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restauration France

Alain Passard
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"Frôler la transparence"

Inventeur, rôtisseur, Alain Passard offre une cuisine créative où se côtoient des saveurs inattendues. Il a fait de son restaurant parisien l'Arpège un lieu magique.

Lydie Anastassion

 
C'est en observant les artisans de son village natal
qu'Alain Passard a découvert sa passion pour l'univers
de la cuisine.

D'après ses proches collaborateurs, Alain Passard peut rectifier la dose de sel d'un plat au nez. Ce qui serait "exceptionnel" selon l'une de ses assistantes visiblement séduite par le personnage. A l'Arpège, au numéro 84 de la rue de Varenne où le chef s'est installé il y a 14 ans, tout le monde a le sourire aux lèvres. Le sommelier qui explique ses vins, le maître d'hôtel qui décrit les plats ou encore les trois jeunes femmes japonaises, à l'allure décontractée, venues ce jour-là faire une halte culinaire et dont les joues, à la fin du repas, étaient devenues roses de délectation.
Premier plaisir : la décoration, avant-goût de la carte. Trois couleurs dominent : celle de la peau du bois de poirier qui recouvre les murs gommant tout angle droit, comme une vague, le vert de l'angélique des champs, un arbre qui trône à l'entrée et dont on retrouve des touches sur les tables blanches, à côté de concombres du Cameroun, et enfin le blanc des nappes. Sur les tables, les verres de cristal font comme un rappel des trois bacchanales incrustées sur le panneau de bois et qui célèbrent la vigne. Des lignes Art Déco pures qui devraient encore évoluer, comme la carte.

Une lecture facile des plats
"Je veux faire une cuisine épurée, contemporaine et empreinte de simplicité, explique Alain Passard. Je fonctionne avec les couleurs et il m'arrive d'avoir de la peine à contrer la beauté d'une teinte avec une autre." Son objectif : proposer une lecture facile des plats. "Si le plat est simple, les saveurs se révéleront plus facilement. La lecture du palais viendra traduire celle des yeux", poursuit le chef. Difficile d'évoquer son Chaud-froid d'œuf au sirop d'érable et vinaigre de Xérès, sans mentionner la coquille impeccablement ouverte, du jaune piqué de ciboulette et d'une température ni chaude, ni froide. Sans parler d'une crème glacée à la moutarde de Charroux, une ogive blanche piquetée servie sur un fond rouge. Depuis cet été, la carte mentionne tous les producteurs de Bretagne, du Perche, de l'Anjou et de l'Alsace avec lesquels il travaille et qu'il a sélectionnés sur le terrain.
"J'ai entrepris une recherche et je sais que je vais aboutir. Je crois qu'un cuisinier atteint la sérénité vers 50 ans. C'est pour lui l'âge du repos de l'âme", poursuit le chef qui ajoute : "J'ai encore une bonne marge de progression." Constamment à la recherche de nouvelles idées, toujours selon son entourage, Alain Passard explique sa démarche. "Je respecte deux bases essentielles : la cuisson et l'assaisonnement." Délaissant le four, Alain Passard utilise la plaque pour une cuisson olfactive, visuelle et sonore. En cuisine, le travail des différentes cuissons débute dès 8 heures du matin.

