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du 25 janvier 2007
VIE PROFESSIONNELLE

À LA FOIS INTÉRÊT ÉCONOMIQUE ET ACTE DE CIVISME

POUR DIDIER CHENET ET ALAIN CONDY, LA PROFESSION DOIT S'APPROPRIER LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Didier Chenet, président du Synhorcat, évoque avec Alain Condy, propriétaire du Regent's Garden à Paris (XVIIe), hôtel certifié Ecolabel, le développement durable. Pour eux, la profession peut montrer l'exemple.
Propos recueillis par Sylvie Soubes

Alain Condy : Ecolabel* est un label européen qui porte sur l'environnemental, la consommation d'énergie, le traitement des déchets. On commence par un état des lieux. Nous nous sommes donné des objectifs sur 2 ans. Il faut toujours prendre en compte la réalité du terrain et cela demande une responsabilisation du personnel. L'idée, baisser de 15 % tout ce qui touche aux dépenses d'énergie : ampoules, consommation d'électricité, papier et fourniture de matériel, machines de classe A… Nous devons faire en sorte qu'il n'y ait pas de déperdition de chaleur ni d'énergie. Cela passe par une organisation des moyens, un tableau de suivi et des procédures à mettre en place. Il faut être pertinent, car on ne peut pas tout traiter à la fois. Nous avons mis en place 3 types de sacs pour traiter les déchets, par exemple. Mais avant d'instaurer le principe, nous avons dû savoir ce qu'on jetait et combien on jetait. Cela demande bien sûr une responsabilisation du personnel. Ceci peut être aussi un atout supplémentaire pour notre secteur d'activité. Participer au développement durable, c'est être en adéquation avec les générations qui arrivent.

Didier Chenet : Les jeunes ne se projettent plus du tout dans l'avenir comme nous le faisions, et sont conscients des choses qui dérapent. Pour que le développement durable entre dans l'entreprise, il faut qu'il y ait une volonté de la part des dirigeants et une prise de conscience collective. Nous ne pouvons pas laisser aux générations futures une planète saccagée. Les acteurs du tourisme dans les pays défavorisés doivent le développer de manière judicieuse. Faire en sorte que les installations soient raisonnées.

A. C. : Effectivement, agir sur l'acte sociétal, c'est aussi agir sur le sous-développement, l'émergence. On va devoir montrer le chemin.

D. C. : Au niveau de l'Hotrec, nous entendons beaucoup parler de développement durable. Il y a d'abord eu le commerce équitable. Je crois que ces notions sont entrées dans les esprits.

A. C. : Le commerce équitable a montré la voie en partant d'une autre logique économique, qui n'est pas capitalistique. Acheter non pas en fonction de l'offre et de la demande, mais prendre en compte la réalité des coûts. C'est un cercle vertueux qui offre de nouvelles possibilités. Ici, dans l'hôtel, nous sommes commerce équitable.

D. C. : Malheureusement, dans l'hôtellerie et la restauration, cela reste marginal.

A. C : J'aimerais que des restaurants deviennent commerce équitable. Ça peut bouger très vite. Les gens le considèrent comme un créneau commercial et de conscience. Aujourd'hui, je suis obligé de faire pression sur mes fournisseurs pour obtenir des produits équitables ou qui s'inscrivent dans le durable. Mais parce qu'on est un élément d'une chaîne, on peut agir en amont et en aval. Vous savez, c'est aussi très positif pour le management. On doit travailler par anticipation, et cela vous positionne différemment. Quand vous vendez de l'hôtellerie, ce n'est plus seulement un lit qu'on vend. Le client doit être intéressé par la prestation et être informé du projet développé. Le problème est comment le faire savoir. Dans l'hôtel, nous avons mis des plaquettes et des chevalets. C'est bon aussi au niveau des ressources humaines parce qu'on développe alors une culture d'entreprise. On est tous solidaires, et ceux qui n'ont pas beaucoup de formation sont valorisés dans leur participation. Faire du développement durable, c'est un intérêt compris qui s'inscrit dans une logique économique.

