Joël Robuchon
C'est à Joël Robuchon que l'on doit le choix des thèmes du concours, volontairement dévoilés moins d'une semaine avant la finale strasbourgeoise. Explications et commentaires du président de la section cuisine du concours des Meilleurs ouvriers de France des métiers de la table.
L'Hôtellerie :
Comment justifiez-vous les thèmes choisis pour la finale ?
Joël Robuchon :
Pour l'épreuve éliminatoire, j'ai choisi des thèmes académiques mais assez
contemporains, permettant de reconnaître la maîtrise des candidats et leur technicité.
Pour l'épreuve finale, j'ai fait le choix d'un thème en phase avec son temps (caviar
pressé en entrée ; canard étouffé au sang, foie gras et navets en plat ; entremets aux
fraises en dessert), intégrant les techniques nouvelles et tenant compte de l'évolution
du goût et des présentations. Même s'il y a quelques contraintes, j'ai choisi trois
recettes libres avec des produits intéressants à traiter, permettant au candidat de
démontrer sa technique en autorisant l'innovation. Et j'ai pensé, même si ce n'est
peut-être pas très raisonnable, mettre les candidats au pied du mur en dévoilant les
thèmes moins d'une semaine avant la finale.
L'H. :
Cela entre totalement dans l'évolution d'un concours qui a totalement changé
depuis 1993...
J.R. :
Avec Paul Bocuse, nous nous sommes imposés des règles de totale transparence.
Lors du questionnaire à la Sorbonne, j'avais eu écho de certains mécontentements
vis-à-vis d'un questionnaire jugé trop facile. Or personne n'a réalisé un sans faute,
ce qui prouve aussi qu'il n'y avait pas eu de fuites. De même, certains se vantaient de
connaître le thème du concours à l'avance... mais ce n'était que de l'intox et je suis
heureux que L'Hôtellerie ait remis les choses au point. A Strasbourg, nous avons
placé en cuisine dix professionnels de très haut niveau qui se sont employés à bien
faire avec beaucoup de rigueur. Dès le début du concours, ni Paul Bocuse ni moi n'avons
accès aux cuisines. Il n'y a aucune passerelle. Je considère comme une évolution
positive de laisser la personnalité du candidat s'exprimer à travers son travail car il
faut être en phase avec son temps. J'ai vécu beaucoup de concours en France et à
l'étranger, aucun n'est aussi rigoureux et difficile que celui-ci.
L'H. :
Et sa finalité reste, malgré tout, de distinguer de bons professionnels...
J.R. :
Nous avons durci le concours et je vous assure qu'il n'a jamais été aussi
difficile que cette année. Le reflet de l'excellence du travail doit contribuer à donner
l'exemple. Un candidat lauréat à Strasbourg doit justifier son titre. C'est ensuite
qu'il devient MOF et prend valeur d'exemple.
L'H. :
Depuis 1993 vous retenez beaucoup de lauréats par sessions, ce qui fait grincer
les dents de certains...
J.R. :
En premier lieu nous tenons compte des notes. Chaque juré ne jugeait qu'une
recette et n'a donc pas un regard global sur le travail réalisé. S'il est vrai que très
peu de finalistes ont réussi une tâche exceptionnelle sur trois recettes, beaucoup de
candidats en ont réussi deux, avant de faiblir ou de manquer de temps. Nous étions au
maximum des difficultés et le jury avait déjà jugé ces mêmes candidats dignes de
devenir éventuellement MOF puisqu'il les avait sélectionnés pour disputer la finale.
S'il y a un fautif c'est moi, Joël Robuchon, d'avoir imposé un concours très difficile
et d'avoir peut-être voulu aller trop loin. Trop de lauréats ? Je demande simplement si
nous avons à rougir de ceux des deux dernières sessions ? De même, aurait-on à rougir
des 57 qui viennent de disputer la finale ou des 18 que nous avons finalement distingués
? Je pose simplement et d'autant plus librement ces questions que je ne suis pas membre
d'un jury qui est souverain.
Joël Robuchon, Roger Vergé et Paul Bocuse, les maîtres d'uvre du MOF
2000.
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L'HÔTELLERIE n° 2666 Hebdo 18 Mai 2000