Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. "Quand j'ai dit ce que j'allais faire dans le Comminges, beaucoup de mes interlocuteurs ont tenté de me décourager en me parlant de région sinistrée et d'une trop grande prise de risques. On s'est pourtant lancés dans l'aventure, et sans étude de marché", explique Claude Taffarello, copropriétaire depuis un an de L'Hostellerie des Cèdres, située à 110 km au sud de Toulouse, à une heure trente de route de son fief, l'Auberge du Poids Public à Saint-Félix-Lauragais. Les plus belles aventures étant celles qu'on partage, Claude Taffarello a choisi celle-ci en s'associant avec Patrick Jaffré, qu'il a connu au Juana (Juan-les-Pins) en 1987, et en démarrant avec deux anciens collaborateurs de l'Auberge, à savoir Christophe Couton (chef de cuisine) et Barbara Rabiller (réception). "Nous avions tous très envie de travailler ensemble, et j'avais de mon côté le désir de faire quelque chose de plus qu'à Saint-Félix, où je ne suis malheureusement pas propriétaire. Alors, quand on m'a proposé L'Hostellerie des Cèdres, avec son parc, ses vieilles pierres, sa piscine et son tennis, je n'ai pas vraiment hésité", explique Claude Taffarello. Le cadre est en effet splendide. Situé sur la route de Saint-Bertrand-de-Comminges, le manoir des Cèdres a fait office de monastère en 1533 et fut donné par contrat de mariage à la marquise de Montespan en 1663. Les murs sont couverts de lierre, le silence est imposant, les arbres magnifiques.
Se faire connaître
Les deux associés ont investi 3 MF dans l'affaire. L'hôtel (3 étoiles) compte 24
chambres et la salle de restaurant 70 couverts. Ils tablent sur un chiffre d'affaires de 3
MF à l'issue de la première année, et espèrent parvenir à le multiplier par deux
d'ici cinq ans. Pour remporter ce pari, ils ont sensiblement baissé les prix du
restaurant (actuellement 50 % du chiffre d'affaires, demain davantage) afin de
reconquérir une clientèle locale qui avait tendance à bouder les lieux. Le premier menu
(4 plats) est vendu 130 F. Le menu Cèdres est à 220 F, le menu dégustation à 330 F. "J'applique
la même stratégie, au moins pour démarrer, qu'à L'Auberge du Poids Public où 80 % de
ma clientèle est locale. Je veux lui donner le meilleur de ce que l'on fait, je veux la
bichonner", prévient Claude Taffarello, dont la carte, mise en musique par
Christophe Couton, fait honneur aux produits du terroir, aux fournisseurs locaux, au pain
fait maison, aux desserts réalisés pendant le repas, aux saveurs authentiques, aux
poissons, aux préparations simples mais astucieuses : Gigotin d'agneau, Soupe de potiron,
Fondue d'agneau au jus de galette de pommes de terre, Poire pochée au vin et son
sorbet... Cette conception quasi-philosophique de la cuisine, éprouvée à Saint-Félix,
n'a pas tardé à plaire : le chiffre d'affaires du restaurant a progressé de 20 %, le
prix moyen des repas devant se stabiliser, à terme, autour de 250 F. Prudents, les deux
associés ont attendu plusieurs mois, dans le but de bien évaluer les besoins, avant de
refaire la salle à manger (300 kF d'investissements), qui devrait être prête avant la
fin du mois de février. L'environnement splendide permet à l'hôtel de proposer des
chambres, dont les plus anciennes seront refaites dans un an, de 380 F à 650 F.
Sur le plan commercial, les deux associés comptent sur le bouche à oreille... et les
guides gastronomiques en raison du relatif isolement de l'établissement : "Pour
nous trouver ici, encore faut-il savoir que nous existons, dit Claude Taffarello dans
un sourire. Pour le reste, on verra bien. L'avenir seul nous dira si nous avons eu
raison de venir ici. En attendant, malgré la distance et les contraintes, je me régale
!" n
L'HÔTELLERIE n° 2630 Magazine 9 Septembre 1999
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