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Le Coup de poing de Bourguignon

Rénovations des villages en profondeur, politique tarifaire plus juste et mieux ciblée, modernisation du réseau informatique et investissements publicitaires conséquents, le nouveau patron du leader mondial des villages de vacances administre un véritable remède de cheval à son entreprise. Avec pour objectif d'atteindre un résultat d'exploitation de 700 à 750 millions de francs en l'an 2000. Détails de son plan de relance...

Philippe Bourguignon n'est pas homme à mâcher ses mots. D'ailleurs, mardi 27 janvier, malgré un décor fort sympathique aux couleurs de Bora-Bora, le P-dg du groupe de loisirs n'y est pas allé par quatre chemins concernant l'état de santé financier de son entreprise. Annonçant des pertes massives pour l'exercice 1997 (1,294 milliard de francs contre 743 millions en 1996), le sauveur d'Euro Disney a ainsi déclaré sans détour : «les chiffres et leur réalité sont implacables. De fait, le Club ne gagnait plus d'argent depuis cinq ans

Reste qu'il entend, bien entendu, renverser la vapeur. D'autant qu'après neuf mois d'analyse, lui et son équipe sont parvenus à diagnostiquer ce dont souffrait le Club Méditerranée. Si ce concept de vacances «tout compris», fondé dans les années 1950 par Gérard Blitz et Gilbert Trigano, a pris les allures d'une véritable institution et celles d'un phénomène culturel, son identité est malheureusement devenue floue car figée sur la réalité des années 70. Parallèlement, confronté à une concurrence accrue, le prix du Club est aujourd'hui perçu par la clientèle comme trop élevé. S'ajoute à cette perception l'impact négatif de l'autre marque, Aquarius, qui «cannibalisait le Club Med.»

Selon le compte rendu de différents audits menés au cours des derniers mois, le leader mondial des villages vacances (120 unités dans 36 pays dont 89 en Europe, 17 en Amérique du Nord, 12 en Asie-Pacifique et 2 en Amérique du Sud) se plaint également d'un problème de fidélisation des clients, de villages en état disparate et d'une distribution dispersée et coûteuse. Sans oublier ses difficultés liées à une organisation désormais peu fiable. «Cette société est trop française dans un contexte de plus en plus international», a souligné le P-dg sur ce point précis.

Maintien du tout compris

Pareil à un «grand malade» qui doit rapidement se remettre sur pied, Philippe Bourguignon a donc décidé d'administrer un solide traitement au Club. L'ordonnance relève d'ailleurs d'un véritable remède de cheval (la facture en terme d'investissements s'élèvera à 3,4 milliards de francs sur trois ans), puisque le patron du groupe entend relever ce défi tambour battant, tablant sur un résultat d'exploitation de 700 à 750 millions de francs en l'an 2000 contre 290 millions actuellement.

«Il faut non seulement assurer le redressement du Club, mais aussi le replacer dans une perspective de développement à moyen terme propre à lui donner une compétitivité accrue», a précisé le nouveau patron. En clair, Philippe Bourguignon ne va pas chercher à révolutionner le Club, mais plutôt à le «refonder». Pas question en effet d'abandonner le concept-maison. «Certains le disent usé. C'est tout l'inverse ! Le tout compris est le segment du marché des vacances qui connaît en ce moment la plus forte croissance. Ses capacités mondiales croissent en effet à un rythme de 6% à 8% en volume par an», a confié l'ex-dirigeant du royaume de Mickey.

En revanche, le Club Med va se recentrer sur sa prestation initiale. Désormais, il n'y aura plus qu'une seule et unique marque : le Club Med. Les 13 villages Aquarius changeront effectivement d'enseigne dès le mois d'avril prochain. A noter en outre que, dans un souci de simplification, le Club disposera à l'avenir de quatre gammes de confort (1, 2, 3 et 4 tridents) au lieu de 5. Le tout très axé sur le milieu de gamme.

Yield Management

Autre élément du traitement : la rénovation des villages. Soixante- quatorze unités vont ainsi subir d'importants travaux de rénovation d'ici 1999, dont 30 sont particulièrement lourds. Baptisé Alcudia, ce vaste programme coûtera à l'entreprise plus d'1,85 milliard de francs. Il en va néanmoins de l'homogénéité de l'offre du groupe. D'ailleurs, sans cette phase d'embellissement, le Club ne pourrait évoluer vers une politique tarifaire plus juste.

