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L'événement
Renégociation de la dette
Le ministre Bernard Pons promet un dispositif plus simple et plus efficace

Endettement, taux de TVA, Convention collective, charges salariales, autant de sujets qui préoccupent l'ensemble des entreprises CHR. Bernard Pons, ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, a accepté, en avant-première des congrès qui vont avoir lieu dans les jours qui viennent, de faire le point sur l'état d'avancement de ces dossiers.

L'Hôtellerie :

Le secteur de l'hôtellerie a, ces cinq dernières années, beaucoup souffert des conséquences de la surcapacité. Même si aujourd'hui les entreprises sont satisfaites par la mise en place d'un contrôle du développement hôtelier, elles restent très inquiètes sur leurs perspectives d'avenir, du fait d'un endettement très lourd, contracté à des taux d'intérêt très élevés. De par leur savoir-faire, leur puissance, les entreprises les plus importantes ont réussi à renégocier dans de bonnes conditions avec leurs banques, tant sur les taux d'intérêt que sur la durée de remboursement.

Malheureusement, les plus petites entreprises se trouvent, face à leurs banquiers, dans un rapport de force qui ne leur permet pas les mêmes renégociations. Elles sont très nombreuses à avoir emprunté au CEPME et se sentent un peu trahies par une institution en qui elles avaient tout particulièrement confiance pour leurs métiers. Aux dires des hôteliers, les 50 millions de francs du fonds de garantie Sofaris n'ont eu que peu, voire pas d'effets, sur leurs banquiers. Comment imaginez-vous apporter des solutions au problème de renégociation de la dette en général, tant pour l'hôtellerie que la restauration ?

Bernard Pons :

«Vous avez raison de poser les problèmes de fond, car ils sont essentiels et je veux y apporter une réponse. D'abord, la surcapacité parce qu'après tout, si beaucoup d'hôtels souffrent, c'est parce que l'on a construit de manière anarchique, parce qu'on croyait que le palais des congrès ou le TGV allait rapporter gros. Les études de marché n'ont pas été sérieuses. Et après, des hôtels non rentables, appartenant souvent à des chaînes, pour se rattraper, cassent les prix, polluent l'ensemble du marché et font baisser les taux d'occupation moyens. Désormais, avec la loi du 5 juillet, on se donne les moyens de maîtriser le phénomène et je souhaite qu'on l'applique strictement.

Ensuite, le problème de l'endettement : beaucoup d'hôteliers ont investi -et on n'a pas le droit de le leur reprocher- pour se moderniser. Certains, il est vrai, ont exagéré, mais ce n'est pas le cas général. Beaucoup ont été poussés par les banques ou par le climat optimiste des années 90 à acheter les murs de leur hôtel trop chers. Ou alors ils paient des loyers excessifs. Ils ont emprunté à des taux élevés et les banques refusent souvent de rééchelonner. Le problème est complexe et les cas sont tous différents. Les banques ont traité spontanément des prêts - trop peu à mon goût. Un dispositif a été mis en place auprès de la Sofaris qui a permis de traiter plus de 130 dossiers. Mais je trouve que ces solutions -qui ont leur mérite- ne sont pas encore à la mesure du problème : certaines banques sont réticentes à y recourir et les hôteliers ne savent pas toujours qu'elles existent. C'est pourquoi je proposerai prochainement aux organisations professionnelles un dispositif plus simple et pratique dont je pense qu'il permettra de traiter beaucoup plus de dossiers.»

L'Hôtellerie :

Longtemps, les gouvernements ont renvoyé les hôteliers-restaurateurs sur les régions pour bénéficier de subventions dans le cadre des rénovations ou des mises aux normes de leurs établissements. Bernard Bosson avait confié une mission à Jacques Jond, afin de mieux faire connaître ce mécanisme d'aides auprès des professionnels. Nous n'avons jamais eu connaissance des conclusions de ce rapport et aujourd'hui, certains préfets, en vertu de la loi n° 82136 sur la décentralisation du 7 janvier 1982 abrogée par la loi du 21 février 1996, remettent en cause ces aides. Comment pouvez-vous intervenir ?

B. P. :

«S'agissant des investissements de mise aux normes, vous savez que le gouvernement a décidé de rendre les restaurateurs éligibles aux prêts bonifiés à 3,5% auxquels ils n'avaient pas accès. De manière plus générale, vous posez le problème de l'intervention économique des collectivités locales dont la base juridique est effectivement fragile. C'est la raison pour laquelle j'ai fait préparer un régime cadre d'intervention qui doit être notifié à la commission européenne. L'idée est de donner une base solide aux aides en faveur de l'hôtellerie et de faire en sorte que, pour ce secteur, toutes les entreprises puissent être aidées, même quand elles ne sont pas dans une zone spéciale.»

