La dynamique des bâtisses patrimoniales réinventées en hôtels

Paris (Île-de-France) Ils ont un coup de cœur pour un château, un manoir ou une demeure classée qu’ils souhaitent transformer en hôtel. Ces investisseurs et entrepreneurs veulent ainsi proposer une autre idée de l’hospitalité, parfois même en s’affranchissant de l’attribution d’étoiles. Leurs projets sont-ils viables ? Et la clientèle est-elle au rendez-vous ? Enquête.

Publié le 05 juin 2025 à 10:30

“Nous vivons à Saint-Ouen [Seine-Saint-Denis] et, depuis 2018, nous passions régulièrement devant une maison à l’abandon qui nous faisait rêver”, racontent Anne Oury et Selim Mouhoubi. La demeure en question, construite en 1885 en surplomb de champs d’asperges et de vignes, a longtemps été la maison de campagne d’une famille du Nord de la France. Puis, les héritiers ont cherché à s’en séparer, refusant les projets de promoteurs qui souhaitaient tout raser pour bâtir un immeuble. Et pour cause : “La maison est répertoriée au patrimoine des Bâtiments de France”, souligne Selim Mouhoubi. Mais, à force de persévérance, le couple a réussi à en faire l’acquisition en vue de la transformer en hôtel. Le tout à deux pas du métro Mairie de Saint-Ouen. 
Pourquoi l’hôtellerie ? Parce qu’Anne Oury connaît le secteur par cœur : ses deux derniers postes étaient ceux de directrice d’exploitation de l’hôtel 25 Hours, à Paris (Xe), et de directrice du Courtyard by Marriott Paris La Défense West-Colombes (Hauts-de-Seine). Quant à Selim Mouhoubi, il est entrepreneur dans l’âme. Les 18 mois de travaux pour métamorphoser la maison de Saint-Ouen en hôtel, désormais baptisé Le Charmant, ne leur ont donc pas fait peur. Passionnés et convaincus que l’hôtellerie d’aujourd’hui doit raconter une histoire et embarquer les clients dans un univers à part, ils n’ont pas compté leurs heures pour offrir une seconde vie à cette bâtisse passée d’une famille à une autre. Le couple vit, en effet, sur place avec ses enfants, dans un corps de bâtiment en marge de l’hôtel. L’établissement a ouvert l’hiver dernier, avec 20 chambres – il en aura 5 de plus d’ici à l’automne 2025 – un bar, un restaurant de 50 couverts qui peut recevoir jusqu’à une centaine de convives lorsque la terrasse est dressée dans le jardin. 
Des projets comme celui-ci, les agents immobiliers spécialisés en châteaux, manoirs et hôtels particuliers en voient régulièrement passer. À l’instar de Patrice Besse, qui reconnaît que ces transformations de bâtisses patrimoniales en hôtels sont “dans l’air du temps”, surtout depuis 2022, période post-Covid, où le besoin d’évasion et de nature s’est fait clairement ressentir. D’ailleurs Anne Oury confie volontiers que certains clients du Charmant viennent et reviennent, “comme on le fait dans une maison de campagne”.

