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du 10 novembre 2005
CAMPUS
Jean-Pierre Dézavelle, chef de travaux du lycée hôtelier de Strasbourg-Illkirch, et le cap cuisine

"DONNER AUX JEUNES LES MOYENS D'ÉVOLUER"

Strasbourg-Illkirch (67) Pour Jean-Pierre Dézavelle, chef de travaux du lycée des métiers de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme Alexandre Dumas, "le CAP n'est qu'un point de départ".   Propos recueillis par Lydie Anastassion

De quel CAP parle-t-on ? À lire, à entendre, à écouter, j'ai du mal à comprendre. Serait-ce l'examen qui sanctionne la qualité de notre cuisine française ? Celle que le monde nous copie depuis des temps immémoriaux, pendant que nous nous laissons envahir par les pizzerias, les croissanteries, les kebabs, les saladeries et autres formules de restauration rapide ? Ou encore parce qu'il faut bien répondre aux souhaits de la clientèle, pendant que nous mêlons les saveurs du bout du monde dans de savants assemblages de 'fusion food' et de 'mondial food' ? Les propos qui sont tenus me donnent bien l'impression que ce sont les professionnels qui sont sanctionnés.

Je ne retrouve pas, dans les discours, l'expression de la volonté des jeunes, qui, après 2 années de formation, cherchent à valider les savoirs qu'ils ont acquis. Je n'entends aucun d'eux s'exprimer. Car il s'agit bien des jeunes dont il devrait être question. Et ces jeunes, je les connais bien. Sans forfanterie, j'ai fait passer le CAP, comme membre de jury d'abord, comme chef de centre ensuite, à des milliers de candidats (entre 150 et 200 chaque année). J'ai fait partie des commissions de rédaction des sujets, puis de choix de sujets. D'année en année, à la demande des professionnels qui participaient, qui participent encore, aux différents travaux, j'en ai apporté des modifications, des simplifications… […]

C'est à la demande des professionnels qui trouvaient déjà que l'Éducation nationale ne savait pas bien faire, que les jeunes en formation par apprentissage passent environ deux tiers de leur temps dans les entreprises contre un tiers dans les écoles. Ceux qui ont choisi la voie scolaire sont, à l'inverse, environ un tiers de temps en entreprise contre deux tiers à l'école. C'est dans les entreprises que ces jeunes doivent apprendre les techniques fondamentales de leur métier, l'école étant là en soutien, en synthèse, et surtout, pour inculquer les rudiments de culture générale.

Parce qu'elle est nationale, l'éducation doit être égalitaire.

Comment est-il possible de vérifier l'acquisition des connaissances des jeunes en formation dans les cuisines d'un palace, celles d'un 'étoilé' ou dans un restaurant traditionnel, d'une brasserie, d'un hôtel familial, d'une pension de famille, qu'ils soient, les uns ou les autres, en bord de mer ou d'océan, à la campagne, à la ville, à la montagne ?

C'est sans doute ce qui fait notre particularité gastronomique : chaque établissement est différent ! Il existe une nécessité incontournable pour la délivrance de ce diplôme national du CAP commis de cuisine : trouver les 'dénominateurs' communs, ceux qui peuvent être évalués dans tous les établissements de France.

Parce qu'elle est nationale, l'éducation est un formidable levier social.

À vous d'entendre, Messieurs : après le CAP il n'y a plus rien, et il vous faut vite mettre en place des formations complémentaires.

Une fois encore, la mémoire est à géographie variable !

Alors que le CAP est un diplôme de niveau V, le bac est au niveau IV, comme le brevet professionnel, le BTS est au niveau III, les poursuites d'études étant encore possibles au-delà.

C'est bien à la demande des professionnels, supportés par les parents d'élèves, que le baccalauréat professionnel a été mis en place. Les programmes ont été validés par la profession, ils sont d'un très bon niveau.


L'apprentissage des techniques est au cœur du débat sur la refonte du CAP cuisine.

Aujourd'hui, nombreux sont les jeunes qui, après un CAP, voire un BEP, continuent en bac pro, avec le ferme espoir de poursuivre encore en BTS. Que ce soit par la voie scolaire ou par la voie professionnelle.

Pour ceux que les études plus longues inquiètent, le brevet professionnel est ouvert. Dans ces conditions, pourquoi faut-il maintenir des techniques culinaires qui, de toute façon, sont évaluées dans les niveaux de diplômes supérieurs ?

Le CAP n'a jamais été une fin en soi, ce n'est que le point de départ pour un métier que le jeune voudra faire évoluer à son rythme, vers la formule de restauration qui lui convient. Et les mentions complémentaires existent, inutile de vouloir en créer d'autres ! […]

Ne cherchons pas de boucs émissaires. La réalité est en face de nous : nous ne vivons plus, nous ne travaillons plus comme avant, nos clients n'ont plus les mêmes goûts ni les mêmes moyens qu'avant. Les plaques à induction ont remplacé les fourneaux à charbon, c'est sans doute dommage, mais c'est comme ça ! […]

Aux professionnels anxieux du devenir de notre cuisine française, j'oppose mon souci logique de la transmission de leurs affaires.

Si, pour quelque raison que ce soit, la vision idéale de la formation des jeunes se limite à l'obtention d'un CAP, et rien de plus, qui sera en mesure, plus tard, d'assurer la direction de leurs affaires et leur reprise ? Il faudra sans doute créer des formations complémentaires d'un nouveau niveau, de type BTS peut-être, pour trouver des gestionnaires, des directeurs de restauration, des directeurs de l'alimentation et des boissons, des commerciaux chargés de communication…, ces filières existent déjà, ne réinventons pas l'eau froide. […]

Laissons donc aux jeunes, car c'est bien d'eux dont il s'agit, le soin de décider de leur avenir. Donnons-leur les moyens d'évoluer, offrons-leur des choix.

La palette est suffisamment vaste pour qu'ils y trouvent leur épanouissement.    zzz68o

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L'Hôtellerie n° 2950 Hebdo 10 novembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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