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du 2 février 2006
SUCCÈS

Vrai tempérament, cette femme de 'combat' a défié les traditions dans un pays où, pourtant, elles sont aujourd'hui encore pesantes. Le tout pour la bonne cause. Puisque dans sa maison - charmant hôtel de luxe baptisé Le Maquis - elle accueille des clients venus du monde entier et leur fait découvrir les délices de l'île de beauté.
Claire Cosson

KETTY SALINI, PROPRIÉTAIRE DU MAQUIS À PORTICCIO

La Dame de Corse

On prend les paris ? À peine aurez-vous feuilleté la dernière page de la brochure du Maquis - élégant 4 étoiles luxe niché au creux d'une crique de sable blanc, à quelques enjambées d'Ajaccio - que vous vous précipiterez au début pour tout reprendre à zéro. Histoire de comprendre comment il est encore possible, aujourd'hui, que vous n'ayez toujours pas découvert ce petit coin de paradis. Il n'y a pas toutefois que cette demeure raffinée, d'où l'on devine les 'îles Sanguinaires' sous le soleil couchant, s'enivre de parfums de mimosa, de thym et d'eucalyptus tout en se régalant d'une cuisine régionale fraîche à souhait, qui vaut le détour.
Tout aussi intéressant, voire même -disons le franchement - passionnant, est de rencontrer la propriétaire de cette charmante maison, Catherine Salini. Ketty, pour les intimes. Tempérament de feu avec un cÏur gros comme ça, ce petit bout de femme vous interpelle d'emblée. D'abord par ces fameux coups de gueule, évidemment. Du pain béni pour un journaliste. Surtout lorsque l'intéressée lance, 'guerrière' : "Rien n'a été fait pour le tourisme corse ! Voilà 50 ans que je me bats pour attirer des clients haut de gamme, mais les hôtels ne se suffisent pas à eux-mêmes. Il faut qu'il y ait aussi un environnement digne de ce nom avec des pistes de randonnée balisées, des golfs… Ce n'est hélas pas toujours le cas sur l'île de beauté." Et de surenchérir : "C'est dommage, parce que nous disposons pourtant ici de tous les éléments naturels pour inviter nos clients au rêve. Des plages totalement vierges, une mer envoûtante, des montagnes sauvages… et un maquis sublime." Autre aspect attachant de ce personnage haut en couleur qui retient également très vite l'attention : sa connaissance quasi 'biblique' du monde de l'hôtellerie de luxe et de la gastronomie. Y compris ses dernières nouveautés.

"Chaque invité se sent comme chez moi"
"Dans notre métier, se tenir informé est indispensable. D'autant que certains de nos clients fréquentent la terre entière et tous les lieux inédits", argue-t-elle d'un air sérieux. Et d'ajouter avec un brin d'humour : "J'avoue que j'ai aussi un petit côté midinette, j'aime ce qui brille !" Une midinette qui pourrait néanmoins donner des leçons à bon nombre de ses confrères tant dans les domaines politique que littéraire ou bien encore dans celui des divertissements. Et pour cause ! Comme le dit souvent cette femme d'instinct, elle "a reçu tous les grands de ce monde".
De Philippe Léotard à Nicolas Sarkozy en passant par Valérie Giscard d'Estaing, mais aussi Jack Lang, Jean-Pierre Raffarin, Milan Kundera, Trémois, Karl Zéro, Lætitia Casta…, un nombre incalculable de personnalités a séjourné au Maquis. Certaines y reviennent depuis des lustres, sans jamais manquer une seule année.
À croire que la formule préférée de la maîtres
se des lieux constitue son véritable secret de fabrication : "Chaque invité se sent comme chez moi." Assurément, il y a du vrai là-dedans. D'ailleurs, quand Ketty arrive dans l'hôtel, éternellement tirée à 4 épingles - pantalon de smoking noir et chemisier blanc -, tous les yeux convergent vers elle : "C'est Ketty !" S'ensuivent des embrassades et autres signes amicaux qui en disent long sur ce que cette Corse d'origine représente aujourd'hui, toutes générations confondues. "Cette femme est formidable ! Elle a compris que le luxe ne rimait pas avec ostentatoire, mais simplicité et générosité. Moi, sincèrement, je l'adore", confie Philippe LebÏuf, ancien directeur général des hôtels Concorde. "L'envie de faire plaisir l'anime à tout moment. C'est suffisamment rare de nos jours pour que ça en devienne touchant", commente une cliente fidèle parmi les fidèles. "On ne peut demeurer insensible à cette femme chaleureuse, et à ce qu'elle a entrepris", précise Sylvain Ercoli, directeur général de l'Hôtel Martinez à Cannes.

