
É
ric Ripert
est en mission promotion en ce mer-
credi soir. Devant un parterre de curieux, réu-
nis dans le mini-amphithéâtre d’une librairie
de New York, il est venu présenter son nouveau livre,
32 Yolks
(Ed. Penguin Random House). Les jeunes
gens dans le public le connaissent essentiellement à
travers ses apparitions dans les émissions Top Chef
et Parts Unknown, avec le chef-star
Anthony Bour-
dain
, ou par les articles qui vantent sa cuisine au
Bernardin, le restaurant triplement étoilé de Man-
hattan qu’il dirige depuis 1994.
Ce soir-là, ils sont venus découvrir la face cachée
du chef, celle qu’il raconte dans ses mémoires,
co-écrites avec la journaliste
Veronica Chambers
.
“C’est un peu comme une thérapie gratuite, mais je
n’ai pas de secret. J’avais déjà fait un travail sur moi-
même et je m’étais déjà réconcilié avec mon passé”,
confie-t-il. Dans cette première autobiographie, le
chef lève le voile sur une enfance difficile dans le sud
de la France et en Andorre, marquée par la mort de
son père et les relations brutales avec son beau-père.
Il parle aussi de ses premiers pas, en 1982, à la Tour
d’argent à Paris où, tout juste sorti de l’école hôte-
lière, il découvre l’extrême exigence des grandes
cuisines. Là, alors qu’il n’a pas 20 ans, le jeune
homme apprend la discipline. Et à faire une sauce
hollandaise avec 32 jaunes d’œufs - d’où le titre du
livre,
32 Yolks
. Puis, il est recruté chez Jamin, où il
participe comme assistant chef de partie puis chef
poissonnier au sacre de
Joël Robuchon
, plus jeune
chef à recevoir trois étoiles
Michelin
. Les anecdotes
sont nombreuses sur le ‘chef du siècle’.
“J’ai essayé
d’écrire le livre comme si j’avais 22 ans dans la cuisine
de Joël. Robuchon était contre la violence physique,
mais il avait des standards très élevés.”
Découverte du bouddhisme
Depuis, Éric Ripert a fait du chemin. Après ses
débuts américains en 1989 au restaurant de
Jean-
Louis Palladin
à l’hôtel Watergate à Washington,
il travaille à New York sous les ordres de
David
Bouley
. En 1994, il devient chef exécutif du Ber-
nardin, après la mort brutale de
Gilbert Le Coze
,
qui l’avait recruté un an auparavant. La suite de
l’histoire est connue : trois étoiles
Michelin
, quatre
étoiles au
New York Times
obtenues à 29 ans et
conservées depuis...
Sa philosophie :
“Une cuisine sans stress.” “Si vous
avez un gars qui tremble et un autre qui est heureux
d’être aux fourneaux, lequel des deux sera le meil-
leur ? Il est plus difficile d’avoir une cui-
sine sans anxiété, mais sur le long terme,
c’est ce qu’il faut faire.”
Sa découverte
du bouddhisme n’est certainement pas
étrangère à cette philosophie. Un moine
vient d’ailleurs méditer chez lui une fois
par semaine.
Publier ses mémoires fait partie de la
même volonté d’introspection.
“J’ai aussi
fait ce livre pour inspirer les jeunes cuisi-
niers, pour leur dire que même s’ils tra-
vaillent dur en école de cuisine, ils restent
des débutants une fois qu’ils en sortent.”
28
L’Hôtellerie Restauration
N° 3515 - 8 septembre 2016
RÉUSSITE
Alexis Buisson,
correspondant
à New York
www.lhotellerie-restauration.fr/publications/alexis.buisson
Éric Ripert
, chef
du Bernardin,
3 étoiles
Michelin
à New York
depuis 1994.
Si vous avez
un gars qui
tremble et
un autre qui
est heureux
d’être aux
fourneaux,
lequel des
deux sera le
meilleur ?”
© NIGELPARRY
Le chef français, qui domine la cuisine new-yorkaise avec son restaurant Le Bernardin,
dévoile sa face cachée dans une autobiographie.
Éric Ripert :
“Faire une cuisine sans stress”