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Un secteur porteur dans les pays baltes

L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui ont retrouvé leur indépendance en 1991, se sont rapidement ouvertes à l'Occident. L'afflux de touristes et d'hommes d'affaires, nordiques en particulier, dynamise le secteur hôtelier, en pleine expansion.

m Claire Pourprix

Fort peu connus en France, les pays baltes attirent pourtant en nombre nos voisins européens. Les Finlandais, les Suédois et les Allemands notamment multiplient les investissements dans ces trois petites Républiques de l'ex-URSS, qui ont su, en moins d'une décennie d'indépendance, se convertir à l'économie de marché. Certes l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie sont de taille modeste - au total, les trois pays cumulent une population de 7,5 millions d'habitants - mais leur position géographique, entre l'Europe occidentale et l'Europe de l'Est, est un atout de taille.
Le marché de l'hôtellerie, caractérisé à l'aube des années 90 par de grands établissements "de type soviétique", se modernise progressivement. Tallinn, Riga et Vilnius, les trois capitales baltes, disposent ainsi de plusieurs hôtels haut de gamme, en général situés à l'emplacement d'anciens établissements restaurés et nouvellement équipés. Seuls deux établissements français ont ouvert ces dernières années : l'hôtel Villon, en Lituanie, situé à quelques kilomètres de Vilnius, et l'hôtel Grand Mercure à Tallinn, en Estonie. L'ouverture de ce dernier en janvier 1999 s'inscrit dans le cadre du développement du groupe Accor en Europe de l'Est et dans les pays scandinaves. D'autres établissements devraient donc voir le jour dans les années à venir, parfois sous d'autres enseignes, afin de pallier le manque d'hôtels moyen de gamme et de bas de gamme "de qualité correcte". L'activité devrait aussi s'étendre dans les provinces. Car, exception faite de la Lituanie, où la répartition géographique de la population et de l'activité économique et culturelle a favorisé le déploiement de l'activité hôtelière dans plusieurs sites, comme Kaunas, Klaïpeda, ou la presqu'île de Neringa, le marché hôtelier est concentré dans les capitales. En Lettonie, seule Riga est richement dotée d'hôtels ; en Estonie, Tallinn et, dans une moindre mesure, Tartu (la ville universitaire) sont bien pourvues.
Les activités touristiques se multiplient afin d'inciter les visiteurs à découvrir les pays au-delà des capitales, et à prolonger la durée de leur séjour. Ainsi, en Estonie grâce à la proximité de la Finlande, le nombre de touristes a atteint les 2,9 millions l'an passé (soit près du double de la population locale) et l'accent est mis sur le développement du tourisme rural. Le gouvernement a décidé cette année de mettre en place une charte de qualité afin de structurer l'accueil en gîtes ruraux, installés dans les exploitations agricoles.
Le secteur de la restauration s'est lui aussi développé très rapidement lorsque les pays baltes ont ouvert leurs frontières. Là encore, les capitales sont bien plus fournies en restaurants que les villes de province : on y trouve tous les types de cuisine, et toutes les gammes de prix sont couvertes. Néanmoins, le secteur demeure instable : les ouvertures et fermetures d'établissements de restauration se succèdent à un rythme soutenu. La présence des entrepreneurs français est très modeste dans ce domaine. La cuisine française (servie dans des hôtels français et quelques restaurants), souvent associée à des prix élevés, jouit d'une bonne réputation. Pour preuve : les restaurateurs de cuisine internationale sont très demandeurs de formation par des chefs cuisiniers ou pâtissiers français. De même, la piètre qualité du service demeurant l'un des points noirs du secteur de l'hôtellerie et de la restauration, la demande de personnel expérimenté va croissante. n


L'activité économique en Lettonie est concentrée à Riga, la capitale qui accueille près du tiers de la population.


Rendez-Vous, la brasserie de l'hôtel Oliipia à Tallinn, n'a de français que le nom.


Vieille ville de Tallinn. L'Estonie, grâce à la proximité de la Finlande, a reçu la visite de 2,9 millions de touristes en 1998.

En Estonie, la notion de service est difficile à transmettre

Après avoir dirigé des hôtels au Sénégal, au Koweit, en Indonésie, en Pologne, aux Etats-Unis, en Sierra Leone et aux Antilles, Alain Miquel a ouvert, en janvier dernier, le premier hôtel Mercure de Tallinn, en Estonie. Agréablement surpris à son arrivée par le bon niveau de développement de cette ancienne république d'URSS, indépendante depuis 1991, il rencontre en revanche bien des difficultés pour former son personnel aux notions d'accueil et de service.

