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Baux commerciaux

Comment renouveler son bail et à quel prix ?

L'échéance des 9 ans d'un bail commercial est une étape cruciale aussi bien pour le bailleur que pour le locataire, alors qu'en pratique, on constate que cette date est négligée, chacun estimant qu'il a bien le temps d'y penser. Il est important d'avoir à l'esprit quelques règles de procédures et de délais afin de se préparer à cette échéance au moins 6 mois à l'avance.

Par Eric Duroux (Avocat au barreau de Paris)

Mettre en place la procédure

de renouvellement

Un bail commercial ne se renouvelle pas automatiquement à l'arrivée de son terme des 9 ans. Il faut que l'une des deux parties manifeste sa volonté pour que le renouvellement produise ses effets. Soit le bailleur prend l'initiative et donne congé avec offre de renouvellement, soit c'est le locataire qui la prend en demandant le renouvellement.

Dans l'hypothèse où aucune des deux parties ne fait rien, le bail n'est pas terminé, mais il se prolonge par tacite reconduction jusqu'au moment où l'un des deux se manifeste.

En règle générale, le propriétaire prend l'initiative en donnant congé avec offre de renouvellement de bail, au moins six mois avant l'expiration du bail en cours.

Ce congé doit être donné sous peine de nullité par acte d'huissier, il a pour effet de mettre fin au bail en cours, à sa date d'échéance normale et de fixer le point de départ du bail renouvelé à la date d'expiration du bail précédent.

Dans cette hypothèse, le locataire peut avoir deux attitudes :

* soit il accepte expressément ou tacitement le renouvellement et le montant du nouveau loyer proposé ;

* soit il accepte le principe de renouvellement, mais pas le loyer proposé.

Acceptation du renouvellement

et du montant du loyer

C'est le cas de figure le plus favorable, dans lequel le propriétaire a donné congé dans les délais et moyennant l'offre d'un nouveau loyer plafonné calculé selon la variation de l'indice du coût de la construction.

Nous rappellerons à cet égard, que le décret de 1953 pose en principe que le loyer du bail renouvelé est plafonné et déterminé suivant la variation de l'indice INSEE du coût de la construction. La différence entre l'ancien et le nouveau loyer proposé ne pourra donc être supérieure à la variation de l'indice du coût de la construction. Cette variation sur 9 ans représentait 16,10% lors de la publication de l'indice du 3ème trimestre 1997. Donc le nouveau loyer ne pourra pas être augmenté de plus de 16,10%.

Remarque :

Il existe un décalage d'environ six mois, soit deux trimestres entre le moment où l'on se situe et le dernier indice publié.

Ainsi, le dernier indice publié et connu en février 1998, est celui du 3ème trimestre 1997. Aussi, afin d'éviter toutes contestations sur le choix de l'indice à utiliser, nous conseillons de faire mentionner dans le bail d'origine, dans la clause «REVISION», la valeur de l'indice utilisé comme référence, qui servira tant pour les révisions triennales, qu'à l'occasion du renouvellement.

Le propriétaire demande un loyer plus élevé

que l'indice

Le propriétaire peut toutefois demander le déplafonnement du loyer en engageant une action en justice et à condition de démontrer qu'il se trouve bien dans l'une des exceptions permettant de sortir du principe du plafonnement du loyer, pour que celui-ci soit fixé selon la valeur locative.

Par ailleurs, ne sont pas soumis au principe du plafonnement du loyer les baux consentis pour les locaux à usage de bureaux (banques, compagnies d'assurances...) et les locaux dits monovalents comme les hôtels, garages, théâtres, cinémas.

L'accord sur le montant du nouveau loyer peut également résulter d'un accord amiable entre le propriétaire et le locataire, alors même que celui-ci serait supérieur à celui résultant de la variation de l'indice.

Le locataire accepte le renouvellement

mais refuse le loyer

Dans cette situation, et tant qu'il n'y a pas eu d'accord sur le montant du loyer, celui-ci reste fixé à sa valeur antérieure.

Le propriétaire ou le locataire a alors deux ans à compter de la date de renouvellement du bail, pour réagir.

Afin de trancher le différend, le bailleur ou le locataire doit saisir en premier lieu, la commission de conciliation (sauf pour les locaux à usage de bureaux et les locaux monovalents). Si à l'issue de cette conciliation aucun accord n'est parvenu, il faut alors saisir le juge des baux commerciaux du tribunal de grande instance.

