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Quelques idées à retenir

3 jours en Amérique

De retour du NRA, un visiteur français nous a fait parvenir ses impressions sur l'hôtellerie et la restauration outre-Atlantique. De son voyage, il en tire d'instructives expériences sur les techniques d'accueil mises au seul service de la rentabilité des entreprises, ce qui ne va évidemment pas sans quelques surprises...

Contrairement à une idée courante dans la vieille Europe, les hôtels américains n'ont pas tous été construits après 1945. Dans certaines villes dont l'essor remonte à plus d'un siècle, quelques bâtiments ont résisté plus ou moins bien à l'usure du temps, mais ils sont toujours là !...

Je m'y étais pris un peu tard pour ma réservation à Chicago, à une période traditionnellement chargée, puisque le NRA, l'équivalent annuel de ce qui est aujourd'hui notre Equip'Hôtel biennal, draine dans la grande ville du Midwest près de 150.000 visiteurs ! Mon agence m'avait néanmoins trouvé, dans le quartier fort agréable du Lake Front et d'Old Town, un établissement au nom désuet «d'Ambassador». Evidemment, l'appellation correspondait tout à fait à la prestation...

Néo kitsch

Pour 186 dollars la nuit taxes incluses mais petit déjeuner en sus, j'eus droit à une chambre de belle surface, totalement meublée en néo kitsch et approximativement insonorisée vis-à-vis de l'extérieur, pas du tout vis-à-vis d'un réseau de plomberie essoufflé. Bon, du huitième ou neuvième étage, on supporte le ronronnement de la rue, mais la douche du voisin à une heure tardive, c'est plus délicat. Sans oublier un climatiseur lui aussi d'époque avec une puissante soufflerie incorporée. Et comme le thermomètre dépassait allègrement les 30 degrés centigrades sur les bords du Michigan, impossible de se passer de cet élément de confort.

Bien sûr, L'Ambassador possède un hall comme seuls les hôtels américains en possèdent. Immense, pompeux, meublé de larges et confortables fauteuils toujours occupés par des Japonais, le hall s'ouvre également sur l'une des «ballrooms» qui font le charme de la vie sociale Outre-atlantique.

La minuscule réception est tenue par de compétentes jeunes personnes dont la règle de vie semble fondée sur un mot : dollar. On verra par la suite que c'est un réflexe assez répandu.

Un mot tout de même sur le bar de l'hôtel. Il est toujours agréable de pouvoir se reposer et se rafraîchir en bavardant lorsqu'on rentre d'une journée de visites, de contacts, de conversations parfois difficiles. A condition de pouvoir se désaltérer au meilleur choix. A l'Ambassador de Chicago, je ne sais pas si le barman s'occupe de ses approvisionnements mais le bar semble sorti tout droit de la prohibition. «Non, cette marque de bière n'est plus disponible. Désolé nous n'avons pas de Perrier. Il nous reste de l'eau, mais pas de crackers...» et ainsi de suite, ce qui ne peut qu'inciter à sortir de l'établissement dans un quartier riche en ressources désaltérantes.

J'ai aussi fréquenté quelques restaurants de Chicago. Dans ce véritable laboratoire de la restauration qu'est la grande ville de l'Illinois, les expériences peuvent être multipliées à l'infini.

Steak and lobster

Le jour de mon arrivée, j'ai sacrifié sans trop de peine au rite du «steak and lobster», cette spécialité roborative des restaurants traditionnels qui allie sans complexe un filet de boeuf de 400 grammes minimum à un homard pesant près du double ! Appétits d'oiseau s'abstenir. Pour cette entrée en matière, j'avais choisi, avec quelques amis, un endroit fort à la mode malgré la situation quelque peu glauque d'une rue en contrebas en plein centre-ville, le «Shaw's Crab House», spécialisé comme son nom l'indique dans les produits de la mer. D'ailleurs, on y déguste d'excellents «crab fingers», de fort belles pièces de poissons divers, des huîtres dénaturées par le traitement que leur fait subir tout chef américain qui se respecte, sans oublier l'éternel «clam chowder» toujours servi en abondance. Vous l'avez compris, il vaut mieux s'en tenir à une proposition de peur de «caler» devant l'abondance des assiettes, dont les prix sont proportionnellement beaucoup plus raisonnables que de ce côté-ci de l'Atlantique.

Mais au-delà de la prestation, c'est l'ambiance qui, semble-t-il, est déterminante dans les restaurants américains. Chez «Shaw's Crab House», un décor à tendance maritime appuyée, une salle immense et bruyante, un personnel en mouvement perpétuel pouvant lasser l'Européen soucieux de calme et de tranquillité. Mais les Américains ne viennent certainement pas au restaurant pour de telles (bonnes) raisons.

