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FORMATION

"Les états d'âme de Monsieur Cinotti"
JEAN-PIERRE DÉZAVELLE, chef de travaux, au lycée A. Dumas, école d'hôtellerie et du tourisme de Strasbourg-Illkirch.

"Une fois encore, les propos de Monsieur Cinotti publiés dans votre numéro 2799 du 12 décembre dernier, ne peuvent pas laisser indifférent. En premier lieu, Monsieur Cinotti fustige tout à la fois programmes d'enseignement et sujets d'examens. Sait-il que les programmes, inscrits dans les référentiels qui préparent aux différents niveaux de la formation, sont des textes officiels - arrêtés et décrets - rédigés par les membres de commissions spécialisées, composées à parité de représentants de la profession, de conseillers de l'enseignement technologique et d'enseignants ?
Les contenus des sujets d'examens sont critiquables, soit ; ils sont rédigés, eux aussi, en commissions composées d'enseignants et, habituellement, de représentants de la profession, sous le contrôle du corps d'inspection avec le souci d'appliquer les règlements. C'est le principe même de l'égalité des chances.
Lorsqu'on est soi-même fonctionnaire, ce sont des constantes élémentaires qu'il convient normalement de connaître et de respecter.

Motivation et passion
Pour avoir eu personnellement, l'an dernier, le bonheur d'être choisi par l'administration pour participer à un des premiers séminaires, organisé conjointement par Alain Ducasse Formation et le ministère de l'Education nationale, sous l'égide de l'Inspection générale et du Cerpet, j'ai retenu les points suivants : pour inciter les jeunes à se tourner vers une activité, il faut que leur choix soit motivé ; l'excellence est un des moteurs de la motivation, il contribue à faire naître la passion.
Chacun sait bien que 5 % à peine de nos élèves feront carrière dans l'hôtellerie et la restauration de luxe. Les pilotes de Formule 1, les grands footballeurs professionnels, les as du patinage artistique... sont peu nombreux et pourtant ! C'est l'image de leur passion et de leur réussite qui fait naître des vocations. Leur réussite, ne la doivent-ils pas, chacun dans sa spécialité, à la connaissance technique, au plus haut niveau et au travail permanent et acharné pour en maîtriser toutes les particularités ?  

S'il est vrai qu'aujourd'hui une des priorités est donnée à l'accueil et aux techniques de communication, ce n'est pas l'apanage des seuls métiers de la restauration. Ces exigences existent partout, par exemple dans les métiers de la banque où l'on demande aux employés des guichets de sérieuses qualités relationnelles, mais on exige d'eux qu'ils sachent aussi gérer des comptes ; imaginons également le cas d'un garagiste capable de discourir aimablement avec ses clients et qui ne saurait pas regarder sous le capot des voitures !  
Le discours de Monsieur Cinotti était peut-être de mise au siècle dernier. A l'époque, nous attendions la venue des pilules et autres succédanés censés remplacer notre nourriture traditionnelle. A l'époque, un grand groupe hôtelier international a tellement fait savoir que l'avenir du métier était dans les mains de nos élèves qui sauraient devenir des gestionnaires, que les programmes de formation se sont étoffés - ce qui n'est pas un mal en soi - avec l'enseignement renforcé des techniques de gestion. En même temps, les horaires hebdomadaires n'étant pas extensibles, ce sont les enseignements des gestes professionnels qui ont été repensés.

 

Aujourd'hui, au XXIe siècle, les dirigeants de ce même groupe parcourent la France et nos écoles hôtelières pour demander le renforcement des enseignements des techniques professionnelles, la création de formations de niveau V (CAP - BEP) et même des formations spécifiques de 'veilleurs de nuit' ; ils se font flatteurs - ou menaçants - pour que nous y affections nos élèves en stages.
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les restaurateurs se liguent pour que les pouvoirs publics leur reconnaissent des statuts d'artisans, fiers qu'ils sont de prouver qu'ils savent, toujours et encore, maîtriser les techniques professionnelles qui font la différence entre un restaurateur et un 'épicier' marchand de repas industriels.
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les candidats aux concours professionnels, de tous niveaux, organisés aussi bien dans les écoles que dans la profession, ont toujours la même soif de briller lors des épreuves techniques, dans toutes les spécialités de notre métier.
C'est peut-être là que réside l'ambiguïté du message que Monsieur Cinotti essaye de faire passer : sujets d'examens ou sujets de concours ? Sait-il que pour l'obtention des diplômes de niveau V, dans la validation des savoir-être et des savoir-faire, il n'est plus question d'examen, pas plus que de sujet ?
Aujourd'hui, au XXIe siècle, les candidats sont évalués selon des critères précis validés par les professionnels, au cours de séances normales de travaux pratiques, réalisées pour une part à l'école, pour l'autre dans l'entreprise.

Pour le baccalauréat technologique, les épreuves professionnelles sont tellement raccourcies qu'elles prennent le style d'une réalisation et d'un service 'brasserie', mais le temps est utilisé pour créer d'autres épreuves : communication orale ou écrite, argumentation, commentaires, comptes rendus d'activités professionnelles... sont les nouveaux thèmes donnant lieu à notation.
Les techniques traitées lors des épreuves du baccalauréat professionnel sont plus ardues, c'est vrai, mais elles correspondent au niveau des exigences fixées par la profession ; c'est plus vers la méthode d'organisation du travail et sur la conduite des commis que sont fixés les critères de notation.
Quant au BTS qui sanctionne parfois jusqu'à 6 années de formation dans nos écoles hôtelières (même d'avantage), si les évaluations des candidats de l'option A (mercatique et gestion hôtelière), pour la partie pratique, font la part belle aux prestations orales, les sujets conçus pour les candidats de l'option B (arts culinaires, arts de la table et du service) sont quand même en rapport avec le niveau de la formation.  

Dextérité enviée
Enfin, s'il est vrai que le débarrassage 'académique' de 6 assiettes à potage est aujourd'hui professionnellement suranné, il n'y a aucun mal à inculquer quelques principes fondamentaux de dextérité aux jeunes que nous avons en formation.
Actuellement, notre ministre de l'Education nationale, Monsieur Luc Ferry, entreprend un grand chantier. Avec ses collaborateurs, il souhaite redynamiser l'enseignement profes-
sionnel. C'est une de ses priorités. Nul doute que nos formations, avec leurs gestes techniques recopiés dans le monde entier - ah ! Les crêpes Suzette à Ho Chi Minh, la côte de bœuf tranchée sur l'os à Mexico, la sole meunière filetée dans les règles à Djerba, et le service en gants blancs... - ont encore un bel avenir.
En conclusion, je citerai un de nos anciens élèves, Pascal Muller (promotion 1983), directeur des opérations des hôtels IFA (pour l'Europe) : "Alors, pour tous les futurs diplômés qui sortiront de l'école hôtelière, je voudrais rappeler ceci : plus important que l'aspect théorique, plus dur encore que l'aspect pratique, nous avons à chaque instant le client qui juge la relation qualité/prix de notre prestation. Il possède le pouvoir d'assurer ou non la pérennité de l'entreprise. A nous de nous remettre quotidiennement en cause afin de satisfaire ses exigences". zzz68v

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L'Hôtellerie Restauration n° 2804 Hebdo 16 Janvier 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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