“Dans le tourisme, l’exception est devenue la norme”, a rappelé Bertrand Pullès, directeur associé d’Extendam. en ouverture de la conférence célébrant les cinq ans de la Fabrique du tourisme, à Paris, Imaginé en pleine pandémie par Bpifrance, Extendam et MKG Consulting, ce laboratoire d’idées est devenu un espace de réflexion et d’action rassemblant hôteliers, experts, banquiers, investisseurs et étudiants, pour un secteur contraint de se réinventer. “Si toutes nos certitudes ont été remises en cause, le secteur reste en croissance. En France, on a des talents, des infrastructures, des entreprises, mais désormais, les enjeux imposent de repenser le modèle.”
Depuis 2020, la Fabrique du tourisme a rassemblé plus de 350 participants, 40 intervenants et 12 parrains, générant sept rapports et une trentaine de fiches pratiques. Pour Virginie Si-Hassen, directrice des partenariats et du pilotage stratégique de Bpifrance, “Nous nous sommes réunis sur la conviction que le tourisme doit rester un moteur économique, social et culturel. Et depuis cinq ans, c’est cette conviction qui s’est transformée en mouvement vers une économie plus durable, plus humaine, plus innovante.”
Relever le défi humain
Une table ronde a réuni quatre parrains des éditions précédentes : Franck Gervais, PDG de Pierre & Vacances-Center Parcs, Serge Trigano, fondateur de Mama Shelter et d’Oh Baby, Agnès Roquefort, directrice générale développement du groupe Accor, et Fabrice Bonnifet, président de C3D et de Gen Act. Ensemble, ils sont revenus sur le bilan des cinq années écoulées et ont imaginé les enjeux auxquels sera confronté le secteur dans les cinq années à venir.
Le développement de la responsabilité environnementale des entreprises a été au cœur des discussions, que ce soit par “l’exigence de responsabilité” pour Franck Gervais, ou le défi humain à relever pour Serge Trigano : : “Il faut séduire et fidéliser les femmes et les hommes de nos métiers. L’intelligence artificielle pourra nous libérer de certaines tâches, mais elle ne remplacera jamais l’esprit d’accueil”, est-il convaincu. Et si Agnès Roquefort a rappelé sa confiance dans la “politique des petits pas” en matière de transition environnementale, elle reconnait que “le chemin est encore long pour ré-enchanter les métiers de l’hôtellerie”
Adaptation et sobriété
Fabrice Bonnifet va plus loin dans la réflexion, estimant que le climat n’est qu’un des enjeux : “Sept des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Il ne s’agit plus seulement de réduire notre impact, mais de nous adapter dès maintenant”, alerte-t-il. Il faut “écouter les scientifiques, faire preuve de dignité et de responsabilité. Les solutions existent mais cela va couter plus cher et on va gagner moins d’argent, et il faudra faire de la pédagogie auprès des clients, sans être moralisateur ni culpabilisant.” Pour les cinq années à venir, il imagine des bâtiments capables de générer leurs propres flux, et conseille d’intensifier l’usage des hôtels et de réfléchir à louer les gros équipements – ascenseurs, cuisines… - plutôt que de les acheter.
Pour Agnès Roquefort, l’intelligence artificielle et l’analyse de la data s’imposent désormais comme leviers de performance et permettront d’investir davantage dans la RSE. Elle observe également que l’hôtellerie a une place à prendre dans la recherche de bien-être, de longévité, de déconnexion et d’ancrage dans les communautés locales. Mais pour Manuel Heurteux, directeur exécutif de l’Essec IMHI, la priorité reste humaine : “On peut se passer de l’IA dans un hôtel, pas de l’humain. Il faut continuer à investir dans les collaborateurs et aligner leur expérience avec celle du client.”
Alors que le tourisme local et les modèles régénératifs gagnent du terrain, la Fabrique du tourisme entend poursuivre sa mission, avec un nouveau rendez-vous fixé le 4 février prochain. Car comme le résume Bertrand Pullès : “L’immobilisme n’est plus une option.”
Publié par Roselyne DOUILLET
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