Bagatelle
Chauvins, les Français étaient tous persuadés
que Yannick Alleno serait le dernier Bocuse d'Or du millénaire, digne héritier du
savoir-faire français, dans la lignée de ses prédécesseurs, J. Fréon, M. Roth et R.
Marcon. Autant dire que l'annonce des résultats suscita désappointement, étonnement,
voire dubitation chez certains.
Comment faut-il interpréter ces résultats ? Comment comprendre que sur les 7 Bocuse
d'Or, 3 seraient Scandinaves, une Luxembourgeoise et 3 Français ?
La gastronomie scandinave, personne n'en avait jamais entendu parler et pourtant Suédois
et Norvégiens remportaient les concours les plus prestigieux. Il fallait comprendre au
plus vite pourquoi. Que se passait-il dans le nord de l'Europe ? Quelle cuisine y
faisait-on ? Il fallait en avoir le cur net : les talents des chefs norvégiens, et
en particulier ceux de Terje Ness, étaient-ils, au sein de leurs établissements, à la
hauteur des notes obtenues pendant le Bocuse d'Or. Oslo est à 2 h 30 de Paris, rien de
plus facile que d'y aller : c'est ce que je fis.
Premier étonnement : les restaurateurs norvégiens de ce niveau ne sont ouverts que pour
le dîner. Autant dire que là-bas, au pays des fjords, on a ainsi trouvé une solution à
la réduction du temps de travail. Un seul service qui commence à 18 h et qui peut finir
très tard. Il y a encore du monde dans les restaurants à minuit. Les heures d'ouverture
pour certains d'ailleurs vont jusqu'à 3 h du matin. Pour le client, si c'est agréable le
soir, ce genre d'organisation l'est beaucoup moins pour le déjeuner.
Le restaurant où officie le tout nouveau Bocuse d'Or est facile à trouver : dans son
guide Europe, Michelin lui accorde 2 étoiles, une référence qui rassure. Un accueil
téléphonique agréable, en anglais (ça tombait bien parce qu'en norvégien j'aurais
été très maladroite), une réservation facile à faire. Bien situé dans le centre
d'Oslo, un cadre très agréable, le restaurant Bagatelle, à commencer par son nom, est
définitivement marqué par le savoir-faire français.
Très jolie carte, bien équilibrée entre les différents menus et les plats proposés.
Rédigée en 3 langues : norvégien, français et anglais, elle offre trois menus dont
l'intitulé est français là encore : le menu "Grande dame" à 1 250 couronnes
(environ 1 000 F) avec Mosaïque au foie gras et petits légumes, gelée au banyuls, un
Homard grillé à l'estragon et une farandole de desserts, le tout servi avec du champagne
"Grande dame" de Veuve Clicquot bien sûr. Un menu "Grande fête" à
850 couronnes (environ 700 F) et un autre bien nommé "Bonne humeur" à 750
couronnes (environ 600 F) sont proposés pour un minimum de deux couverts, ce sont de
très beaux menus dégustation. A la carte, quelques belles préparations, citons les
Queues de langoustines grillées au beurre de gimgembre, la Galette de coquilles
saint-jacques et tarte friande à la tomate, sauce acidulée, l'Escalope de saumon
légèrement fumée au caviar et coulis de persil, les Goujonnettes de sole aux moules
pâtes fraîches au pistou, le Turbot royal grillé, jus tranché. Dans l'assiette, de
très belles présentations, particulièrement au dessert. Beau service, belle table.
Bagatelle a tout d'une grande maison, grande maison où la France présente le meilleur
d'elle-même, très beau chariot de fromages français, une carte des vins remarquable (95
% de vins français là encore), le champagne à l'honneur avec le salmanazar de Mumm
Cordon Rouge posé à côté du Bocuse d'Or sur le bar, et surtout une mention spéciale
pour la fabuleuse carte d'armagnacs dont le plus vieux millésime est de 1890.
Autant dire que cette visite ne pouvait que confirmer les résultats du Bocuse d'Or. La
Norvège a de bons produits et des chefs passionnés qui aiment à faire leurs classes en
France. Ne sont-ils pas ainsi les meilleurs ambassadeurs de la cuisine française ?
PAF
Le restaurant Bagatelle sous la neige bien sûr.
Le Bocuse d'Or trône sur le comptoir aux côtés du salmanazar de Mumm devant quelques
collections d'armaganacs.
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Yannick Alleno, argent... contentBien sûr, il rêvait d'imiter Jacky Fréon, Michel Roth et Régis Marcon en montant sur la plus haute marche du podium. Mais le Français Yannick Alleno a su savourer son plaisir en remportant la deuxième place d'un concours mondial de haut niveau ! « Je dois savoir faire abstraction des résultats qu'ont obtenu avant moi les
autres Français. L'essentiel est de donner le meilleur de moi-même car, à partir d'un
certain moment, il faut arrêter de se poser des questions et taper dans la balle (sic).
»
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Le Cordon Rouge des vainqueursPartenaire officiel du Bocuse d'Or 1999, le champagne Mumm a tenu à récompenser les vainqueurs du prestigieux prix culinaire. Alain Angenost, directeur des relations extérieures de Mumm, a eu le plaisir de remettre un salmanazar de Cordon Rouge à Terje Ness, Bocuse d'Or 1999, un mathusalem à Yannick Alleno, Bocuse d'Argent, et un magnum à Ferdy Debecker, Bocuse de bronze. |
L'HÔTELLERIE n° 2599 Hebdo 4 Février 1999