L'Hôtellerie :
L'hôtel Mercure de Tallinn fonctionne depuis près d'un an. Quels sont les premiers résultats ?
Alain Miquel :
Cet hôtel - qui est le premier établissement français dans les pays baltes, et le premier appartenant à un groupe international à s'implanter en Estonie - affiche des résultats encourageants. Notre taux d'occupation est compris entre 65 et 70 %, ce qui est encore modeste par rapport aux autres hôtels que compte la ville, mais plutôt prometteur pour un nouvel établissement. La clientèle est surtout composée d'hommes d'affaires et de touristes finlandais, qui, du fait de la proximité géographique, sont très présents en Estonie. La clientèle européenne se développe timidement ; quant aux Français, ils sont encore très frileux !

L'H. :
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre travail ?
A. M. :
La grande difficulté de ma tâche tient à la différence culturelle : nous partageons avec les Estoniens de nombreuses références communes, mais nous ne les vivons pas de la même façon, ce qui peut conduire à des erreurs de jugement. Ainsi, les Estoniens, qui semblent à première vue très européanisés, fonctionnent avec le poids de leur histoire : ils sont très proches, sur le plan culturel, des pays nordiques, mais cinquante ans de socialisme ont marqué les esprits. Dans le travail, cela se ressent surtout au niveau du service. Pendant la période socialiste, les métiers de service, en particulier dans l'hôtellerie, la restauration et le commerce, étaient des emplois dénigrés, réservés aux voyous et aux "moins que rien". Cette vision tend à s'estomper, mais perdure encore. A cela s'ajoute aussi une certaine peur de l'étranger, qui rend le personnel, réservé par nature, encore moins communicatif. Enfin, le sourire étant pour les Estoniens associé à l'idée de plaisir, il n'est donc pas compatible avec le sérieux et le professionnalisme. Le personnel, généralement doté d'un bon niveau technique, rechigne à se départir d'un masque glacial. Nos efforts de formation portent donc essentiellement sur la transmission des valeurs relatives à l'accueil, qui sont essentielles pour un hôtel international.

L'H. :
L'hôtel que vous dirigez possède aussi des restaurants et une boulangerie française. Comment s'organise leur approvisionnement ?
A. M. :
Il faut souligner tout d'abord que l'hôtel compte 130 personnes pour 164 chambres, soit le double du personnel requis en France. Cela tient à plusieurs raisons : d'une part la productivité est moindre, d'autre part plusieurs paramètres, dont on ne ferait pas de cas en France, entrent en ligne de compte : il s'agit notamment de la présence d'une équipe de sécurité, de la fabrication de notre pain et de nos pâtisseries. En ce qui concerne les biens de consommation courante et le matériel d'équipement, nous ne rencontrons aucun problème spécifique en Estonie. En revanche, l'approvisionnement en denrées alimentaires françaises de qualité est difficile. Les importations de vins et de fromages en particulier sont un vrai casse-tête, et je ne suis pas convaincu que l'on pourra à l'avenir continuer à en proposer à notre clientèle.

L'H. :
Quelles sont les leçons que vous pouvez tirer de cette première année de travail en Estonie ?
A. M. :
Je dois avouer que ce poste est sans doute le plus difficile que j'ai connu au cours de ma carrière. Mais c'est aussi passionnant. Je fais ce métier depuis vingt-cinq ans et je ne m'en lasse pas. Ouvrir un hôtel dans un pays tel que l'Estonie, c'est l'opportunité d'appréhender des cultures différentes. L'important est de prendre le temps de bien comprendre le pays afin d'identifier ce qui nous distingue de ses habitants, pour parvenir à collaborer efficacement ensemble. Je m'efforce d'appliquer la ligne de conduite adoptée par le groupe Accor, qui consiste non pas à bâtir partout le même hôtel, mais au contraire à faire en sorte qu'il soit intégré à chaque pays, en fonction de ses propres particularités. L'Estonie est un pays "jeune", qui a connu de nombreux changements en moins de dix ans d'indépendance. Les difficultés de management que je rencontre ici sont à l'image de ce que connaît le pays : l'ouverture à l'Occident passe par un apprentissage des mécanismes du marché.


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L'HÔTELLERIE n° 2651 Magazine 3 Février 2000

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