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Depuis 2 ans, Clément Marot à Lille (59) a invité François Vandeweghe, un second chef dans sa cuisine et un associé pour le moment minoritaire au capital de sa société. Une manière élégante de supprimer le problème du second de cuisine, de résoudre le casse-tête de la RTT, tout en préparant à long terme une succession en sifflet.
m Alain Simoneau
Clément Marot et François Vandeweghe sous la même enseigne.
Le Restaurant Clément Marot
au centre de Lille n'a pas changé d'enseigne, mais ce n'est plus seulement chez Clément,
c'est aussi chez François. François Vandeweghe, 38 ans, 7 ans de moins que son aîné. "François
a pris 11 % de l'affaire voici 2 ans, et dans les 5 ans, il montera, s'il le souhaite,
jusqu'à 45 %. Mais il est déjà patron à mes côtés, c'est très clair. Nous sommes
gérants tous les deux. La confiance est la clé de la réussite. On ne fait pas les
choses à moitié..." Il serait d'ailleurs difficile de faire autrement dans une
petite maison à la réputation aussi précise. Pas plus de 22 places assises et le bar.
Le sous-titre Le Club, longtemps porté par l'enseigne, a perdu de sa signification,
surtout depuis le dernier investissement. Pour 600 000 F (91 500 e) environ, le caractère
feutré, un peu sombre du restaurant, a fait place à une ambiance bois clair mise en
valeur par un éclairage sous une verrière au jour naturel, située au fond de la salle.
Depuis, la clientèle a approuvé. En atteste une nette croissance du chiffre d'affaires.
L'équipe est à la mesure du lieu : deux patrons, l'épouse de Clément Marot, Claire,
après avoir pris congé entre leur 4e et 6e enfant, revient s'occuper de l'administratif
en janvier. Un serveur, deux apprentis en salle, un cuisinier de profession, un apprenti,
une plongeuse, une femme de ménage, un point c'est tout. Et deux chefs qui se
complètent. L'un des deux au moins est toujours présent. Quand ils sont ensemble,
Clément Marot est volontiers en salle, mais en tenue de chef : "Bienvenue, soyez
heureux !", tonitrue-t-il. François est toujours en cuisine, Clément prend le
fourneau quand il est seul.
En chiffres |
Chiffre d'affaires 3,80 MF (570 000 euros) Ticket moyen 300 F (45,73 euros) 450 F (68,6 euros) au dîner Nombre de couverts/jour 40 |
"Ma maison a pris de la
valeur"
Ils se complètent, sont totalement différents, et se ressemblent aussi. François
Vandeweghe est discret, Nordiste de souche, et s'exprime vraiment au fourneau. Clément
Marot est troyen, mais fichtrement bien intégré au Nord, et maîtrise bien la relation
publique. Tous deux sont pères de famille nombreuse, ce qui permet de se comprendre à
demi-mot sur pas mal de problèmes. Tous les deux ont fait leur parcours dans de bonnes
maisons avant de devenir chefs. Ici, du frais uniquement, des produits très visibles,
beaucoup de beaux légumes et du régional modernisé et allégé. François a fait
siennes les spécialités de la maison - Salade Jean Bart, Poisson mariné au sel et
chicorée - et en ajoute d'autres.
C'était indispensable, mais insuffisant pour que la recette prenne à deux. Pour
Clément, c'est l'évolution de la société, pas moins, qui est derrière. "Autour
de nous, quantité de maisons ont fermé sans successeur. A quoi me servirait de
travailler dur si l'affaire devenait un jour invendable ?" La RTT et
l'organisation sont les clés pour attirer des jeunes qui ne veulent plus travailler quand
les autres prennent du plaisir. Pour pouvoir accueillir les clients, accentuer le style de
la carte, garder l'exécution de la cuisine intacte, le tout en réservant un peu de temps
à la vie de famille, sans oublier l'engagement syndical et associatif, il fallait
embaucher un cadre. A 39 ou 35 heures ? Avec quelle responsabilité réelle ? Quand
François Vandeweghe, à 35 ans, confie à Clément Marot son souhait de s'installer, la
lumière jaillit... Pas facile d'entrer en associé minoritaire dans une affaire qui porte
le nom du patron en place, sauf si ce dernier s'engage à fond dans le partage des
responsabilités. La vie à deux chefs a permis d'ouvrir plus longtemps, d'améliorer la
carte et l'assiette pour le même prix, de donner du temps à Clément Marot pour recevoir
ses hôtes et vivre ses autres vies. Apparemment, les clients s'en sont rendus compte. En
2 ans, l'activité a augmenté en sorte que le prix du partage est couvert. "Ma
maison a pris de la valeur", commente Clément Marot. Ce qui veut dire aussi que
la part de François Vandeweghe a pris du poids, et qu'il sera bientôt en mesure
d'emprunter de nouveau pour accroître sa participation. Si tout va bien, la succession se
fera donc en deux temps dans 10 à 15 ans, Vandeweghe reprenant les parts de Marot. Mais
convaincu par le système, ne souhaitera-t-il pas trouver de nouveau un brillant second
chef copropriétaire ? Sans doute, mais le modèle ne fonctionne que sur la base de la
complémentarité, de la qualité et de l'honnêteté des individus. Il ne faudra pas se
tromper. n
Zzz22v
Clément Marot en tenue de chef, mais au service en salle des crêpes Suzette.
Travailler à deux a permis à la fois de progresser en cuisine et d'aller plus loin dans
l'accueil en salle.
En dates 1956 : Naissance de Clément Marot |
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L'Hôtellerie n° 2747 Magazine 6 Décembre 2001