Cuisine et art de la table
Fasciné par les odeurs depuis l'enfance, Alain Passard raconte avoir découvert le monde des "hommes en blanc et pantalons pied-de-poule" en "espionnant" les artisans de son village natal de La Guerche de Bretagne. "J'ai découvert cet univers dans le fournil de la boulangerie. Je suis né dans un village gourmand où l'on célébrait les fêtes religieuses par des repas, et où les boulangers, les restaurateurs les éleveurs étaient de qualité. Je savais que l'univers de la cuisine allait me permettre de côtoyer une certaine approche du façonnage de l'art de la table. Je me souviens des tables fantastiques de ma mère et de ma grand-mère. Chez nous, la main a toujours été très importante. Mon père était musicien, ma mère couturière." En hommage à cette époque, le portrait de Louise Passard, la grand-mère paternelle et l'initiatrice, est accroché dans la salle du restaurant, au-dessus de la table numéro 0, celle du chef, juste à côté de la double porte de la cuisine. Et au fil des saisons, le "Menu Louise Passard, cuisinière" célèbre la transmission du savoir-faire.
Quittant les fourneaux familiaux, Alain Passard entre en apprentissage à l'âge de 14 ans. Puis c'est la découverte du monde des étoilés : Michel Kerever au Lion d'Or à Liffré, Gaston Boyer à La Chaumière à Reims et enfin Alain Senderens à l'Archestrate à Paris. Prêt à naviguer seul, Alain Passard prend, en 1980, les commandes de la cuisine du Duc d'Enghien au casino d'Enghien-les-Bains. C'est l'année de la création de sa première recette : un Carpaccio de langoustines au caviar. A 26 ans, il y décroche en quatre ans 2 étoiles au guide Michelin. Un score qu'il réitère ensuite au restaurant Le Carlton à Bruxelles de 1984 à 1986. Un an après l'ouverture de l'Arpège, Alain Passard retrouve 1 étoile en 1987, une seconde l'année suivante. "A chaque fois, c'est un challenge, mais cette fois-ci ces étoiles étaient les miennes", commente-t-il.
La 3e étoile arrivera en mars 1996. Aujourd'hui, le chef explique ce qu'il considère comme sa mission. "Les 3 étoiles du guide m'ont apporté la confiance et la sérénité. Elles m'investissent d'une grande responsabilité vis-à-vis de la cuisine française dans le monde. Je dois la représenter et la promouvoir le mieux possible. De même que je crois avoir un message pour les jeunes. Il faut leur dire que la cuisine est un endroit où ils ne seront jamais déçus car elle leur permettra de progresser." zzz18p zzz22i

L'Arpège
84, rue de Varenne
75007 Paris
Tél. : 01 47 05 09 06
Fax : 01 44 18 98 39

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires 22 MF
Nombre de couverts 85 en moyenne/jour
Effectif 40 employés en moyenne

 

Tomates confites aux douze saveurs

Ingrédients
(pour 4 personnes)
4 tomates
200 g de pommes
200 g de poires
75 g d'ananas
2 g de gingembre frais
4 clous de girofle
1 g d'anis étoilé râpé
1 g de cannelle
15 g de raisins de Corinthe
2 g de zeste d'orange
4 g de zeste de citron
1 g de menthe
10 g de noix
10 g d'amandes
10 g de pistaches
2 gousses de vanille
1 orange
4 boules de glace vanille
aration

Préparation
- Ciseler pommes, poires, ananas, gingembre, noix, amandes et pistaches.

- Hacher les zestes d'orange et de citron.
- Disposer dans un poêlon une fine pellicule de sucre brun à caraméliser, y mettre les pommes, poires, ananas et les faire sauter à feu vif de façon à ce qu'ils soient pratiquement cuits, incorporer également dans le poêlon les zestes d'orange, de citron, le gingembre, les clous de girofle, la cannelle, les raisins de Corinthe, la menthe ciselée, les noix, les amandes, les pistaches et la vanille.
- Mettre cette farce dans les tomates préalablement mondées et épépinées en ayant pris soin de faire une ouverture sur le haut.
- Saupoudrer légèrement de sucre le poêlon, faire caraméliser, mouiller d'un jus d'orange et ajouter la gousse de vanille.
- Mettre les tomates dans le poêlon et cuire au four à 200° C en arrosant fréquemment pendant 5 à 7 mn selon la taille de la tomate (il est préférable d'en utiliser des petites).
- Server avec le jus de cuisson et une boule de glace vanille.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Hebdo 05 Octobre 2000

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