N'allez surtout pas déclarer devant les hôteliers
parisiens que les supporters et les touristes étrangers ont été contraints de dormir
sous les ponts de la Capitale durant le Mondial 1998. Quelques-uns apprécieraient en
effet assez mal la plaisanterie. «On a fait des pieds et des mains pour vendre des
chambres à bon prix et un nombre important de professionnels ont préféré jouer les
apprentis spéculateurs», confie avec amertume un responsable d'une petite chaîne
locale. Et d'ajouter, «toujours plus malins que tout le monde, ils se sont plantés.
Et comme d'habitude, ils sont venus pleurer dans notre giron bradant leurs chambres à des
prix bien inférieurs à ce qu'ils imaginaient pratiquer avant l'événement».
Enfants gâtés de l'industrie hôtelière française, pas mal d'hôteliers parisiens se
sont de fait laissés prendre au piège du «profit», imaginant pouvoir se faire de l'or
en barre en un «coup». Refus de travailler avec Mondiresa et rejet dans plusieurs cas
des allotements contractuels conclus avec leur groupement respectif, un certain nombre
d'entre eux ont cru en effet que les chalands allaient à nouveau pousser leur porte comme
par enchantement. C'était bien sûr sans compter sur l'évolution comportementale de la
clientèle.
Mais aussi omettre des éléments évidents tels : Paris dispose aujourd'hui d'un parc de
1.460 hôtels représentant environ 72.500 chambres. La Coupe du Monde ne génère pas un
nombre de séjours aussi élevé que l'on veut bien le faire croire (350.000 selon
l'Office de Tourisme). Sans oublier l'impact négatif de la grève d'air France, la peur
de l'arnaque et la spécificité de ce type de public. Public de fait bien moins
intéressant que celui des salons internationaux (peu de prestations annexes, séjour
écourté...).
Autant de points qui auraient dû logiquement
mettre la puce à l'oreille des hébergeurs parisiens. Sachant en outre qu'au regard des
excellents résultats enregistrés en mai (85% d'occupation pour l'hôtellerie haut de
gamme et 87,30% pour les deux et trois étoiles selon le baromètre mensuel PKF), il s'est
bel et bien avéré que touristes et hommes d'affaires habituels ont préféré anticiper
leurs déplacements afin d'éviter les foules «ivres» de joie ou de colère suivant les
performances de leurs équipes. En terme d'occupation, la période s'étendant de la
mi-juin à la mi-juillet semble d'ailleurs avoir été inférieure aux prévisions. «Nos
adhérents ont constaté une baisse de fréquentation notamment au niveau de leur
clientèle affaires», commente ainsi Francine Amiguian, délégué général du
Syndicat Français de l'Hôtellerie. «Heureusement que nous avons conservé nos
séries habituelles. Car, il est clair que certaines nationalités ont déserté la
Capitale durant le Mondial», souligne Madeleine Quiniou, patronne du Carlton Hôtel
dans le XVIIIème arrondissement.
Alors à l'heure des premiers bilans, certains professionnels font bien sûr déjà la
grimace. Malgré tout, l'opération Coupe du Monde s'annonce assez satisfaisante pour
d'autres. Parmi les «heureux élus» figurent évidemment les établissements de luxe. «Nous
allons terminer le Mondial avec un taux d'occupation avoisinant les 98%. Le tout sans
aucune négociation tarifaire», avoue rieur Paolo Danielli, directeur du Prince de
Galles. «Nous avons eu peur au début de cette aventure. Mais en assouplissant voilà
trois mois nos conditions de paiement et en préservant nos clients réguliers, le mois de
juin va s'achever sur un taux d'occupation de 90%. Le tout agrémenté d'un prix moyen de
2.250 francs», indique Michel Morauw, directeur du Hyatt Régency Paris Madeleine.
Contentement analogue au Marriott Champs-Elysées,
qui au cours du Mondial affiche complet et réalise un prix moyen chambre de 3.200 francs.