"Pour Le Maquis, je remuerais ciel et terre"
De fait, cette fille d'institutrice, née en 1928 à Ajaccio, en a sacrément parcouru du chemin. À 77 printemps, la voici à la tête de l'un des hôtels les plus prestigieux de l'île de beauté. Une structure hôtelière de renommée internationale -comprenant 27 chambres dont 5 junior-suites, appartements ou suites avec vue sur la mer et terrasses ou balcon privés pour la plupart - qui porte haut et fort les couleurs de la chaîne Leading Small Hotels of the World (ainsi que celle de Châteaux et Hôtels de France), et qui figure parmi le club très fermé des agences américaines Virtuoso. Le tout en réalisant des performances économiques plutôt satisfaisantes. La preuve. Le Maquis affiche un taux d'occupation moyen annuel situé aux environs de 75 %, sert quelque 30 000 couverts par an, et génère un chiffre d'affaires global avoisinant les 4,6 ME.
Des scores assez honnêtes en ces temps de morosité ambiante. D'autant plus que l'entreprise - qui emploie 35 permanents - affronte les aléas 'saisonniers' de la destination. Qu'à cela ne tienne ! Ketty n'est pas du genre à reculer devant les obstacles. Ses clients veulent venir toute l'année, alors Le Maquis les accueille 12 mois sur 12. Au prix de quelques sacrifices, bien sûr. Mais quand on aime, on ne compte pas ! "Pour Le Maquis, je remuerais ciel et terre", lâche notre protagoniste, les yeux noirs brouillés de larmes.
Défier, bouleverser les traditions dans un pays régi par des coutumes pesantes où autrefois être une femme était un combat, tel est l'exploit que Ketty a en vérité réalisé pour parvenir à bâtir ce petit 'paradis'. La voilà d'ailleurs qui se lève et d'un geste sec allume une cigarette lorsqu'on lui demande d'évoquer le passé. Apparemment, il y a eu des moments épiques
pour 'prendre' Le Maquis.


27 chambres dont 5 junior-suites, appartements ou suites avec vue sur la mer et terrasses ou balcon privés.

Un bar dans la salle de classe de sa mère
À commencer par le jour où Ketty décide, contre l'avis de sa mère, de ne pas devenir, comme elle, institutrice. Pour dire vrai, son destin se scelle à Paris, la veille de son bac philo, en 1945. "Pour gagner un peu d'argent, je travaillais dans un bar qui s'appelait Le Maquis, dans le Quartier latin. Avec des amis, nous refaisions le monde et inventions notre avenir. Quelqu'un m'a demandé ce que je comptais faire plus tard. J'ai répliqué avec insolence, un bar pourquoi ?", se rappelle Catherine Salini. Et contre vents et marées, voilà notre protagoniste, quelques mois plus tard, mariée et installée aux commandes de, devinez quoi ? D'un petit bar. Pas n'importe lequel. Moyennant une mise de fonds de 12 000 francs, Ketty accueille ses premiers convives dans la salle de classe de sa mère, rebaptisée Le Maquis. Une initiative plutôt gonflée pour l'époque. Qui plus est pour une femme ! Naturellement, moqueries de tout genre et sourires hypocrites fleuriront longtemps sur son passage. "Il est vrai que j'étais un peu dérangeante", confesse Ketty.