La stratégie de relance de Philippe Bourguignon repose en effet massivement sur la refonte des prix. Il s'agit, comme pour le secteur hôtelier, d'optimiser le revenu par chambre disponible. Autrement dit, le Club va s'orienter vers une politique de Yield Management avec des prix réajustés suivant la gamme de confort des villages et les saisons. «Avec des baisses pouvant aller jusqu'à 30% sur les villages de cases et les 2 tridents, nous allons favoriser l'achat auprès de clients nouveaux», a indiqué Philippe Bourguignon la semaine dernière. Et d'ajouter, «cela donnera aussi l'occasion à nos clients fidèles d'évoluer vers un produit 3 tridents dont les prix seront eux aussi baissés, mais de façon moindre.»

Dès cet été, les clients trouveront ainsi en brochure des villages à moins de 2.000 francs (la semaine tout compris), 13 autres à moins de 3.000 francs, 27 à moins de 4.000 francs et 42 à moins de 5.000 francs.

Développement de la capacité hôtelière

Afin d'informer la clientèle de tous ces changements, le Club va se doter, d'une part, d'un accès à la réservation simplifié grâce au nouveau numéro Azur. D'autre part, une campagne publicitaire d'envergure va être au cours des mois prochains engagée pour «mieux expliquer le produit».

Par ailleurs, les systèmes de distribution considérés comme non efficaces vont être concentrés sur des marchés prioritaires tels que la France, la Belgique, le Japon, l'Italie, la Grande-Bretagne, les USA ou l'Allemagne. Dans ce dernier pays, le Club vient d'ailleurs de conclure un partenariat avec un important tour-opérateur Dertour, qui se chargera de la distribution exclusive outre-Rhin des produits de l'enseigne.

A noter, en outre, que le patron du Club va aussi modifier les modes opératoires de la société. Modification qui selon lui devrait dégager au bout de trois ans un gain de productivité de l'ordre de 150 millions de francs. Aucun plan social ne serait prévu pour l'heure à ce sujet. Reste que si la décision devenait «inévitable», elle serait prise.

En attendant, Philippe Bourguignon pense également que le redressement du Club, qui devrait accroître les volumes, va nécessiter un développement de sa capacité hôtelière. L'entreprise française cherchera donc tout d'abord à consolider ses positions en Europe en inaugurant de nouveaux sites en Turquie, Tunisie, en Italie et en Espagne. Le tout sous forme de contrats de location.

Augmentation de capital

Dans la ligne de mire du Club Med figurent également des destinations telles que l'Amérique du Nord et l'Asie (Thaïlande, Malaisie, Philippines). Au total, les besoins d'investissements du Club Med pour poursuivre sa croissance devraient s'élever à 625 millions de francs.

Une somme plutôt coquette, qui inscrite dans l'ensemble du plan de redressement, devrait permettre au groupe français de souffler dans la joie et la bonne humeur ses cinquante bougies en l'an 2000. «Ce sera la célébration de la renaissance du Club», a lancé Philippe Bourguignon. Avec 1,45 milliard de provisions pour «apurer» le passé et un appel au marché (augmentation de capital) de 1,2 milliard, le nouveau patron a tout intérêt à ce que sa méthode porte au plus vite ses fruits.

Ne doutant nullement du résultat, il se projette d'ailleurs au-delà de la date fatidique du troisième millénaire et prévoit un redéploiement de l'entreprise. «Nous devons décliner notre marque et notre style de vie «Club» en développant des produits nouveaux, en allant bien au-delà d'une politique de produits dérivés», a-t-il ainsi commenté. Les éminences grises planchent déjà sur la déclinaison possible de l'enseigne. Salles de sport, café, boutiques, mini-clubs... rien n'est encore arrêté. Mais, tout demeure à ce jour encore possible.

Claire Cosson

ccosson@lhotellerie-restauration.fr

Les taux d'occupation du Club Med
1994/1995 1995/1996 1996/1997
66,5% 66,9% 69,1%
Nombre de clients accueillis au Club Med
1994/1995 1995/1996 1996/1997
1.373.000 1.400.500 1.474.000

Philippe Bourguignon, P-dg du Club Med a décidé de la suppression de l'enseigne Aquarius. Désormais, il n'y aura plus qu'un seul et unique Club, axé sur le milieu de gamme.



L'HÔTELLERIE n° 2547 Hebdo 5 fevrier 1998

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