà tout et je trouve ça déplorable. Ici, on ne fait rien pour le tourisme, je suis seule à me battre. On paye des fortunes pour trouver des idées, moi, voici des mois que j'en propose une à la municipalité sans que ça lui coûte quelque chose et on refuse cette initiative. Nous aurions pu faire vivre cette ville, faire venir les touristes, les télévisions du monde entier auraient parlé de Nice ! C'était une manière de créer des emplois et de lutter contre le chômage. Regardez la Fondation Maegh sur la région avec ses 250.000 visiteurs par an et imaginez ce que Nice pourrait faire de cette opération !»
Une idée toute simple et très avancée puisque Jeanne Augier a la liste des oeuvres
qui auraient pu être exposées très rapidement sur la Promenade. Une soixantaine
d'oeuvres monumentales dont les auteurs portent des noms célèbres : Dali, Botero,
Giacometti, Picasso, Niki de Saint-Phalle, Otero, César, Belmondo, Bourdelle, Rodin,
Arman. Elles auraient été posées sur le trottoir sud, le plus large, sur des podiums
aux couleurs de l'arc-en-ciel «parce que vu du ciel, quand on arrive en avion, tout le
monde aurait vu dans un grand arc-en-ciel, la merveilleuse baie de Nice», explique
Jeanne Augier. Les oeuvres auraient été exposées pour trois ans pour la moitié, les
autres régulièrement renouvelées. Artistes et propriétaires avaient donné leur
accord. «Le refus de la mairie me décourage !»
Côté mairie, on a trouvé que l'idée était intéressante bien sûr, mais
irréalisable. Les obstacles ? «Sécurité», répond-on tout de suite, «qui
paiera les assurances ? S'il y a vol des uvres ou actes de vandalisme, que fera-t-on
?» Jeanne Augier s'énerve : «Balivernes ! A Paris, on n'a pas eu les mêmes
peurs et on a eu bien raison, on a transformé les Champs-Elysées en musée plusieurs
semaines et ça a attiré une foule de touristes !»
«C'est décourageant», conclut Jeanne Augier. Rien ne changera sur la Promenade des
Anglais.
« Nous aurions pu faire vivre cette
ville, faire venir les touristes, les télévisions du monde entier auraient parlé de
Nice ! » , déclare Jeanne
Augier, découragée.
L'HÔTELLERIE n° 2571 Hebdo 23 Juillet 1998