Maladie de la vache folle
Principe de précaution ou règle de prudence élémentaire, la côte de buf pourrait être interdite s'il est prouvé qu'elle est susceptible de transmettre ce fameux prion découvert dans la maladie de la vache folle. Faut-il la condamner ou tenir coûte que coûte ? En attendant une éventuelle décision gouvernementale, c'est à chacun de décider s'il commercialise ou non le T-bone et la côte de buf.
Jean Glavany, notre ministre de l'Agriculture, déclare : "Il n'y a pas de pays au monde qui prenne plus de précaution que la France. Le risque zéro n'existe pas. On prend toutes les mesures pour minimiser ce risqu." Et pourtant, le quotidien Libération laisse entendre que la côte de buf pourrait être interdite parce que l'os pourrait transmettre des morceaux de moelle suspects, et quelques jours plus tard on attend toujours une déclaration pour clamer haut et fort qu'il ne faut plus la commercialiser, ou pour rassurer tout le monde, les professionnels comme les clients. Oui, les professionnels se sentent seuls et doivent décider sans aide aucune la position à adopter. "Il n'est pas question d'interdire la côte de buf dans notre pays", a ensuite ajouté Jean Glavany. On étudie fortement une nouvelle façon de la découper "au niveau de sa jonction avec la colonne vertébrale, c'est tout !". C'est tout ! Mais la psychose fait son chemin et les professionnels sentent bien que l'air devient lourd et les soupçons amènent à nouveau un début de panique.
"Nous avons immédiatement suspendu la commercialisation des viandes à l'os.
C'est une précaution normale et naturelle", dit Pierre Cassagne, directeur général
de la chaîne Hippopotamus.
Le destin joue parfois de mauvais tours. Au moment où Hippo lance une nouvelle
campagne de promotion ('Les soirées féeriques Hippo'), qui propose 30 % sur le T-bone,
voilà que les médias crient au loup et sèment le désordre. Résultat, chez Hippo, on
ne tergiverse pas : le produit est immédiatement rayé de la carte en attendant de plus
amples informations. Pour les clients, ce sera l'entrecôte qui remplacera le T-bone en
promo. Et puis, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Alors que la côte de
buf et le T-bone passent à la trappe, l'entrecôte bénéficie de l'aubaine et
attire les clients dépités. C'est ce qu'a remarqué dans ses restaurants le week-end
dernier, Pierre Cassagne, le grand patron de la chaîne à l'enseigne de l'hippopotame
malicieux. Comme par un réflexe originel, les clients passent naturellement à
l'entrecôte. Depuis vendredi dernier, on ne trouve plus de viande à l'os chez
Hippopotamus.
Le T-bone et la côte de buf n'ont plus droit de cité. "Je suis partisan
des principes de précaution, tout particulièrement par rapport à l'alimentaire. On est
là pour respecter nos clients. Dès que la presse en parle, on prend des précautions.
Nous avons donc immédiatement suspendu la commercialisation des viandes à l'os. C'est
une précaution normale et naturelle", déclare Pierre Cassagne. Ceci dit, il
tient à préciser que depuis 1992, la côte de buf servie chez Hippo est
détalonnée, ce qui techniquement empêcherait la transmission par les résidus de moelle
infectée présents sur l'os. Pendant tout le week-end, il a suivi de très près la
fréquentation et les choix de la clientèle unité par unité. Pas facile de supprimer
T-bones et côtes de buf qui représentent 8 % des ventes. Mais chez Hippo, on
affiche une belle sérénité : "Dans nos cartes, on trouve plus de 50 % de
produits autres que le buf. Nous avons deux poissons, deux porcs, trois poulets, de
l'agneau, des assiettes exotiques, de grandes salades... Toutes les cartes sont
suffisamment ouvertes pour tous ceux qui sont réticents par rapport au buf",
rappelle Pierre Cassagne. De fait, depuis le début de la crise de la vache folle, qui
avait sérieusement amputé les chiffres d'affaires des chaînes de steaks, les dirigeants
ont réagi. Par exemple, pour le steak haché, qui est aujourd'hui regardé lui aussi d'un
il soupçonneux, Hippo ne vend que du Limousin, et son steak tartare est lui
composé exclusivement de Charolais. Aujourd'hui, les cartes misent sur la diversification
et les conséquences de cette dernière péripétie semblent ne pas inquiéter
officiellement les chaînes en question.