“Rien n’est aux normes dans un bâtiment ancien à restaurer ou transformer”
Le succès des Domaines de Fontenille – groupe hôtelier qui a ouvert son capital à LVMH fin 2024 – comme celui de l’Abbaye des Vaux-de-Cernay – sous le giron de Paris Society, désormais dans le portefeuille d’Accor –, témoignent également de cet engouement pour les bâtiments historiques et à histoires, cernés de verdure. Avec une clientèle de fidèles. “Le luxe, selon moi, c’est de pouvoir être chic en marchand avec des bottes à la campagne et de se garer en forêt plutôt que dans un parking couvert… Or, nous avons une communauté qui se reconnaît dans cette façon de vivre”, a expliqué Guillaume Foucher, cofondateur des Domaines de Fontenille, lors du salon EquipHotel de novembre 2024. 
L’entrepreneur et mécène Frédéric Jousset, lui aussi, a compris que patrimoine et nature font plutôt bon ménage dans un projet hôtelier. Après l’ouverture en 2018 du Relais de Chambord (Loir-et-Cher), un boutique-hôtel situé à 50 mètres du très fréquenté château éponyme (1,1 million de visiteurs en 2024), il vient d’acquérir deux hôtels emblématiques – Les Minimes et le Choiseul – en bord de Loire et au pied du château d’Amboise (Indre-et-Loire), pour n’en faire qu’un. Son nom : le Relais d’Amboise. Montant estimé des travaux : 17 M€ pour refaire une soixantaine de chambres, avec une ouverture prévue à l’été 2027. 
Quant au groupe Accor, son PDG, Sébastien Bazin, a confirmé, début 2025, l’achat de la Citadelle de Belle-Ile-en-mer (Morbihan), dessinée par Vauban et classée aux monuments historiques, pour la métamorphoser en complexe hôtelier. Un chantier titanesque en perspective car il faut préserver l’existant, ne rien dénaturer, tout en créant des portes coupe-feu et autres impératifs de sécurité. “Rien n’est aux normes dans un bâtiment ancien à restaurer ou transformer. Il faut, de surcroît, faire réaliser les travaux par des artisans ou des compagnons recommandés par les Bâtiments de France, ce qui a un coût”, rappelle Mark Watkins, fondateur du cabinet Coach Omnium. Mieux vaut donc avoir les reins solides. Le consultant ajoute : “La belle bâtisse hôtelière à la campagne, c’est attractif pour des mariages, des séjours à la belle saison et si l’on est près d’une ville ou d’une gare TGV, c’est aussi viable pour des séminaires. Mais c’est compliqué à faire vivre toute l’année. Quant aux subventions, pour rénover un bâtiment ancien, elles sont ratiboisées et les banques, aujourd’hui, ont du mal à suivre ce type de projet.”

“Un hôtel sans étoile peut parfaitement vivre sa vie”
À Saint-Ouen, Anne Oury et Selim Mouhoubi ont bien conscience que rien n’est gagné d’avance avec Le Charmant,. Ils ont vécu les travaux qui se prolongent dans le temps, faute d’artisans disponibles au bon moment. Ils savent aussi que l’hôtellerie plus classique est en embuscade, aux portes de Paris. Ce qui incite ce duo d’indépendants à réfléchir à un autre point : faut-il ou pas mettre des étoiles sur la façade de leur établissement ? En apposer faciliterait la visibilité sur les canaux de distribution. Ne pas le faire permettrait d’insister sur le positionnement atypique de cet hôtel de ville aux airs de maison de campagne, où l’on vient en famille le week-end pour le barbecue préparé dans le jardin… “Un hôtel sans étoile peut parfaitement vivre sa vie, si c’est un bon produit, si son propriétaire ou gérant sait communiquer et trouver des clients”, commente Mark Watkins. Du côté d’Atout France, qui délivre les étoiles aux hôtels, on confirme que la procédure de classement est facultative. Il n’en demeure pas moins qu’en 2024, sur un parc hôtelier français de 16 610 établissements, 12 800 étaient classés, “avec une part de non classés à la baisse”, souligne Pierre Martin, responsable de la sous-direction Qualité chez Atout France. En effet, si l’on recensait 25 % d’hôtels affranchis des étoiles en 2022, ils n’étaient plus que 23 % en 2024. “Pour le client, le nombre d’étoiles reste un critère”, reprend Pierre Martin. Mark Watkins nuance le propos : “Aujourd’hui, 16 % des clients prennent en compte les étoiles – et 8 % seulement des seniors –, contre 64 % en 2008. Les premiers critères de sélection d’un hôtel, en dehors de sa localisation, sont désormais les avis des clients et le prix.”


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Publié par Anne EVEILLARD



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