Envie de grandeur et de perfection
Rien ne stoppera néanmoins cette 'battante', qui déjà avait en poche un permis de conduire poids lourd, et aurait soulevé des montagnes pour parvenir à ses fins. Ketty, donc, avance. Rapidement, le bar se transforme en restaurant, fort apprécié. Et puis, une idée lui trotte chaque jour davantage dans la tête : construire un hôtel. "J'en avais toujours rêvé. Lors de mes études à Paris, je ne traînais pas à Saint-Germain. J'allais au Plaza Athénée, l'un de mes palaces préférés", raconte la propriétaire du Maquis.
Une première bâtisse, toute simple, va alors voir le jour dans le jardin potager de son grand-père, face à la Grande Bleue. "J'étais fière de moi. Mon projet avait convaincu le Crédit Hôtelier. Résultat : l'organisme m'avait prêté 10 000 francs à l'époque", se souvient Ketty. La date de l'ouverture de l'hôtel approche à grands pas, quand en janvier 1952, 3 jours après avoir accouché de sa fille Chantal, un incendie accidentel ravage ledit établissement.
Une épreuve qui aurait découragé même les plus vaillants. N'empêche. 4 ans plus tard, Ketty inaugure une nouvelle petite maison, dotée de huit chambres et d'un restaurant. En 1960, elle retourne dans la capitale et y crée une nouvelle adresse gourmande, en face de la Maison de la Radio. L'affaire marche du feu de Dieu. Jusqu'au jour où, en 1968, Ketty décide de faire 'sa révolution'. Désormais, elle veut concentrer ses efforts sur son hôtel corse.
Une nouvelle bataille s'engage. Parce que Ketty a "des envies de grandeur et de perfection". Considérant que "l'hôtellerie est un métier qui s'apprend", cette femme-ci s'impose un 'tour de France' chez les plus grands. Elle traverse en
outre l'Atlantique pour suivre des cours à Cornell. Résultat : petit à petit, à force d'un travail acharné et de très lourds investissements, Le Maquis obtient son classement en 4 étoiles luxe. Privilégiant la qualité ainsi que la tranquillité de ses hôtes, l'établissement se mue au fil du temps en une chevauchée de voûtes, de toits et de terrasses où l'on peut vivre sans être vu. L'ensemble a été redessiné par le célèbre architecte Georges Grateau, à l'origine de la Madrague, la villa de BB à Saint-Tropez.


Une des deux piscines du Maquis : décoration signée par l'artiste peintre Marie Lenoir.

Esprit de famille
À noter également la présence de deux piscines, dont une intérieure décorée par l'artiste peintre Marie Lenoir. Sans oublier le terrain de tennis, une suite de 150 m2 avec vue à 380 ° sur les îles Sanguinaires, le restaurant L'Arbousier - dirigé par deux hommes inoubliables, les frères Amaro - qui surplombe la mer, des jardins luxuriants… Ajoutons à cela une décoration très personnalisée, conçue à partir de meubles chinés un peu partout, de tableaux de maîtres devenus amis, et d'objets rares. Et voilà, une véritable 'maison de famille', en somme ! Il n'y a d'ailleurs pas que les clients qui s'y sentent bien.
En témoigne la présence de nombreux membres de la lignée Salini dans l'enceinte du Maquis. Sa fille aînée, Chantal, règne ainsi avec rigueur sur la partie hébergement tandis que son fils, Gérard Lorenzoni, a pris en main les fourneaux (secondé par Thierry Merlot). Perle, la plus jeune de ses enfants, assurera la gestion. Côté petits-enfants, Sandrina tient ainsi les rênes de la réception et Lydia gère le restaurant L'Arbousier.
À cette fidélité familiale qui n'est pas sans provoquer parfois quelques heurts, s'ajoute celle du personnel. "Nous sommes depuis 28 ans dans cette maison. Jamais, nous n'avons eu envie de partir. Simplement parce que Madame Salini nous a fait confiance en nous intéressant à la bonne marche de l'affaire, nous a formés et tout donné", reconnaissent ainsi à l'unisson Antoine et Georges Amoro. Et Ketty de préciser : "Je dois également beaucoup à ces deux garçons-là." En attendant, tout ce joli petit monde va encore devoir donner au cours des prochains mois.
Ketty a en effet un autre rêve : agrandir son restaurant. Le plan, elle l'a déjà en tête. L'agencement de la salle aussi. "L'hôtellerie-restauration, c'est une remise en question perpétuelle", martèle Catherine Salini. En clair, le repos de cette 'guerrière' n'est pas encore pour demain ! n zzz22v zzz36v zzz18p

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