Le Vieux Logis à Trémolat (Dordogne)
La perte de son macaron n'aura été qu'un épisode dans la saga de ce Relais & Châteaux périgourdin. La stratégie lancée par son patron charismatique le positionne à nouveau dans la course aux étoiles.
76 ans, un moral non-affecté
et l'agressivité d'un bull-terrier. Bernard Giraudel, propriétaire à Trémolat (24) du
Vieux Logis, tire avec réalisme les conclusions de son éviction du Guide Michelin
en 1999. "13 ans de macaron, on s'endormait sur nos lauriers et sur notre
réussite, ce qui nous a valu l'extinction de notre bonne étoile, résume-t-il. Mais
un coup dur, ça abat ou ça fait rebondir." C'est dans le camp des seconds que
Bernard Giraudel a préféré se ranger. Si l'établissement perd en notoriété dès les
premiers mois, son activité n'est pas affectée. Paradoxe pour un lieu qui ne reçoit
pour l'essentiel que des clients étrangers qui ont fait du Guide Rouge le fil
conducteur de leur déplacement en France. "C'est mon affiliation aux Relais &
Châteaux qui m'a valu de ne pas perdre en fréquentation, car nous nous trouvions au
début de la haute saison." 2 ans plus tard, et quelques millions de francs
investis, Le Vieux Logis est plus que jamais un haut lieu de l'hospitalité périgourdine.
Son propriétaire n'a pas hésité à engager des réformes en profondeur, soutenues par
un plan stratégique d'ensemble basé sur les hommes et les idées.
"Pierre-Jean Duribreux est un grand chef, avec des qualités qui doivent continuer
à être valorisées. Mais les reproches du Michelin, en 1999, étaient justifiés,
et nous en avons tenu compte. Je n'allais cependant pas me séparer de son talent et de
son savoir-faire." Ce chef, (46 ans, nordique, avec un cursus prestigieux)
en place depuis 1985 au Vieux Logis, auteur de l'étoile au Michelin, s'est fait
souffler cette dernière - il le dit sans ambages - par "des certitudes trop
établies qui me faisaient croire invincible".
Un bistrot juste en face
Son employeur et ami a donc tranché dans le vif : changer l'homme, tout en lui confiant
une autre mission, réaménager l'outil, et monter quelque chose de neuf. Avec, en plus,
une restructuration complète du personnel d'encadrement afin d'introduire une nouvelle
dynamique dans l'affaire. Dans des bâtiments annexes lui appartenant, Bernard Giraudel a
donc ouvert 'son' bistrot, un restaurant aux allures de relais pour voyageurs, juste en
face de son prestigieux Logis. En cuisine, Pierre-Jean Duribreux est "heureux, car
dégagé de la pression constante attachée à sa précédente fonction". Au
Vieux Logis, Bernard Giraudel a voulu des cuisines refaites à neuf, où se sont essayés
différents chefs avant d'arriver à une sélection définitive, en mars dernier, avec la
nomination de Vincent Arnould, 31 ans. Avec, comme challenge imposé à ce dernier, la
reconquête à court terme de la distinction disparue. "Nous avons également
conforté notre état-major, révèle le propriétaire. Un sommelier, un maître
d'hôtel, un second et un directeur général, chargé de superviser la marche de
l'ensemble de l'établissement." Coche-Mari Agarrista, 62 ans, Basque d'origine,
issue du groupe Concorde, doit également participer à la reconquête de l'étoile
perdue.
Un nouveau ton
Les aménagements et changements de Bernard Giraudel, la remise en cause de son
institution ont eu un coût : 2 MF pour les cuisines, 450 kF - seulement - pour le bistrot
qui, en plus, s'est adjoint une boutique de produits locaux. Mais les affaires marchent :
16 MF au total pour 2000, dont 3,5 MF générés par le bistrot qui fait table pleine aux
deux services, 7j/7 : 70 repas servis chaque jour par 5 personnes à une clientèle à
forte dominante touristique, qui dépense en moyenne 146 F. Une clientèle qui fréquente
aussi le restaurant de Vincent Arnould : "J'ai eu carte blanche, affirme-t-il.
Je ne vais pas faire de la cuisine périgourdine parce que nous sommes en Périgord.
J'ai ma culture personnelle, construite avec Chibois à Grasse, au Petit Nice à
Marseille, au Prieuré en Avignon, au Jules César en Arles, je ne vais pas la changer.
Mais, sur des produits exclusivement locaux, je m'adapte : je marie parfois à
contre-nature et je compose."
Soutenu par une brigade d'une dizaine de personnes, ce chef qui ne se prend pas au
sérieux réinvente une carte locale où le foie gras est de ceux que l'on ne déguste
nulle part ailleurs, avec des assiettes aux allures de tableaux de Cézanne.
"On remonte, constate Bernard Giraudel, et l'on revient en force, comme le
prouve notre fréquentation (70 à 90 % en haute saison pour le taux d'occupation de
l'hôtel et 50 repas en moyenne par jour, à 600 F le ticket moyen)." zzz22v
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L'Hôtellerie n° 2740 Hebdo 18 Octobre 2001