"J'ai écouté M. Glavany sur France 3, qui a dit qu'il n'était pas question
d'interdire la côte de buf. Maintenant, on attend la décision des
scientifiques", précise Pierre Cassagne, qui n'entend prendre aucun risque, et
maintiendra la suspension des viandes à l'os tant qu'un doute subsistera.
Buffalo Grill augmente ses importations de viande de boeuf d'Amérique du Sud, sur
laquelle aucun soupçon ne pèse en matière de vache folle.
Le leader français de la viande grillée, Buffalo Grill, a pris la décision de bannir
T-bones et côtes de buf dès le 3 novembre. "On a décidé de devancer une
mesure qui allait sûrement arriver. Dès vendredi, on a informé nos unités par le Net
afin qu'elles arrêtent immédiatement la vente de T-bones et de côtes de buf",
indique Michel Kossossey, directeur marketing de Buffalo Grill. Pour la chaîne fondée et
dirigée par Christian Picart, côtes de buf et T-bones représentent 5 % des ventes
en moyenne.
Chez Buffalo Grill, on reconnaît que "l'on va peut-être souffrir quelques
semaines", mais "cette médiatisation peut avoir du bon en clarifiant les
choses et ainsi rassurer la clientèle". La chaîne rappelle qu'elle maîtrise
l'entière découpe de ses viandes grâce à son atelier Districoupe, "qu'elle
n'achète pas de viande dans les pays où il y a la vache folle", et qu'elle "n'importe
que des muscles d'Amérique du Sud".
Outre le retrait de la vente des viandes à l'os, plusieurs mesures viennent d'être
adoptées : le renforcement de la présence de la viande d'Amérique du Sud (dès la fin
de la semaine prochaine, cinq pièces de buf supplémentaires seront proposées à
la carte des restaurants parisiens pour commencer) avec la provenance clairement indiquée
sur la carte ; remplacement du traditionnel steak haché dans le menu enfant par un
morceau de filet. La chaîne affiche une "parfaite sérénité" et n'a
relevé aucune baisse d'activité dans ses 215 restaurants à la suite de cette affaire. "Cette
semaine sera déterminante", ajoute malgré tout Michel Kossossey. "C'est
une catastrophe pour l'ensemble de la profession, s'exclame le directeur marketing de
Buffalo Grill. Vivement qu'on interdise les farines animales. Les clients subissent une
avalanche d'informations catastrophiques et il est temps qu'on finisse de tout mélanger."
La Côte de Buf à Marseille est atteinte de plein fouet par les derniers remous médiatiques. Aussi, son propriétaire, M. Léonard, n'a pas hésité à monter au créneau et à défendre sa maison et son travail en investissant les médias. "Nous, on sait ce qu'on achète. Notre viande vient principalement de Bavière et on a confiance en notre produit. On ne voit pas pourquoi on ferait comme les grands groupes", déclare Philippe Moalic, chef de cuisine de La Côte de Buf. Dans ce restaurant marseillais, cela fait déjà plusieurs années que le T-bone a disparu de la carte parce que la qualité de viande n'était pas constante. Reste la côte de buf pour un ou pour deux qui est détalonnée depuis longtemps ("c'est plus sympa et plus esthétique") et à La Côte de Buf, on ne veut pas céder à la panique : "Tant qu'il n'y aura pas d'interdiction, on continue, dit avec force Philippe Moalic. On ne nourrirait pas nos enfants, nos familles et nous-mêmes avec notre buf si on n'avait pas confiance. Qu'on arrête les farines animales, qu'on respecte la chaîne alimentaire et soignons les gens malades !"
La Boucherie maintient les viandes à l'os
Les 19 restaurants La Boucherie tiennent bon le cap. Malgré une petite baisse de
fréquentation le week-end dernier, la chaîne propose toujours à la carte sa fameuse
côte de boeuf pour un ou pour deux
Dans les 19 restaurants La Boucherie, on trouve toujours des côtes de buf. "Sans
mesure gouvernementale, on ne bougera pas", dit Bertrand Baudaire, p.-d.g. de la
chaîne. La viande est détalonnée systématiquement depuis plus de quatre ans "pour
qu'elle soit plus moelleuse". Depuis une année maintenant, le détalonnage est
pratiqué dans un seul et unique atelier de découpe à Brive-la-Gaillarde. Le week-end
dernier, la déferlante médiatique a fait des dégâts. Si la côte de buf
représente 2 à 3 % des ventes, le drame c'est l'amalgame, et Bertrand Baudaire
reconnaît que la fréquentation n'a pas été terrible à la suite des soupçons
révélés sur la côte de buf. "Quand on fait peur à tout le monde, on est
touché. Mais je n'ai pas de crainte à moyen et long terme. Seulement, après un tel
tapage, il faut un certain temps pour ne plus avoir peur", dit le patron de La
Boucherie. Bertand Baudaire confirme l'ouverture de deux nouvelles unités d'ici la fin de
l'année à Agen et à Saint-Barthélémy, près d'Angers. "Dans les
établissements spécialisés, on maîtrise parfaitement notre approvisionnement. Les
clients ont peur de manger du steak, mais avalent des raviolis chez eux. Que trouve-t-on
dans la sauce bolognaise ? On ne se pose pas les bonnes questions", lance
Bertrand Baudaire.
