Actualités


Café

Un kit de micro-brasseur

Pour doper le trafic

Ces anciens d'Heineken, mais indépendants insistent-ils, proposent aux bistrotiers une gamme de matériel de brassage à domicile et son mode d'emploi. Non pour s'affranchir des brasseurs, insistent-ils, mais pour animer les lieux de vente et accroître le chiffre d'affaires.

Dans l'immense nef de la Taverne de l'Ecu à Lille, 700 places s'il vous plaît, le kit "brewpub" monté par Accompany semble un peu petit, posé sur ses six mètres carrés. Mais dans un rayon visuel limité, il produit l'effet recherché. Le brillant du cuivre, cette stature d'orgue d'église de campagne produisent l'effet de curiosité et d'animation recherché. Un effet renforcé par le pot, les bocks et sous- bocks marqués au nom de "La Bière de la Maison", la marque également créée par Accompany pour servir la boisson brassée sur place. On remplit son pot à la pompe, et on le sert entre amis à la table du dîner. Les clients se posent des questions sur la bière. C'est fait pour cela. Sur le set de table, on explique tout, du champ d'orge à la fermentation, avec légende vivante de ce que l'on a sous les yeux. La chaudière à brasser ? C'est "celle qui a une cheminée, à votre gauche", et voilà ce qui s'y passe ! La cuve filtre ? Elle est à droite, et on en recueille par pompage "le liquide sucré que l'on appelle la salade etc."

Objectif premier : amener la clientèle à la bière, accroître les volumes, et non faire des économies sur le prix de revient du liquide, même si c'est le cas approximativement passés les 200 hectos annuels au tirage. Dans la rangée des pompes, le tirage de la Bière de la Maison côtoie d'ailleurs une demi-douzaine de marques bien connues. "Au total, résume Bernard Rius, l'un des fondateurs de l'affaire, nous cherchons à affirmer une image positive de la brasserie pour mieux vendre la bière. Ce n'est pas une opération anti-brasseurs". L'idée de la micro-brasserie se développe doucement en France en général et en Europe. Elle fait florès aux Etats-Unis avec déjà près de deux milliards de dollars de chiffre d'affaires et une part de marché qui s'accroît doucement à plus de 2%. Tout en gardant un œil sur les plus grands des concepts de micro-brasseries, les géants américains encouragent discrètement le phénomène.

Créez votre bière

C'est sans doute ce qui a encouragé Bernard Rius, ancien de Heineken, le gérant actuel de l'affaire Charley G. Jonville, ancien de Pelforth et d'autres transfuges de la grande affaire néerlandaise à plonger dans cette aventure. L'idée de base (lire l'encadré) est donc de proposer un kit complet, brassage, garde, tirage et service à des formats de production et prestations différents. Les plus petits formats type brewpub sont destinés à des patrons qui désirent brasser eux-mêmes ce qui sera consommé sur place. Les plus grands peuvent alimenter une clientèle régionale. Dans tous les cas, la conception modulaire permet de varier la capacité. Mais la prestation d'Accompany diffère.

Lorsqu'il s'agit de réaliser une bière d'ambition micro-régionale, Accompany apporte outre le kit et le savoir-faire technique de base (à l'acheteur de créer son propre goût) une prestation de marketing et de distribution. Dans le concept brewpub, la cafetier restaurateur est très entouré. On lui propose donc une marque et son équipement publicitaire, la recette et le process, la formation et l'assistance au démarrage. Même si le procédé est automatisé et très contrôlé, il faut acquérir un minimum de compétence. La formation dure un mois. Accompany effectue ensuite un contrôle mensuel de la fabrication et fournit la matière première en unités formatées en fonction des besoins de la machine.

Et on s'occupe aussi du financement... Le modèle de base est affiché autour de 700.000 F. Pour Charley Jonville, "il est possible d'aménager de manière attrayante un café typiquement français de l'ordre de 150 m2 pour 1,5 MF y compris notre équipement brewpub". "La micro-brasserie est un élément de décor. On peut donc limiter l'investissement par ailleurs", insiste-t-il. C'est à voir, au cas par cas dirons-nous. Beaucoup d'opérations d'investissement récentes ont coûté beaucoup plus cher. Pas toujours à bon escient. Certains brasseurs, Heineken en tête mais aussi Kronenbourg, acceptent d'étudier les dossiers de financement, assure l'équipe d'Accompany. "Parce que nous leur disons : mettez vos bières spéciales à côté de notre bière de base. L'ensemble des volumes s'en portera mieux". Les dépositaires devraient suivre. Ils suivent déjà, affirme Charley Jonville. Il s'agit, pense-t-il d'une tendance forte, et mieux vaudrait être dedans que dehors. D'autant que cette tendance forte en goût ne menace pas vraiment en volumes les livraisons en fûts. Une dizaine de lieux sont déjà équipés. "Si nous équipons 200 brasseries en France et qu'elles livrent chacune 1.000 hl par an à leurs clients, cela ne fera jamais que 200.000 hl. Une broutille par rapport au marché national", conclut le gérant d'Accompany.

En vérité, il est bien difficile d'établir des pronostics. Aux Etats-Unis, il est vrai dans un pays de 250 millions d'habitants où on boit trois fois plus de bière par tête qu'en France, les grandes compagnies ont laissé place à plus de mille micro-brasseurs parmi lesquels une dizaine sont devenus des entreprises non négligeables. Le chiffre de 200 sites à équiper ne semble donc pas excessif en France. Quant aux volumes, il est clair que seuls les ambitieux trouveront place dans ce créneau bien particulier.

A. Simoneau

Aperçu de gamme

Le premier cheval de bataille d'Accompany est le "brewpub". En configuration de base, il comporte une salle de brassage tout équipée de 150 litres, un tank de fermentation de 300 litres, et un volume de garde modulable. Cette configuration de base ne nécessite pas de sol particulièrement renforcé et occupe quelque six mètres carrés. Une séquence de brassage dure de 6 à 7 heures. Deux séquences sont nécessaires pour engager une fermentation. La fourchette de capacité selon les modules installés et la fréquence d'utilisation est donc de l'ordre de 200 à 2.000 hl. Selon Accompany, 200 hl est la quantité à laquelle se croisent les courbes de prix de revient de la Bière de la Maison brassée par brewpub et de l'approvisionnement en fûts de pils de base.

Une seconde gamme concerne les micro-brasseries qui ont pour ambition de livrer d'autres établissements dans leur région. On trouve là des équipements modulaires partant de 500 à 2.000 hl de capacité (le seuil de base étant une production économiquement minimale) à 1.500 à 4.000 hl. On parle alors d'investissements au-delà du million de francs, voire de multiples de ce chiffre si l'on tient compte du local nécessaire et de la logistique de livraison. Il s'agit déjà d'une logique de petite industrie.


Charley Jonville devant la salle de brassage de la Taverne de l'Ecu à Lille. Une configuration de base de 700.000 F pour 200 à 2.000 hl de capacité annuelle.



L'HÔTELLERIE n° 2545 Hebdo 22 janvier 1998

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration