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Bières, décor et animation
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La folie des estaminets flamands

Idées d'artistes, idées business, démarche solitaire ou développement de groupe, urbain ou rural, l'estaminet flamand revient en force sur sa terre natale.

m Dossier réalisé par Alain Simoneau

Retour aux sources

Le lieu de perdition du début du siècle décrit par Maxence Van Der Meersch semble bien en train d'effectuer son grand retour après avoir failli disparaître. Selon le romancier, l'estaminet était un café où l'ouvrier allait dépenser en alcool et au jeu plus que ses maigres revenus, se ruinait la santé de diverses manières et rencontrait une faune susceptible de l'engager sur les chemins de la fraude, et finalement de la honte, de la prison et de la déchéance. "Aujourd'hui, propose Christophe Hodez, patron du Vierpot à Boeschèpe, c'est un ancien bistrot en Flandre, convivial et chaleureux où on fait tout à l'ancienne". "Ici, suppute Manu de Quillacq, créateur de t'Kasteelhof à Cassel, c'est comme un café, un restaurant et un pub à la fois, mais ce n'est ni l'un ni l'autre. Ici, on se sent comme chez soi, entouré d'objets usuels que je trouve dans les brocantes du Nord. Les salles ne doivent pas être trop grandes, il faut des meubles simples bien du pays." "Estaminet, ajoute-t-il, vient de stain, la poutre. C'est un endroit où on se met à l'abri pour y lire, jouer aux jeux flamands, raconter des histoires." La définition prend un goût de rébellion au Blauwershof (la taverne du fraudeur en flamand) chez Kris Mercier, le militant de la cause culturelle flamande. Il se définit, mi-sérieux, mi-rigolard, comme "animateur d'estaminet à vocation culturelle", mais animateur très privé à vocation on ne peut plus indépendante. Son ami Guy Rolland du Saint-Erasme à Sercus près d'Hazebrouck note qu'il n'y a pas deux estaminets semblables, et que chacun "retrouve une tradition à travers ses propres idées".

Des lieux transformés
Les points communs à ces lieux ranimés ou ouverts dans de vieux murs sont vite énumérés. Ce sont des cafés de campagne ou de bourgs ruraux, anciennes fermes ou commerces reconvertis. Ils sont situés dans les sites les plus touristiques du Nord, les monts de Flandre, en plein pays du houblon. Tous associent une bière régionale, souvent étiquetée à leur nom, et la nourriture du terroir, jeux flamands et animation culturelle. Tous se font une certaine idée de la Flandre. Certains vont loin dans la quête d'identité régionale, d'autres moins. Enfin, leurs patrons sont tous des personnalités affirmées pour qui l'estaminet est une expression de liberté, un choix de vie. Ils ont tracé la route, et bien d'autres les ont suivis. En juin dernier, l'artiste fantaisiste et "professeur de bièrologie" Ronny Coutteure s'est associé, avec son épouse et des professionnels déjà établis à deux pas, pour ouvrir La Ferme des Hirondelles, un estaminet-théâtre installé dans une ferme au sud de Lille. Deux semaines plus tard, face à la gare, s'ouvrait L'Olympic, sous-titré "estaminet flamand", un concept créé en synergie par les franchisés du Trois Brasseurs mitoyen. Là, on s'éloigne de l'authentique au profit de l'intuition commerciale, mais la référence est retenue. Presque au même moment, Pascal et Estelle Decoster ouvraient au pied du mont Cassel l'estaminet In Den Goedendag (littéralement "Au Bonjour", jeu de mot avec le nom d'une arme flamande). Il est trop tôt pour prédire le succès des nouveaux venus, mais le fait est que les anciens ont recréé une sorte de mythe.

Le bistrot dîneur à thème et à ambiance
De bonnes affaires, les estaminets flamands ? Les nouveaux venus devront faire leurs preuves. Les anciens en vivent. Ils ont ancré dans le terroir l'idée moderne du bistrot dîneur à thème et à ambiance musicale. Ces estaminets réalisent un certain chiffre d'affaires, qui atteint certains soirs un montant conséquent. Difficile d'en savoir plus, discrétion flamande oblige. Lieux de loisirs, ce sont plutôt des affaires qui marchent bien le week-end, le soir et l'été, avec des nuances d'un estaminet à l'autre. On y trouve de 30 à 50 sortes de bières, notamment en bouteilles de 75 cl, et rarement pour ne pas dire jamais de contrats d'obligation. "J'aime bien les brasseurs, mais je préfère la bière", commente l'un des patrons. La norme du repas se situe entre 50-60 F (une planche et une bière ou deux) et 70 à 100 F pour un repas. Une salle et une terrasse un beau dimanche d'été peuvent tourner trois fois à midi, soit plus de 200 couverts chez les mieux lotis, mais certains jours de semaine, la recette est symbolique. Les coûts matière de la cuisine populaire flamande permettent une marge suffisante sans faire fuir le client. Et la bière, pas si bon marché quand il s'agit de spécialités de garde, assure l'essentiel. n


L'un des tout derniers In den Goedendag : le renouveau du café de campagne.


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L'HÔTELLERIE n° 2655 Magazine 2 Mars 2000

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