Un petit bémol du côté de l'hôtel Napoléon, dont le responsable, Jacques Bollack,
reconnaît avoir réalisé dix points d'occupation en moins par rapport à ses prévisions
initiales. «Nous devrions néanmoins franchir le seuil des 83% en juin avec des
prépaiements intéressants. Sans compter que nos chambres ont été vendues avec des
tarifs en hausse de 3% à 4%», commente-t-il. «En terme d'hébergement, les
hôtels de luxe ont bel et bien globalement vu leur chiffre d'affaires grimper de manière
spectaculaire. Cela n'a pas été le cas en revanche dans le domaine de la restauration»,
estime Philippe Gauguier du cabinet PKF.
L'hôtellerie moyenne gamme (2/3 étoiles) n'a pour sa part pas été totalement logée à
la même enseigne. Bon nombre d'hôtels ont en effet peiné pour remplir leurs chambres.
Leur offre ne correspondant pas toujours à la demande ou bien les séjours étant
épisodiques. Reste que d'autres ont bien tiré leur épingle du jeu. Ceux qui ont
notamment privilégié leurs clientèles habituelles en leur conservant un quota de
chambres et refusant de les matraquer. «Nous sommes contents ! Malgré un taux
d'occupation en légère baisse, notre chiffre d'affaires est finalement en hausse de 9%
sur le mois de juin», déclare Pascal Gauthier, directeur commercial de Timhôtel. Et
de préciser, «cela résulte de différents facteurs : respect de nos clients
traditionnels, bonne entente avec Mondiresa, augmentation des tarifs affichés pour la
clientèle football (25%) et commercialisation soutenue de nos unités.»
Mêmes propos de la part de Madeleine Quiniou du Carlton Hôtel qui admet volontiers que
le rendez-vous des fans du ballon rond a peut-être été moins porteur que ce qu'elle
avait initialement envisagé : «Il n'en demeure pas moins vrai qu'en mixant l'accueil
de clients réguliers à celui de médias espagnols (24 mai au 14 juillet au tarif
affiché + 25%) via Mondiresa, nous nous en sommes relativement bien sortis. D'ailleurs,
je dois dire que je n'aurais sans doute jamais eu ce volant de clientèle sans l'aide de
Mondiresa.»
LA COUPE, un bon plan pour les bistrots parisiens ?La Coupe du Monde a bénéficié à certains, pas à d'autres.
Le constat peut paraître facile mais il témoigne surtout d'un phénomène fréquent
au-jourd'hui quand on aborde l'animation d'un café. En effet, en dehors des Champs
Elysées, voir la porte St-Cloud pour les matches ayant lieu au Parc des Princes, l'effet
Coupe du Monde a surtout bénéficié aux établissements pratiquant déjà une politique
d'animation. Tout dépend... |
D'une manière générale, les restaurateurs parisiens, qui avaient mis tous leurs
espoirs dans l'événement sportif de l'année, sont aujourd'hui un peu plus mitigés dans
leurs propos. En effet, l'impact tant attendu n'a pas bousculé la fréquentation des
établissements parisiens.
«Nos restaurants ne connaissent pas
un taux de remplissage supérieur à la normale»
, souligne Didier Chenet qui dirige les chaînes Oh Poivrier ! et L'Amanguier.
Chez les frères Blanc, le directeur des brasseries, Jean-Pierre Chedal, ne remarque
pas non plus de grandes incidences provenant de la Coupe du Monde. A l'exception de
certaines maisons comme L'Alsace et Chez Clément, situées sur les Champs-Elysées où
les touristes se donnent rendez-vous avant, pendant et après les matchs. Par contre, les
réservations de groupes ont très bien fonctionné. «Nous
travaillons avec de nombreuses sociétés partenaires de la Coupe du Monde, dans le monde
entier, précise Philippe Chuppé, directeur commercial du groupe Blanc. Ayant fait
payer en grande partie les clients à l'avance, nous notons aujourd'hui un taux
d'annulation très bas de l'ordre de 2%.»