N. Lemoine
Interdiction des farines animales"La France doit se préparer au retrait de l'alimentation des animaux d'élevage des farines carnées, mises en cause dans la transmission de la vache folle", a indiqué le ministre de l'Agriculture dimanche sur France 3. "Ni les parlementaires ni les scientifiques n'ont demandé le retrait total des farines animales. Les Anglais l'ont fait, les Suisses y songent et nous y songeons." L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) devrait prendre trois ou quatre mois pour décider de l'interdiction ou non des farines animales. Le délai semble bien long et de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer un moratoire. On notera la déclaration de Laurent Fabius : "Il faut aller très vite. Il y a suffisamment d'indices de danger pour ne pas perdre de temps." |
Le buf français boycotté
La France vend plus d'un quart de sa viande bovine à l'étranger. La Russie et la Hongrie (14 % des exportations) ont décidé de boycotter la production nationale. Les conservateurs anglais demandent à Tony Blair d'en faire autant. Petite revanche ? En tout cas, nos plus gros marchés sont l'Italie, la Grèce et l'Allemagne, et l'on craint d'ores et déjà qu'ils cèdent à leur tour à la panique.
La restauration scolaire dans l'il du cyclone La Société Normande de Restauration de Saint-Nicolas- d'Aliermont, en Seine-Maritime, qui confectionne 27 000 repas par jour, pour des cantines scolaires, supprime le buf de tous ses menus. Le maire de Castelnau-le-Lez, dans l'Hérault, a annoncé le retrait de la viande de buf de tous les restaurants scolaires de la commune : Avenance, gestion de la restauration scolaire de la ville, est donc prié de revoir ses copies. A Pont-Audemer, dans l'Eure, la viande de buf "sous quelque forme que ce soit" est désormais prohibée dans les assiettes des petits... Onze arrondissements sur les vingt que compte la capitale viennent de supprimer le buf, désormais absent des cantines scolaires. La liste des communes interdisant la viande de buf s'allonge d'heure en heure.
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La liste des MRS s'allonge
Les MRS ou Matériels à risque spécifiés sont toutes les parties des bovins et ovins
dans lesquelles se développent les prions. Pour l'alimentation humaine, ce sont :
* Pour tous les bovins de plus de 12 mois :
Cervelle, moelle épinière, amygdales, rate, thymus et intestins pour les animaux nés
avant 1991. La colonne vertébrale devient suspecte à cause de sa proximité avec la
mlle épinière.
* Pour les bovins de moins de 12 mois :
Rate, intestin grêle ainsi que thymus (ris) dans le courant de cette semaine.
Contrairement à ce que Libération affirmait la semaine dernière, la côte
de buf n'est pas encore interdite à la consommation et ne le sera peut-être pas.
Cette affirmation serait due à une interprétation un peu hâtive d'une note
ministérielle transmise aux professionnels de la viande, leur demandant d'étudier la
meilleure façon de travailler le train de côtes et la côte de buf afin d'éviter
tout risque éventuel. Le train de côtes et la côte de buf non détalonnés
conservent une partie de la colonne vertébrale qui renferme la moelle épinière. Or
celle-ci peut renfermer des prions.
Toujours en vertu du principe de précaution, l'Afssa étudie donc le risque lié à la
présence du talon, donc à la présence de restes éventuels de moelle épinière, sur
les trains de côtes et les côtes de buf. Une des solutions pourrait être
d'éliminer totalement la colonne vertébrale des trains de côtes. La présentation
traditionnelle de la côte de buf en serait alors modifiée. L'os en T ou T-bone
serait par contre exclu.
La côte de buf non détalonnée (photo a) présenterait un risque pour la santé. Une solution serait de la détalonner comme sur la photo b.
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L'HÔTELLERIE n° 2691 Hebdo 09 Novembre 2000