Le débit est rapide, les phrases s’enchaînent sans pause : Kevin Machefert n’a plus de temps à perdre. Il veut désormais tourner la page d’une séquence douloureuse pour son groupe hôtelier et entamer enfin le nouveau chapitre de son histoire, explique-t-il dans un des salons de l’hôtel Normandy Le Chantier à Paris, le 9 septembre dernier. Depuis cinq ans, il se démenait pour sauver l’entreprise familiale qu’il préside - anciennement Les Hotels de Paris – de la pression exercée par Fortress Capital, un fonds vautour qui avait racheté un emprunt contracté auprès de Colony Capital et qui en exigeait le remboursement immédiat, quitte à pousser l’hôtelier vers la liquidation judiciaire et à la cession, à bas prix, de ses 16 hôtels.
Son travail a été couronné de succès puisque le 11 juillet dernier, après six procédures successives, le tribunal de commerce a accepté son plan de redressement. À la clé, un financement de 180 M€ réunis grâce à la cession (murs et/ou fonds) de trois de ses hôtels pour 44,5 M€ (Villa Alessandra, Villa Lutèce Port-Royal et Villa Royale Pigalle) et à une levée de fonds de 135,5 M€ auprès de Bain Capital, remboursable sur cinq ans.
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‘Phenix’ : repositionner et développer le groupe
Ce “deal associatif”, dans lequel Bain Capital est à la fois préteur et partenaire, permet à Kevin Machefert de relancer son groupe sans s’en séparer ni en quitter la direction. Grâce à ce refinancement, il a élaboré un ambitieux plan de relance, baptisé ‘Phenix’, où trois axes ont été privilégiés : le repositionnement des actifs du groupe, la poursuite du développement, et la mise en avant de concepts innovants.
Le dirigeant va tout d’abord investir dans la rénovation de ses sept de ses 16 boutique-hôtels. Situé à deux pas du musée du Louvre et du Palais-Royal, le Normandy va ainsi passer, dans le courant de l’année 2026, de 83 à 108 chambres 5 étoiles, auxquelles s’ajouteront deux restaurants, deux bars, un speakeasy et d’une salle de sport. À Paris encore, l’hôtel 1K sera repositionné grâce à l’aménagement d’un vaste espace bar, restauration et événementiel (‘F&B&E’, food, beverage, events), au deuxième semestre 2026. Au Kube Saint-Tropez, 33 des 72 chambres seront rénovées pour placer l’hôtel, qui bénéficie depuis cet été d’une place privée, “dans le top 5 tropézien”.
Quatre projets en cours
Kevin Machefert mise également sur la croissance externe, avec quatre projets en cours. À commencer par Paris, où il annonce la reprise de l’ancien hôtel Villa Luxembourg (VIe) et sa réouverture au premier semestre 2026. Outre ses 52 chambres, l’hôtel disposera là encore d’un grand espace en rez-de-chaussée pour accueillir des concepts innovants de bar et restauration, mais aussi d’une salle de sport, d’un espace bien-être et d’une grande cour intérieure végétalisée.
Au-delà du périphérique, le groupe “regarde activement” les destinations de montagne pour créer des synergies été/hiver avec ses adresses du Sud de la France. Il cible aussi la région PACA, le littoral atlantique, le Sud-Ouest, et les destinations situées à une heure de Paris. À l’international, Machefert prévoit un hôtel resort “sur un tout nouveau format” à Marrakech, comptant 38 chambres et cinq piscines.
Innover et surprendre
Car Kevin Machefert compte aussi sur l’esprit d’innovation, marque de fabrique du groupe familial : “[Chez Machefert], on a longtemps manqué de moyens donc on compensait avec les idées.”, sourit le dirigeant : “Ce qui a fait notre force, c’est d’être détonants et surprenants.” La technologie sera un atout de poids dans ce modèle, grâce à la création d’un centre de données et d’un agent IA permettant de “répondre à la fois aux demandes des clients et à celles des collaborateurs”.
Il s’appuiera également sur l’IA pour créer la Machefert Academy qui dispensera des formations à la fois digitales et in situ, pour encourager la polyvalence des équipes et former les nouveaux arrivants.
Enfin, à l’horizon 2030, l’ambition est d’aboutir à un “hôtel autonome”, où tout le côté transactionnel sera géré par les outils numériques et non par les équipes : “Nous avons identifié huit points de contact dans le parcours client, entre l’intention d’achat et le check-out, et il n’y en a aucun qui ne puisse être géré par l’IA.” Kevin Machefert en est convaincu : face à cette évolution technologique, l’hôtellerie de demain doit miser sur l’immersion : “Les touristes – notamment étrangers - ne viennent plus pour consommer mais pour vivre des expériences. Il est de notre devoir moral de raconter des histoires à ces clients et de créer de la valeur autour de ces histoires.”
Publié par Roselyne DOUILLET
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