L'impact ne semble pas plus important du côté des restaurateurs qui offrent la
possibilité à leurs clients de suivre les matchs en direct de chez eux sur grand écran.
La tendance se ressent davantage sur la consommation de liquides et non sur les solides.
Les grands gagnants de la manifestation semblent être les spécialistes de la livraison
à domicile.
Chez A la Carte, société spécialisée dans la livraison à domicile de repas complets,
ne se plaint pas non plus. «Sans être révolutionnaires,
nos ventes ont augmenté de l'ordre de 15 à 20% les jours de rencontres et d'autant plus
lorsque la France ou le Brésil jouent», souligne
Stéphane de Maintenant, qui exploite A la Carte.
Chez Flo Prestige, on se félicite également d'avoir mis en place un plateau, baptisé le
Dîner Foot, qui se compose d'un véritable repas à 87 francs et qui se vend comme des
petits pains. Tout comme le dessert au chocolat en forme du Stade de France dont le
succès a été tel jusqu'à maintenant que le traiteur parisien est tombé en rupture de
stocks ! L'affaire a été rapidement rétablie. La finale risque d'être prometteuse !
L'équipe Lenôtre, au service de la Coupe du Monde, assurera entre 50.000 et 1
million de prestations sur l'ensemble des sites.
Sondage bilanCoupe du Monde 1998 dans les résidences de tourismeD'une manière générale, selon le Syndicat National des Résidences
de Tourisme, les résidences urbaines ont été bien remplies mais pas forcément par une
clientèle «football». Elles ont en effet privilégié leurs clients habituels qui sont
en progression constante depuis bientôt deux ans. |
La chaîne de pizzerias fait partie des opérateurs à qui la Coupe du Monde profite. En l'espace d'une semaine (la première de l'événement), les ventes ont augmenté de 20% et de 30 % quand la France joue ! Chez Pizza Hut, on en revient pas, bien qu'on s'y soit préparé. «Pour la période qui court du 10 juin au 12 juillet, 500 personnes ont été engagées sur Paris, des «menus supporters» (de 2 à 8 personnes) et des «menus family» ont été mis en place, explique Marie-Dominique Liot, chargée de la communication chez Pizza Hut. Par exemple, un menu supporter pour quatre personnes se compose de dix chicken wings, deux pizzas double et quatre bières, le tout pour 149 F». La deuxième semaine, les commandes ont eu tendance à diminuer tout en restant à la hausse par rapport à la normale. Concernant la deuxième partie de la Coupe du Monde, on n'est pas inquiet chez Pizza Hut. «Plus l'événement avance, plus les matchs deviennent intéressants et plus les Parisiens ont tendance à rester chez eux confortablement installés devant leur écran de télévision, fait remarquer Marie Dominique Liot. Et d'ajouter pour l'anecdote : Nous avons vendu 50.000 canettes de bière en six jours, alors que nous en vendons en moyenne 15.000 par mois !»
VIVE LES FEMMESMembre des Relais & Châteaux, l'hôtel de Crillon participe à l'opération de séduction mise en place par l'association auprès des femmes, qui consiste à inviter à dîner l'une d'entre elles lorsqu'elles se retrouvent à quatre autour d'une table. La clientèle féminine, une cible qui a séduit de nombreux restaurateurs qui ont décidé de faire plaisir à celles qui se sentent délaissées pendant cette Coupe du Monde ou tout simplement à celles qui veulent s'amuser sans hommes ! Pour cela, rendez-vous au Pavillon Elysée qui invite la troisième convive, chez Drouant où le dessert est offert, à l'Ambassade d'Auvergne, au Driver's, à L'Adresse ou à la Casa di Delfo où une multitude de cadeaux vous attendent, et Chez Paul qui vous offre une Coupe... de champagne ! |
L'HÔTELLERIE n° 2569 Hebdo 9 Juillet 1998