Ambiance... ambiance

Même à Chicago, il y a des lieux magiques. Au-delà, ou plutôt au milieu, des buildings les plus hauts de la planète, la ville a préservé des places villageoises, des havres de tranquillité au bord de l'eau, des terrasses aussi fréquentées que celles de Saint-Germain-des-Prés. Quel plaisir de déjeuner d'une salade au poulet accompagnée d'une «Sam Adams» à la pression (le tout pour moins de 10 dollars !) à la terrasse toujours prise d'assaut du «Cedar Hotel», au bout de State Parkway Av. ! S'installer à l'ombre des érables et siroter un soda en regardant la foule passionnée par le match de base-ball ou de basket retransmis sur un écran géant. La bière coule plus vite que les commentaires, dans une convivialité que nous n'avons pas su préserver. Les Américains ont chez eux autant sinon davantage de récepteurs TV que nous. Mais pour «communier» à l'occasion d'un événement sportif quasi quotidien, ils préfèrent encore se retrouver à la terrasse d'un bistrot en vogue ou dans l'immense bar du Harry Carey (l'hiver est froid à Chicago), et arrondir considérablement le chiffre d'affaires de ces établissements. Il serait peut-être temps pour nos patrons de bistrots de s'inspirer de ce qui se passe là-bas, au lieu de gémir sur les ravages des buvettes autour des stades. Qu'ils créent le spectacle chez eux les soirs de matchs et les gens retrouveront sans doute aussi le plaisir de retrouvailles animées. «Holy Cow», pour les initiés, of course.

A l'italienne

Depuis la prohibition, nul n'ignore que Chicago fut longtemps un repaire d'Italiens pas toujours fréquentables, mais sur les bords du Michigan, l'Italie s'est assagie. Et parmi les charmes de la Botte, elle a donné à Chicago son art incomparable de l'accueil et de l'art de vivre. Notamment avec un nombre impressionnant de restaurants dédiés à la «dolce vita» et au chianti. Parmi les institutions les plus réputées, il faut aller à l'incontournable «Scoosi», excentré au fond de Hudson street dans un quartier où il vaut mieux circuler vitres et portes fermées. Qu'importe ! «Scoosi» est toujours plein, et cet immense hangar, un ancien entrepôt, voire (on peut rêver) un abattoir, accueille chaque jour des centaines de convives disposés à attendre au bar qu'une table se libère.

Chez «Scoosi», on cultive avec minutie l'art de l'attente, que les Américains subissent avec une patience que nous endurons sans toutefois y adhérer... Comme il faut réserver (mon «party» était prévu pour 22 heures !) une hôtesse derrière un comptoir vous propose de patienter en sirotant au bar, avant de vous appeler au haut-parleur. Cela évite les désagréments de la resquille, mais il ne faut pas manquer son tour. Autant avoir un nom facile à prononcer en américain ! Le «Li-ss-è-ge party» risque fort de vous échapper et la table avec.

Là encore, vous avez dépensé quelques dollars avant de passer à table, l'americano ou le campari étant proposés avec tellement de gentillesse. D'ailleurs, et ce n'est pas une spécificité italienne, le service est toujours affable, souriant et... inhabituel. Le célèbre «How are you today» ne semble pas de pure façade, tant le sourire de la serveuse est convaincant. Il est vrai qu'à Chicago, le «tout compris» est passé dans les mœurs, avec une nuance non négligeable : la «gratuity», un terme qui ne manque pas d'humour, va de 16 à... 25% du montant de l'addition, sans que le client ait vraiment le choix d'imposer un pourcentage. En revanche, il faut reconnaître que le ticket moyen ne dépasse jamais 50 dollars, sauf excès tout à fait hors normes, et que le fameux rapport qualité/prix est excellent.

Ce soir-là (mais il paraît que c'est pareil tous les soirs), le chef était en forme et ses pâtes «bianchi et neri» à la queue de langouste méritaient une halte. Quant à la carte des vins, quel restaurant italien de Paris proposera un «Brunello de Montalcino» à 200 F ou un «Montepulciano» à 150 F ?

Une manière très agressive
de vendre...

L'incontournable Harry Carey

où l'on suit avec passion les matchs de base-ball.

Quelques Français ont su réussir à vendre un coin de

France

à l'Amérique !

Steak et Lobster au

Shaw's Crab House.

Boston Market se préparerait

à investir l'Europe.



L'HÔTELLERIE n° 2468 Hebdo 25 Juillet 1996

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