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du 17 novembre 2005
RESTAURATION

Complément d'article 2951p8

"Que pensez-vous de l’entrée en apprentissage à 14 ans ?"

Pour les professeurs

Andr--Boratto-DF.jpg (2646 octets)André Boratto, professeur de restaurant au CFA du lycée hôtelier de Marseille (13)
"Je suis très sceptique sur cette opération. Elle me paraît plus politique que mûrement réfléchie. Mettre en place un préapprentissage à 15 ans, pourquoi pas. Mais, 14 ans, c’est trop tôt. D’abord parce que le CAP est de plus en plus difficile et le public concerné de moins en moins réceptif aux matières dites intellectuelles. Ensuite, on peut se demander si un jeune a vraiment fait son choix à 14 ans. Pour 10 % d’élèves qui ont choisi cette formation parce qu’ils ont la foi, 40 % sont poussés par leurs parents, 50 % parce qu’il faut bien faire quelque chose et que leur salaire, aussi minime soit-il, est le seul revenu du travail entrant dans leur famille. Autre question, en combien de temps ferait-on le CAP ?"
D. F.-N. zzz68p zzz68o

Christian Emiliani, directeur de Prom’Hôte Irfotel Bourgogne à Rully (71)
"Il vaut toujours mieux faire entrer des jeunes dans une filière professionnelle que de les laisser traîner à l’école. Il n’est pas bon pour un adolescent de s’enfermer dans les mauvaises notes, l’échec scolaire et le rejet de ses professeurs. Je pense qu’à 14 ans, on peut être ouvert à certaines matières tournées vers un métier, à condition qu’il plaise. Toutefois, je pense que c’est un peu jeune pour entrer dans la vie professionnelle ; 15 ans me semblent plus recommandés."
JBP

Jean Thysse, responsable du CFA de Metz (57)
"Cette réforme est une bonne idée à condition que les jeunes qui entrent en apprentissage à 14 ans sachent assez précisément ce qu’ils veulent faire comme métier. Si c’est pour débarrasser les collèges de leurs éléments les plus difficiles, ce n’est pas la peine." Comme bon nombre des enseignants du CFA Raymond-Mondon de Metz-Bellecroix, Jean Thysse, le responsable dudit CFA, a une position claire sur la question. "J’ai souvent l’occasion d’évoquer le parcours de jeunes gens de 16 ans en conseil de classe. Je constate que beaucoup d’entre eux étaient de mauvais élèves au collège et trouvent un épanouissement chez nous parce qu’ils y trouvent une voie qui leur convient. Dans ces conditions, l’apprentissage à 14 ans me semble une bonne réforme. Mais il faut instaurer certaines limites d’emblée. Tout d’abord, prévoir des classes de 16 ou 18 élèves. Au-delà, ce serait voué à l’échec. Ensuite, il faudrait ne pas surcharger les jeunes chez leur maître d’apprentissage. C’est-à-dire leur proposer des horaires corrects, en phase avec leur jeune âge. Si c’est pour les faire travailler jusqu’à 22 heures, je pense que beaucoup seront rapidement démotivés."
JBP

F-Michaux--BD.jpg (4209 octets)Fabrice Michaux, professeur de cuisine au lycée hôtelier de Talence et chef durant ses vacances (33)
"Cela peut permettre une meilleure intégration du jeune dans l’entreprise, un retour aux valeurs du travail manuel. Il y aurait une demande au moment où on recherche un vrai savoir-faire technique. On nous reproche tant de trop intellectualiser la cuisine. Maintenant 14 ans n’est-ce pas trop jeune ? Est-on capable de raisonner, de prendre des décisions, d’être responsable, de répondre à un rythme de travail ? Et qu’en sera t-il de la rémunération ? La responsabilité du maître de stage sera inévitablement plus lourde.
B. D.

dossantos-PBo.jpg (3814 octets)Dominique Dos Santos, chef de travaux au LP François Rabelais de Brassac-les-Mines (63)
"J’imagine assez mal un jeune de 14 ans en entreprise. Ceux que nous recevons ici pour préparer le CAP ont 15 ou 16 ans. Ils sortent de 3e. Mais à 15 ans, ils sont encore jeunes de mentalité. Et quand nous les envoyons en stage en entreprise, c’est pour prendre contact avec le monde du travail. C’est de la découverte. Alors pour réaliser des tâches concrètes, c’est encore des gamins. Cette mesure sent l’esbroufe."
P. B.

jm-manaud-PBo.jpg (3729 octets)Jean-Michel Manaud, professeur de pâtisserie chocolaterie au lycée professionnel François Rabelais de Brassac-les-Mines (63) "À 14 ans, il ne peut s’agir que de découverte de la vie professionnelle. La pâtisserie, c’est beaucoup de rigueur. Ils ne sont pas encore assez mûrs."
P. B.

