Actualités


Au fil de la semaine
Un mot malheureux

Le ministre de l'Agriculture, M. Vasseur, est, paraît-il, un bon ministre. Ce qui est la moindre des choses, car s'il était mauvais, le citoyen ordinaire pourrait penser qu'il aurait depuis longtemps été remplacé. Enfin, normalement. Sans doute est-il un grand professionnel des questions agricoles, un spécialiste émérite des montants compensatoires, un expert redoutable sur le cours du soja ou les mécanismes du FEOGA.

En revanche, la maîtrise du langage relève davantage de l'art politique pur (car la politique peut être considérée comme un art suprême) que de la compétence technique.

En déclarant que «le Hard Rock Café a un nom qui n'évoque pas tout à fait le terroir de nos provinces», M. Vasseur a simplement manqué de talent sémantique. En tout cas, il s'est complètement trompé de cible, s'il pense défendre son cher «terroir» avec des allusions qui se veulent assassines et qui ne sont rien moins que mesquines. De deux choses l'une : ou le «Hard Rock Café» a commis une infraction à l'embargo sur la viande de boeuf en provenance de Grande-Bretagne, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré par une interprétation purement technocratique de textes finalement inefficaces, et l'établissement doit bien sûr être sanctionné, ou il est reconnu innocent de toute contravention à la réglementation, et donc maintenu dans ses droits. Son appellation, son évocation «éloignée du terroir de nos provinces» n'a rien à voir avec l'affaire en cours. A moins de considérer, ce qui est inacceptable, qu'un établissement est forcément suspect si son nom offre une consonance étrangère, évoque un style de vie différent de nos chères provinces, ou fait allusion à des terres lointaines. Cette dérive risque d'être dangereuse : l'hygiène serait forcément mieux respectée à l'enseigne du Cheval Blanc ou du Boeuf Couronné, qu'au Planet Hollywood ou au Key West. La réglementation s'appliquerait avec davantage de sévérité aux multiples «Rialto», «Ponte Vecchio» et autres enseignes transalpines qu'aux bonnes auberges bien de chez nous, dont les noms font rêver les étrangers. Il faudrait davantage de rigueur à l'égard des innombrables «Rivière des Parfums», «Etoile de Saigon» et autres «Délices d'Asie» qu'aux sempiternels «Chez Mimile» ou «A la Bonne Auberge»...

Halte-là ! La loi s'applique indistinctement et équitablement à tous sur le territoire national, sans discrimination fondée sur un quelconque critère d'origine. D'ailleurs, il paraît que c'est un des principes fondamentaux de notre constitution. Mais les ministres apprennent-ils encore le droit constitutionnel ?

L.H.



L'HÔTELLERIE n° 2483 HEBDO 14 novembre 1996

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration