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du 4 novembre 2004
VIE PROFESSIONNELLE

LA CAPITALE VEUT CHANGER D'AIR

'ICI, C'EST 100 % SANS TABAC'

Paris (75) La Mairie labellise les établissements qui se déclarent non-fumeurs. La charte signée entre
la municipalité et le Synhorcat porte sur le volontariat et s'inscrit dans une démarche de santé publique, compatible selon ses auteurs avec la prospérité commerciale des entreprises.


Didier Chenet, président du Synhorcat, Alain Lhotis, chargé de la Santé à la Mairie de Paris, et Lyne Cohen-Solal, en charge du Commerce et de l'Artisanat, lors du lancement officiel du label 'Ici, c'est 100 % sans tabac'.

Il ne s'agit pas de nouveaux interdits, mais d'un choix offert aux personnes qui souhaitent accéder à des espaces sans tabac", a résumé Alain Lhotis, adjoint au maire de Paris, chargé de la Santé, lors de la présentation à la presse du label 'Ici, c'est 100 % sans tabac'. Une opération qui vise à distinguer les cafés, restaurants et hôtels non-fumeurs de la capitale. Si la démarche s'inscrit dans la politique de santé publique, elle correspond également, selon la municipalité, à de nouvelles donnes commerciales. "C'est une démarche innovante, tout à fait compatible avec la prospérité commerciale des établissements parisiens, a affirmé Lyne Cohen-Solal, adjointe au maire de Paris, chargée du Commerce et de l'Artisanat. Ce sont des libertés nouvelles que nous organisons." La profession est actuellement partagée sur le sujet. Le Syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers traiteurs (Synhorcat), très largement majoritaire en Ile-de-France, a néanmoins décidé de soutenir l'action. "L'application de la loi Evin n'est pas respectée. Le Comité national contre le tabagisme a demandé que tous les établissements recevant du public soient non-fumeurs. Face à cette évolution et dans un contexte international qui se durcit - je pense notamment à l'Irlande, dont les pubs sont désormais non-fumeurs, et à la Norvège qui vient de lui emboîter le pas -, il ne faut pas rester attentiste. Nous devons écouter nos clients et les satisfaire. Au début de la loi Evin, 1/3 des clients voulaient des espaces non-fumeurs ; aujourd'hui, ils sont 2/3, a commenté Didier Chenet, président du Synhorcat et p.-d.g. de la chaîne Oh!… Poivrier! Je vais appliquer cette charte dans mon établissement de Saint-Michel, qui est un quartier jeune et touristique, et l'étendre ensuite progressivement à d'autres sites."

Cuisine et tabac


Anne et Daniel Boulanger ont passé leur établissement en non-fumeurs dès le début de la loi Évin. Ils ont d'ores et déjà fait la demande de labellisation.

Au sein du Synhorcat, plusieurs adhérents ont déjà relevé le défi, bien avant que l'idée du label soit évoquée, comme L'Atelier de Joël Robuchon, non-fumeurs depuis son ouverture. Anne et Daniel Boulanger, propriétaires de la crêperie Le Biniou depuis 13 ans, dans le XIVe arrondissement, ont été parmi les premiers à s'y résoudre : " Je ne crois pas que l'on puisse manipuler des aliments, vouloir la qualité et pouvoir le faire dans la fumée et les odeurs de cigarette." Dans le sillage de la loi Evin, l'établissement est déclaré entièrement non-fumeurs par ses propriétaires. Ceux-ci ont d'abord 'sondé' leur clientèle. "Certains nous ont encouragés et d'autres nous ont prédit la faillite dans les 6 mois…" La 'mixité' n'a duré que quelques semaines. Insupportable gestion. "À une époque, ça nous a sûrement fait perdre de la clientèle", estime Anne Boulanger, contredite par son mari : "Je vois que les gens viennent pour la cuisine et l'ambiance. Être un restaurant non-fumeurs est également une valeur ajoutée aux yeux de la clientèle étrangère." Ce que défend d'ailleurs la Mairie de Paris au travers de son label, qui devrait être mis en avant dans tous les supports de promotion réalisés par l'office de tourisme. Le couple Boulanger a d'ores et déjà sollicité l'obtention du label.
Jean-Luc Binet est à la tête du Terrass Hôtel, un 4 étoiles de 100 chambres dans le XVIIIe arrondissement. Il est également membre du bureau du Synhorcat. À la demande d'une partie de la clientèle (à 80 % touristique), le 6e et dernier étage de l'établissement, qui offre une vue panoramique sur Paris, passe non-fumeurs. "Ça n'a pas vraiment plu parce que les gens se plaignaient de ne pas avoir le choix concernant cet étage. Nous avons alors déplacé la zone au 5e étage." Aujourd'hui, les 3e et 1er étages sont devenus non-fumeurs. "Parce que les réservations qui nous arrivent par le net le précisent de plus en plus. Les Allemands et les Anglais y sont sensibles. Nous ne sommes pas encore de très bons gestionnaires dans ce domaine. Les choses tournent parfois au drame lorsque des non-fumeurs se retrouvent dans une chambre fumeurs. L'odeur du tabac froid ne s'en va pas comme ça…" Dans le restaurant attenant à l'hôtel, Jean-Luc Binet applique la loi Evin : les fumeurs ont leur zone. Cependant, les salles de conférences du Terrass Hôtel sont décrétées non-fumeurs. "C'est la tendance et il faut s'y plier. Je pense que d'ici 2 à 3 ans, nous n'aurons plus qu'un seul étage fumeurs."
Autre cas de figure au Florimond dans le VIIe arrondissement de Paris. 1 Bib au guide Michelin. Pascal Guillaumin est maître à bord depuis 10 ans. "Nous avons 30 places et avions séparé la salle comme nous le pouvions. Il y a quelque temps, la cohabitation entre fumeurs et non-fumeurs est devenue de plus en plus difficile…" Verdict ? Le Florimond devient totalement non-fumeurs. C'est précisé à l'entrée du restaurant et systématiquement par téléphone. "Nous n'avons pas eu de baisse de chiffre. Dans les quelques jours qui ont suivi, une vingtaine d'habitués ont préféré ne pas venir. Puis, le temps aidant, ils sont revenus." Contrairement au patron du Biniou, celui-ci ne pense pas souscrire au label parisien. "Je ne veux pas en faire un argument de vente. C'est mon histoire par rapport à ma clientèle et à mon établissement." zzz32
Sylvie Soubes

Label 'Ici, c'est 100 % sans tabac'
Synhorcat
4 rue de Gramont
75002 Paris
Tél. : 01 42 96 60 75 ou

direction de l'action sociale et de la santé
94-96 quai de la Râpée
75570 Paris Cedex 12

Les principaux arguments des auteurs du label

• Les études récentes mettent l'accent sur l'impact, en termes de santé publique, des conséquences du tabagisme, en particulier passif. Rappelons par ailleurs que le tabac est le premier polluant de l'air environnemental en milieu intérieur.
• En proposant ce label, la Ville de Paris s'appuie sur la base d'un volontariat et se montre, avant tout, respectueuse des choix de chaque établissement.
• La compréhension de la loi Evin sur le tabac a souvent fait l'objet de contresens. La crainte de devoir effectuer des travaux, comme l'obligation de réaliser une délimitation entre les espaces non-fumeurs et fumeurs en sont des exemples.
Ainsi, plus de 10 ans après la sortie du décret d'application de la loi Evin dans les CHR de Paris et d'Ile-de-France, on ne peut que constater un détournement, car en pratique, il est inapplicable.
• Une récente revue portant sur 97 études (1) a montré qu'il n'y avait pas d'effet négatif sur l'activité commerciale des établissements sans tabac, si ce n'est une augmentation de la durée de passage des clients, souvent associée à une augmentation de la consommation de boissons.
Une autre étude (2) de la Communauté européenne portant sur 5 pays (Finlande, Belgique, Espagne, Allemagne et France) conclut dans le même sens en distinguant même l'absence d'impact économique perçu et mesuré.

(1) BMJ Tobacco control ; 12 : 13-20 ; mars 2003
(2) "Non-smokers protection in restaurants and bars in Europe. A survey in five European countries". Caroline Rasson, Fares, Bruxelles, 2003.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2897 Hebdo 4 novembre 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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