L'Hôtellerie :

Les restaurateurs accusent l'augmentation des deux points de TVA d'être la cause des difficultés qu'ils rencontrent. En ce début d'année 1996, on leur a laissé espérer certains aménagements techniques qui auraient pu ramener ce taux à une moyenne de 13%, aujourd'hui, ce dossier ne semble plus du tout être d'actualité. Le rapport Salustro mettait en avant la distorsion de concurrence qui existe entre la restauration commerciale et la vente à emporter et pourtant, le gouvernement s'est opposé à aligner le taux de TVA de la vente à emporter sur celui de la restauration commerciale. Comment justifiez-vous la position du gouvernement ? Comment ce problème de TVA sur la restauration peut-il évoluer dans le cadre de l'Europe ? Les restaurateurs de la FNIH lancent une campagne sur le thème «L'Etat se sucre sur votre dos», en distribuant des cartes postales que leurs clients adresseront au président de la République. Quelles réponses pouvez-vous apporter aux restaurateurs ?

B. P. :

«La restauration traverse une crise qui me préoccupe et que je veux traiter sérieusement dans tous ses aspects : endettement, paracommercialisme, modification des habitudes, image à rénover de la restauration à la française, distorsions de concurrence, droit du travail et coût salarial. Je crois que ce n'est pas rendre service aux restaurateurs que de se focaliser sur la TVA. Il est vrai que la hausse de deux points de juin 1995 est intervenue à un moment où les restaurateurs ne pouvaient pas, pour beaucoup, augmenter leurs prix. Les marges, déjà faibles, se sont réduites. Mais faut-il oublier que cela a été fait pour financer des allégements de plusieurs milliards sur les bas salaires ? Et ils sont nombreux dans le secteur CHR. Quant au taux de TVA, le rapport Salustro décrit objectivement les limites de l'exercice. Evidemment, je préférerais une TVA à 5,5%, mais ce n'est pas facile.

En outre, il existe des distorsions de concurrence anormales entre la restauration traditionnelle et la restauration rapide. Si le gouvernement n'a pas souhaité finalement aligner par le haut la restauration rapide, c'est parce que finalement, la FNIH n'a pas estimé que mettre les fast-foods à égalité avec les restaurants traditionnels en les taxant davantage était une bonne solution. On ne peut pas être plus royaliste que le roi.

Enfin, s'agissant de la campagne de communication, je voudrais que les exigences légitimes de la revendication et de la publicité ne perdent jamais de vue l'intérêt des restaurateurs qui seul m'importe. Est-il vraiment de leur intérêt de commerçants, dans la situation actuelle, de dire à leurs clients : «Voyez comme nous sommes chers» ?»

L'Hôtellerie :

Il n'y a toujours pas de Convention collective dans cette profession et la position des syndicats patronaux semble se durcir dans la mesure où ils considèrent que cette Convention alourdirait leurs charges sans aucune compensation à un moment où leurs affaires sont de plus en plus difficiles, où la concurrence déloyale se fait de plus en plus assassine. Vous avez annoncé, en juin, un allégement des charges sur les avantages en nature, cette mesure est-elle conditionnée à la signature de la Convention collective ? Pour les syndicats patronaux, la signature est justement conditionnée à l'obtention effective de cet avantage, la situation semble bloquée. Comment envisagez-vous de traiter ce dossier ?

B. P. :

«Les organisations patronales attendaient un geste sur les avantages en nature. Elles le réclament d'ailleurs depuis 30 ans sans succès parce que des raisons de principe -ce sont les pires- et des raisons financières s'y opposaient. Je me suis saisi du problème. J'ai jugé qu'il n'était pas normal que les entreprises du secteur paient des charges à l'inverse de celles qui utilisent le titre-restaurant. J'en ai convaincu le Premier ministre. L'Etat a fait son bout du chemin. Maintenant, la balle n'est plus dans son camp. Je sais qu'un bon travail a été fait sur la Convention collective. Contrairement à ce que certains disent, c'est une Convention raisonnable, adaptée aux petites entreprises et d'application très progressive. Elle donne, grâce à l'annualisation, des souplesses de gestion. La profession sera reconnaissante à ceux qui sauteront le pas. Il faut savoir arrêter une négociation qui dure depuis quinze ans et signer. Est-ce son intérêt de rester le dernier grand secteur sans Convention collective ? De voir plusieurs parties de la profession quitter successivement la table de négociation en disant : «Messieurs, si vous n'êtes pas capables de vous mettre d'accord, nous signerons dans notre coin» ? C'est aussi un enjeu d'image pour la profession vis-à-vis des jeunes qui s'y engagent et de l'opinion : peut-on tenir longtemps à refuser de signer une convention qui fait passer les horaires de 44 à 43 heures quand tous les médias parlent des 35 ou des 32 heures ? De cela, beaucoup de responsables sont conscients. Je ne pense donc pas que la situation soit bloquée. La tenue prochaine à l'initiative du ministère du Travail d'une commission mixte est envisageable.»