Pour les professionnel

Thierry Bayot, chef de la Réserve, Sofitel Palm Beach à Marseille (13)
"14 ans, c’est trop tôt. Les métiers de la restauration sont durs et les jeunes ne sont déjà pas mûrs à 16 ans. À 14 ans, ce sera pire. Et puis, pour les maîtres d’apprentissage, prendre un apprenti qui a 14 ans cela demandera beaucoup de temps pour s’en occuper. Je serais plus favorable à un stage de quelques semaines qui permettrait aux jeunes de faire connaissance du métier plutôt qu’à une orientation trop précoce."
D. F.-N.

montaron--SH.jpg (4010 octets)Jean-Pierre Montaron, hôtel-restaurant Le Terminus à Arnay-le-Duc (21)
"J’ai vécu moi-même le problème : je m’ennuyais à l’école et ma seule envie était de partir apprendre le métier qui me plaisait. Je pense donc que certains jeunes de 14 ans seraient mieux en apprentissage qu’à stagner dans l’enseignement général. C’est pourquoi je suis favorable à cette mesure. Mais si elle entre en vigueur, il faut que les patrons s’adaptent : des apprentis plus jeunes demandent plus de psychologie et doivent travailler moins d’heures. Il est indispensable aussi de leur donner un minimum de connaissances générales : on s’en rend compte quand on voit que des apprentis de 16-17 ans sont incapables de faire une division."
Sensimédia

Jean-Claude Lamaze, chef du Pampre d’Or à Metz (57)
"Complètement pour. Plus on prend les jeunes tôt, plus ils sont malléables et réceptifs à notre discours." Ayant lui-même suivi un apprentissage dès l’âge de 14 ans, Jean-Claude Lamaze, chef du Pampre d’Or à Metz depuis 8 ans, sait de quoi il parle. "Aujourd’hui, le problème, c’est qu’on recrute des jeunes de 20 ans qui sortent d’écoles hôtelières et qui ne connaissent rien aux réalités du métier", plaide ce chef étoilé depuis 15 ans. Dans son restaurant réputé situé au pied de la cathédrale de Metz, Jean-Claude Lamaze accueille actuellement deux apprentis. "Pendant une période, j’avais arrêté d’en prendre car j’avais été déçu par le niveau de certains. Avec cette réforme, je serai plus enclin à en accueillir, c’est sûr.
JBP

Eric-Mariottat-BD.jpg (3474 octets)Éric Mariottat, chef étoilé Michelin et propriétaire du restaurant Mariottat à Agen (47)
"L’Éducation nationale nous demande de tout faire. Personnellement je suis entrée en apprentissage à 15 ans. À mon avis, 14 ans c’est trop jeune. On n’est pas prêt. Physiquement c’est un métier difficile. En outre, à 14 ans, on ne dispose pas de l’éducation de base nécessaire pour évoluer. On les voit déjà arriver à 16 ans, ils ne savent ni mesurer, ni compter. Ils ont du mal à comprendre ce qu’on leur demande. À 15 ans, ce serait mieux. Personnellement j’ai conseillé un enfant de 14 ans, passionné par la cuisine, de pousser jusqu’en 3e alors que ses profs voulaient le placer en apprentissage. Dès lors qu’il a su que je le prenais chez moi après sa 3e il est devenu bon en classe. L’an prochain je vais avoir un jeune qui aura un niveau d’instruction satisfaisant et qui sera, je le sais, un excellent apprenti et futur professionnel. Le problème, c’est que l’Éducation nationale veut se débarrasser de certains élèves et demande à l’entreprise de tout faire. Il faudrait vraiment se mettre tous autour d’une table pour aborder le sujet."
B. D.

D-Lasserre-BD.jpg (3527 octets)Didier Lasserre, professeur de techniques de service et accueil, au lycée de Talence, demi-finaliste MOF en 2000 et 2003, a démarré par un CAP (33)
"Cette décision est prise au plus mauvais moment, quand les banlieues brûlent. Une fois du plus, on utilise l’apprentissage comme un remède au lieu de valoriser son image, de le réhabiliter. 14 ans me paraît trop tôt, même si les jeunes actuels me semblent plus matures, plus débrouillards, et que pour certains d’entre eux, ceci pourrait être un moyen de sortir de leur ghetto, de leur redonner le goût du travail et de les extraire de la spirale infernale. Cela dit, à 14 ans, on est aussi moins malléable. On ne pourra pas imposer des rythmes et des règles que nous-mêmes avons connus. Respect, reconnaissance et salaire décents sont indispensables. Il ne faut pas que l’apprenti se sente exploité.
B. D.

andrieux-bernard--PBo.jpg (3920 octets)Bernard Andrieux, restaurant Andrieux à Durtol (63)
"Oui, mais. Avec un grand point d’interrogation. 14 ans, c’est quand même jeune ! L’apprentissage est un vrai sujet qu’il ne faut pas aborder comme cela pour tenter de résoudre une crise. Tout le monde doit se mettre autour d’une table, professeurs, professionnels et parents. Car les parents ont un rôle capital dans l’apprentissage, leur soutien est indispensable. Il faut une charte, se donner les moyens d’atteindre un but. Former des apprentis n’est pas donné à tout le monde, ce n’est pas de la main-d’œuvre bon marché. Cela représente un investissement humain. L’émission ‘Oui chef !" a pu faire croire à nos dirigeants qu’en six mois on pouvait amener aux fourneaux des enfants en difficultés. Mais ce n’est pas la réalité. Pour former un cuisinier, il faut du temps."
P. B.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2951 Hebdo 17 Novembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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