D. C. : Si dans le tourisme on ne fait pas quelque chose, c'est tout un pan économique qui va s'effondrer. Les problèmes climatiques nous concernent. Je ne crois pas que les canons à neige, par exemple, soient la bonne solution. Ils détériorent le sol. Plutôt que de s'attaquer au mal, on a cherché un palliatif. La bonne question, c'est qu'est-ce qu'on va faire ?

A. C. : On n'a pas beaucoup de temps devant nous.

D. C. : On parle de 2030, c'est demain.

A. C. : J'aime bien parler de grille de lecture quand je parle du développement durable. Montrer l'exemple, y aller, c'est d'ailleurs le rôle du Synhorcat. Il y a 2 ans, au congrès Best Western, des chiffres intéressants étaient projetés. La clientèle était prête à payer 5 à 6 % plus cher si, justement, l'hôtel était reconnu éthique et socialement responsable. En devenant Ecolabel, j'ai aussi voulu montrer l'intérêt et la faisabilité du projet aux yeux de mes collègues hôteliers.

D. C. : Pendant des années, on a multiplié les sacs plastique et maintenant on revient aux cabas. Je crois qu'on sous-estime la capacité de prise de responsabilité des êtres humains. En ce qui concerne le tabac, ce sera la même chose, ça participe à un mouvement. La problématique, c'est de sauter le pas, et je suis persuadé que les Français vont bien réagir. Le comble a été dans le train, quand les fumeurs prenaient des places en non-fumeur et allaient fumer dans le wagon fumeur. C'est vrai que dans le passé, tout ce qui était écolo avait souvent une connotation farfelue. Tout ça n'est plus vrai. Dans le cadre de nos métiers, ça peut avancer très vite si l'on montre le chemin. En restauration, il y a toutefois une confusion entre le durable, le commerce équitable et le bio. C'est à nous de faire passer le message afin d'arriver à quelque chose de cohérent. Le bio en restauration, ça reste des produits chers, de luxe, et cela s'adresse à une minorité. Je suis toutefois persuadé que le bio peut sauver le vignoble français, parce que les amateurs de vins seront d'accord pour acheter plus cher un beau produit. Nicolas Hulot l'a bien dit, le durable est un sujet transversal, et ne doit pas être un ministère à côté d'un autre. Il doit être présent dans tous les ministères.

A. C. : On ne doit pas être fanatique, mais être d'abord citoyen et penser à la collectivité. L'acte de consommer est un acte politique. Devenir consommateur responsable, c'est commencer par se renseigner sur les origines du produit qu'on achète. Plus largement, nous comparons les richesses d'un pays à son taux de croissance. A-t-on raison de résumer la richesse et la puissance d'un pays en termes de croissance économique ?

D. C. : Les mentalités évoluent. Quand on regarde le classement des villes de France où il fait bon vivre, savoir si les jobs sont mieux payés n'est pas parmi les premiers critères. Les gens privilégient la santé, l'environnement, l'éducation. Je crois qu'en matière de durable, on est passé du stade de la générosité au concret. Les grands groupes s'en emparent. La nouvelle tour de La Défense sera construite dans cet esprit, avec, je crois, le principe d'éolienne sur le toit. Unibail est pourtant bien connue pour son aspect capitalistique.

A. C. : Le durable n'est pas ringard. Je le répète, cela demande de l'anticipation. La formation est dans l'axe du développement durable parce que c'est un investissement d'avenir. On ne s'inscrit pas dans l'éphémère. Quand on ne connaît pas quelque chose, ça fait toujours un peu peur. S'y mettre, cela demande une remise en cause, et il faut accepter de travailler avec d'autres. Mais c'est rentable. Et je le dis en bon Aveyronnais.

D. C. : L'important, c'est de limiter les certifications à quelques formules parfaitement ciblées, et qui apportent aux consommateurs. Il faut des critères accessibles et simples. Plus un certificat est clair, plus il engage la responsabilité du bénéficiaire. Il faut que le client puisse vérifier la promesse qu'on lui fait.

* Ecolabel est la certification écologique officielle européenne, gérée et délivrée par l'Afaq-Afnor. L'hôtel d'Alain Condy est le 1er Best Western à obtenir cette certification. zzz52

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L'Hôtellerie Restauration n° 3013 Hebdo 25 janvier 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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