L'Hôtellerie :

Les industries de services sont, au fil du temps, de plus en plus pénalisées dans la mesure où les charges de personnel pèsent très lourd. Pour atténuer ce handicap, des allégements ont été accordés sur les plus bas salaires. Si ces mesures donnent dans l'immédiat quelque peu d'oxygène à ces entreprises, elles limitent les possibilités d'évolution de postes, de carrières et de salaires des salariés du secteur, les employeurs ayant intérêt à maintenir les salaires aux niveaux les plus bas pour bénéficier de ces allégements. Peut-on imaginer dans l'avenir un autre mécanisme qui pourrait dynamiser ce secteur, comme plafonner les charges patronales à une certaine proportion du chiffre d'affaires de l'entreprise par exemple ?

Existe-t-il aujourd'hui certaines études qui envisageraient de tels processus, tant dans les syndicats professionnels qu'au ministère ? Si rien n'est envisagé pour l'avenir, ne craignez-vous pas que ce secteur ne puisse plus conserver sa main-d'oeuvre qualifiée ?

B. P. :

«S'il y a un effet de seuil, c'est à cause du mode de calcul du SMIC hôtelier. Quant aux allégements de charges décidés par le gouvernement, ils prennent la forme d'une ristourne dégressive et donc il n'y a pas d'effet de seuil. Pour le reste, on ne peut pas à la fois dire qu'il faut combattre le chômage des non-qualifiés qui est un drame et trouver qu'ils ne coûtent pas assez chers. Au contraire, si on allège le coût du travail le moins qualifié, d'une part on permet l'embauche, d'autre part, on reconstitue les marges qui permettent de mieux payer les personnels les mieux qualifiés.

Cela étant, la question du coût du travail dans les métiers de services marchands, fortement créateurs d'emplois, celle des charges me paraissent très importantes pour l'emploi, même si elles ne sont pas au premier rang des revendications qu'on me présente.»

L'Hôtellerie :

Si la réforme du calcul de la redevance télévision apporte une réelle satisfaction aux petits hôtels, elle pénalise très fortement en contrepartie les hôtels de grande capacité. De plus, les allégements qui s'opèrent sur les petites unités sont sans commune mesure avec l'alourdissement de la redevance des hôtels de plus de 40 chambres. Sur la seule ville de Nice, on estime que les allégements n'atteignent pas 550.000 F alors que près de 1.400.000 F seront à payer en plus par les grands hôtels, l'économie individuelle la plus importante étant de 7.000 F, alors que l'augmentation individuelle la plus importante est de 102.000 F. Comment justifier pour un seul hôtel une augmentation pareille ? Comptez-vous revoir le mode de calcul ?

B. P. :

«J'émettrai des réserves sur votre exemple niçois car, s'il est exact, il ne correspond pas à la moyenne nationale car les allégements sont supérieurs aux surtaxes.

On dit qu'en matière de baisses d'impôt, il ne faut jamais s'attendre à être remercié et que l'on entend que ceux qui se plaignent. Je retiens, parce qu'on l'entend depuis plus de vingt ans, que les petits hôtels se plaignent du poids de la redevance. Pour 85% des hôtels indépendants, la réforme représente un allégement entre 40 et 90%. Il est vrai que pour une minorité, cela peut représenter une hausse de 50% et la fin d'un régime favorable qui profitait surtout aux chaînes. Cet allégement important pour les petits hôtels n'a été possible que parce qu'il était compensé. Je comprends que les responsables syndicaux aient à défendre l'ensemble de la profession, au risque même de remettre en cause ce qui a été obtenu. En ce qui me concerne -et c'est ma ligne générale, qu'il s'agisse de la redevance, de l'endettement, du paracommercialisme et de tous les sujets- mon premier souci est de permettre la survie et la prospérité d'un réseau incomparable d'hôteliers indépendants, de cafetiers, de restaurateurs de tradition qui font la richesse de notre pays et qui font avec passion un métier merveilleux et qui doivent pouvoir continuer à le faire et à en vivre dignement.»

Propos recueillis par PLN

«En matière de renégociation de la dette, je proposerai prochainement aux organisations professionnelles un dispositif plus simple et plus pratique, dont je pense qu'il permettra de traiter beaucoup plus de dossiers.»

«Que les exigences légitimes de la revendication ne perdent jamais de vue l'intérêt des restaurateurs qui seul m'importe, est-ce de leur intérêt, dans la situation actuelle, de dire à leurs clients «voyez comme nous sommes chers» ?»

«
Si le gouvernement n'a pas souhaité aligner par le haut la TVA sur la restauration rapide, c'est que la FNIH n'a pas estimé que mettre les fast-foods à égalité avec les restaurants traditionnels était une bonne solution. On ne peut pas être plus royaliste que le roi.»



L'HÔTELLERIE n° 2485 Hebdo 28 novembre 1996

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