Le juge désigne le plus souvent un expert et fixe éventuellement un loyer provisionnel dû à compter de la date de renouvellement jusqu'à la fin de l'instance.

Après le dépôt du rapport de l'expert, le juge peut décider :

* soit qu'il n'y a aucun motif permettant le déplafonnement, le nouveau loyer est alors fixé selon la variation de l'indice.

* soit il reconnaît une des cause permettant le déplafonnement du loyer, le nouveau loyer sera alors fixé à la valeur locative.

Renouvellement après les deux ans

Dans l'hypothèse où aucune des deux parties n'engage de procédure dans les deux ans de la date de renouvellement du bail, le bail est maintenu par tacite reconduction à l'ancien loyer. Toutefois, le bailleur conserve la possibilité de demander ultérieurement le déplafonnement, mais le nouveau loyer ne sera dû qu'à compter de la demande qui en aura été faite et non plus à compter de la date de renouvellement du bail. Le propriétaire qui laisse passer ce délai de deux ans sans réagir, perd son droit à demander le paiement du nouveau loyer à compter de la date de renouvellement.


Notre conseil

Provisionner le nouveau loyer

Le nouveau loyer fixé est dû à compter de la date de renouvellement du bail. Compte tenu du fait, qu'il faut compter environ deux ans et demi de procédure, qui peuvent s'ajouter au délai de deux ans dont disposent les deux parties pour saisir le tribunal, le montant du rattrapage du loyer dû par le locataire en cas de déplafonnement, peut être très élevé.


Calcul du loyer du bail renouvelé selon la variation de l'indice du coût de la construction

Soit un bail consenti à compter du 1er janvier 1987, moyennant un loyer annuel de 65.000 F. Le propriétaire donne congé le 27 juin 1995 pour le 1er janvier 1996.

* L'indice du 1er trimestre 1987 est de 884.

* L'indice du 1er trimestre 1996 est de 1038.

Le montant du nouveau loyer calculé selon la variation de l'indice du coût de la construction sera de :

65.000 x 1038 : 884 = 76.323 F


Le renouvellement accepté, mais le loyer est fixé ultérieurement par le juge

Le bailleur donne congé à son locataire hôtelier pour le 1er octobre 1993. Le dernier loyer est fixé à 90.000 F.

Le bailleur attend le 15 septembre 1995 pour saisir le juge.

Après expertise, le jugement rendu en novembre 1997, fixe la valeur locative déterminée selon la méthode hôtelière à 170.000 F à compter du 1er octobre 1993.

Le locataire devra verser au titre du rattrapage des arriérés de loyers depuis le date de renouvellement du bail :

170.000 - 90.000 x 4 ans = 320.000 F

Ce qui fait que notre locataire hôtelier va se retrouver après la fixation de son nouveau bail, avec un loyer qui a quasiment doublé plus les arriérés de loyers. D'où la nécessité de provisionner une certaine somme pendant la durée de l'instance afin de couvrir en partie cet arriéré de loyer. En outre, il convient de provisionner comptablement ces sommes dès le début de la procédure.


Le loyer est renouvelé après le délai des deux ans

La compagnie Banco Rubano est titulaire dans le XIXème arrondissement de Paris, d'un bail à usage bancaire qui a pris effet au 1er janvier 1981. Ce bail n'est pas soumis au plafonnement en raison de la nature des locaux loués.

Le loyer d'origine est fixé à 35.800 F.

Le 7 mai 1991, le locataire fait signifier au propriétaire une demande de renouvellement du bail. Le loyer est fixé à cette époque à 56.000 F.

Le 1er mars 1995, le bailleur notifie au locataire un mémoire en déplafonnement dans lequel il demande un loyer de 145.000 F à compter du 1er avril 1995.

Les parties ont trouvé un accord amiable pour un renouvellement sur la base d'un loyer de 100.000 F.

Si le loyer avait été fixé selon la variation de l'indice du coût de la construction cela aurait donné :

35.800 x 1.011 (1er tri. 95) : 610 (4ème tri. 80) = 59.334 F




L'HÔTELLERIE n° 2551 Hebdo 5 mars 1998

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