Actualités

restauration dans le guide depuis 100 ans

Le Grand Cerf à Marquise (62)
__________________________

Stéphane Pruvot dans son relais de poste

Sur la route de la diligence, les hommes du Guide Rouge n'ont jamais oublié de s'arrêter. Stéphane Pruvot a quitté les étoiles parisiennes pour revenir s'installer, chez lui, au pays.

Alain Simoneau

Combien de voyageurs épuisés d'être secoués, de cochers et postillons couverts de poussière se sont assis là ? Le banc de pierre devant le relais de poste nommé Le Grand Cerf est toujours là. Le petit bourg de Marquise dans le Pas-de-Calais se trouve sur la RN 1, la route de Paris à Boulogne et Calais, route du poisson, route des invasions, de tous les commerces et de toutes les guerres avec l'Angleterre. Le Grand Cerf est ouvert depuis 1795. Napoléon, Louis XVIII ou Victor Hugo l'ont connu. Il a toujours, ou presque, été une bonne affaire, et c'est encore le cas aujourd'hui, entre les mains de Stéphane Pruvot, 41 ans, dans ces murs de pierre depuis une dizaine d'années. Pruvot a succédé à plusieurs générations de la famille Beaurain-Baudier, tenanciers pendant la quasi-totalité du XIXe siècle, suivis de M. Lardeur, de Cyr-Louis Croix et son épouse au milieu du XXe siècle, de M. Lemercier et enfin de M. Barsby qui lui cède l'affaire. C'est une très vaste bâtisse d'angle, qui a finalement peu changé. Elle a perdu ses écuries, mais gagné une véranda. Les espaces qui ont servi d'abri sinon de chambres sont présents, en partie seulement utilisés. Stéphane Pruvot a d'ailleurs l'esprit plein de projets d'aménagement.

Une clientèle de grand'route
Quand le guide Michelin est né, Le Grand Cerf y a trouvé sa place d'auberge de passage. En 1903, on y note le déjeuner et son café à 2,5 F. Il traverse le siècle avec cette aura de solidité, et cette clientèle de grand'route. Une bonne étoile qui a attiré un Stéphane Pruvot pourtant en pleine ascension à Paris. Ce Calaisien sort à 16 ans et demi du lycée hôtelier Michel Servais de Lille, fait son tour de France, et prend réellement conscience de ses capacités auprès de Michel Lorain pendant cinq ans à la Côte Saint-Jacques. Il succède avec succès à Senderens à l'Archestrate, puis se fait de nouveau remarquer au Bellecour. Quelle mouche le pique alors de revenir au pays ? "Là-bas, c'était à moi mais pas chez moi. Et puis je ne vivais pas, je travaillais énormément... J'ai su que cette affaire était à vendre. Je suis Calaisien, je la connaissais de longue date. J'en avais une bonne image." Une image de solide et bonne cuisine bourgeoise. C'est de là qu'il est parti, parce que 200 ans de réputation en province, cela pèse un peu. Il travaille encore beaucoup, mais, après le service, il va monter son cheval qui loge à deux pas.
Donc pas question de folies, mais plutôt d'innover en partant du classique. A présent, le restaurant bourgeois accessible par le porche a conquis sa clientèle, et le Grill de Steff, un estaminet ouvert à la bonne franquette sur la rue au début de l'été dernier, sans rien changer au bâti, a fait 640 couverts à 149 F en moyenne le premier mois. Ses 4,4 MF de mise de départ, vite remboursés, son grill lancé, Stéphane Pruvot prépare 1,5 MF d'investissements centrés sur une cuisine de 100 m2 et une salle de restaurant restructurée. Il guigne aussi vers le bâtiment de ferme voisin pour ouvrir des chambres.

Fini le temps des diligences
Mais la route a changé. Le bourg de Marquise est à présent court-circuité par l'autoroute littorale A 16. Stéphane Pruvot a acheté 2 ans avant l'ouverture de cette autoroute. Le lendemain, le chiffre d'affaires baissait de 25 %. Fini le temps des diligences ? Oui, la rue principale de Marquise est calme. Mais un an plus tard, le chiffre avait doublé. Explication : la zone d'attraction régionale s'est décuplée. Il fallait près de trois quarts d'heure pour rallier Calais à Boulogne, à présent un petit quart d'heure suffit. Dunkerque était à une heure et demi et à présent vingt-cinq minutes. Et Paris est à guère plus de deux heures, le poisson ne craint plus rien. Le relais de poste n'est plus vraiment un lieu de passage, mais une attraction qui doit beaucoup à son chef. Peut-être est-ce alors le temps de rapprocher la bonne cuisine du Grand Cerf des audacieuses recherches parisiennes ? Mais prudemment. Au Bellecour, le ticket atteignait 660 F. Au Grand Cerf, il est de 300 F. Les étoilés de la région atteignent difficilement 400 à 500 F de ticket moyen. La rentabilité est un modèle sensible. La taille des restaurants est telle qu'une brigade importante serait nécessaire pour livrer la course à l'étoile. Or, la chute de la clientèle britannique consécutive à l'abolition du duty free dans le transmanche a été très brutale. Alors mieux vaut peut-être, au moins provisoirement, rester vivant mais modeste au Guide Rouge, plutôt que de mourir au firmament des stars. zzz18p zzz22i

Le Grand Cerf
34, avenue Ferber - 62250 Marquise
Tél. : 03 21 87 55 05 - Fax : 03 21 33 61 09
E-mail : s.pruvot@legrandcerf.com
Internet : www.legrandcerf.com


Le Grand Cerf actuellement. 


Stéphane Pruvot caresse
Le Grand Cerf qu'il s'est fait sculpter dans sa cour.

 

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires
4 MF

Nombre de couverts 50 à 60/jour
Effectif 6 employés


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration